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ne prévalent: tout ce qui est bien et vrai, est en sa faveur; tout ce qui est mal ou faux, est contre lui. Il doit donc, par tous les moyens, favoriser le progrès des lumières, et sur-tout leur diffusion: car il a encore plus besoin de les répandre que de les accroître. Étant essentiellement lié à l'égalité, à la justice, à la saine morale, il doit sans cesse combattre la plus funeste des inégalités, celle qui entraîne toutes les autres, l'inégalité des talents et des lumières dans les différentes classes de la société. Il doit tendre continuellement à préserver la classe inférieure des vices de l'ignorance et de la misère, et la classe opulente de ceux. de l'insolence et du faux savoir: il doit tendre à les rapprocher toutes deux de la classe mitoyenne, où règne naturellement l'esprit d'ordre, de travail, de justice et de raison, puisque, par sa position et son intérêt direct, elle est également éloignée de tous les excès. D'après ces données, il n'est pas difficile de voir ce que ce gouvernement doit faire relativement à l'éducation: il est inutile d'entrer dans les détails. Ainsi nous terminerons là ce livre, et nous allons suivre Montesquieu dans l'examen des lois convenables à chaque espèce de gouvernement.

LIVRE V.

Que les lois que le législateur donne, doivent étre relatives au principe du gouvernement.

Les gouvernements fondés sur la raison n'ont qu'à laisser agir la nature.

Nous avons dit, au commencement du livre IV, que les lois de l'éducation doivent être relatives au principe du gouvernement, c'est-à-dire, que l'éducation doit être dirigée dans l'esprit le plus convenable au maintien du gouvernement établi, si l'on veut prévenir sa chûte et empêcher sa ruine; et certainement personne ne sera tenté de dire le contraire. Or, cette vérité si certaine et si généralement avouée, renferme implicitement celle dont il s'agit actuellement; car l'éducation dure toute la vie, et les lois sont l'éducation des hommes faits. Il n'y en a pas une, de quelque espèce qu'elle soit, qui n'inspire quelques sentiments et n'éloigne de quelques autres, qui ne porte à certaines actions, et ne détourne de celles qui leur sont opposées. Parlà, les lois, à la longue, forment les mœurs,

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c'est-à-dire les habitudes. Il ne s'agit donc ici que de voir quelles sont celles qui sont favorables ou contraires à telle ou telle espèce de gouvernement, toujours sans préjuger leurs autres effets sur le bonheur de la société, et, par conséquent, sans prétendre déterminer le degré de mérite des différents gouvernements qui les rendent nécessaires : c'est là l'objet d'une discussion ultérieure dont nous ne nous occupons pas actuellement.

Montesquieu, dans tout ce livre, raisonne très-conséquemment au systême qu'il s'est fait sur la nature des différents gouvernements, et sur ce qu'il appelle les principes propres à chacun d'eux. Il fait si bien consister la vertu politique des démocraties dans le renoncement à soi-même et dans l'abnégation de tous les sentiments naturels, qu'il leur donne pour modèle les règles des ordres monastiques; et, parmi ces règles, il choisit les plus austères et les plus propres à déraciner dans les individus tout sentiment humain. Pour atteindre à ce but, il approuve sans restriction que l'on prenne les mesures les plus violentes, comme celles de partager toutes les terres également, de ne jamais permettre qu'un seul homme réunisse deux portions, d'obliger un père à laisser sa portion à un de ses fils, et à faire

adopter les autres par des citoyens sans enfants, de né donner qu'une très-faible dot aux filles, et quand elles sont héritières, de les forcer à épouser leur plus proche parent, ou même d'exiger que les riches prennent, sans dot, en mariage, la fille d'un citoyen pauvre, et donnent une riche dot à la leur, pour épouser un citoyen pauvre, etc., etc. Il ajoute à tout cela le plus profond respect pour tout ce qui est ancien, pour la censure la plus rigide et la plus despotique, pour l'autorité paternelle la plus illimitée, jusques et compris le droit de vie et de mort sur ses enfants; et même jusqu'au point que tout père ait le droit de corriger les enfants des autres, sans expliquer à la vérité par quel moyen.

De même, il recommande tellement la modération à l'aristocratie, qu'il veut que les nobles évitent de choquer et d'humilier le peuple, qu'ils ne s'attribuent aucuns priviléges individuels, ni honorifiques, ni pécuniaires, qu'ils ne reçoivent que peu ou point d'appointements pour les fonctions publiques, qu'ils s'interdisent tous les moyens d'accroître leur fortune, toutes les occupations lucratives, telles que le commerce, la levée des impôts, etc., etc..., et qu'entre eux, pour éviter l'inégalité, la jalousie et les haines, il n'y ait

ni droits de primogéniture, ni majorats, ni substitutions, ni adoptions, mais partages égaux, conduite réglée, grande exactitude à payer leurs dettes, et prompte terminaison des procès. Cependant il permet et recommande à ces gouvernements si modérés l'inquisition d'état la plus tyrannique, et l'usage le plus illimité de la délation. Il assure que ces moyens violents leur sont nécessaires. Il faut l'en croire.

En vertu de cette même fidélité à ses principes il recommande dans les monarchies tout ce qui tend à perpétuer le lustre des familles, l'inégalité des partages, les substitutions, la liberté de tester, les retraits lignagers, les priviléges personnels, et même ceux des terres nobles. Il y approuve les lenteurs des formes, la puissance des corps à qui le dépôt des lois est confié, la vénalité des charges, et généralement tout ce qui tend à relever l'existence des individus des classes privilégiées.

A l'égard de ce qu'il appelle le gouvernement despotique, il peint tous les maux qui s'ensuivent, plutôt qu'il ne dit comment il devrait être. Effectivement cela lui était impossible. Après avoir commencé par dire : Quand les sauvages de la Louisiane veulent avoir du

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