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que nous devons chercher les modes d'autorisation, de prises d'eau, etc., etc.

201. Les moulins à eau doivent, comme les usines, être autorisés par l'autorité supérieure, car cette autorisation est nécessaire dans l'intérêt général. Les fleuves et rivières qui forment en France une partie importante des communications seraient bientôt envahis et les eaux détournées de leurs cours, s'il était permis à tout le monde d'établir des moulins ou des usines sur les cours d'eau navigables ou flottables.

202. De temps immémorial, il fut défendu en France de construire des moulins sans autorisation. « Il ne loise <«< a nul home, disait la coutume de Normandie, a fere <<< novel molin en sa terre ne gord qui moille la terre à ses <«< voisins, ne qui face mal à ses voisins, ne a nullui, et << ne soit prové et requenu par le serment de XII leaus « hommes (1). »

L'ordonnance de 1669 (2) allait même jusqu'à prononcer une amende de 500 livres tant contre les particuliers que contre les fonctionnaires publics qui, dans les trois mois de la promulgation de l'ordonnance, n'auraient pas fait démolir les moulins et usines non autorisés.

En l'an VI, le Directoire exécutif (3) prit un arrêté par lequel, «< il est enjoint aux administrations centrales et <<< municipales et aux commissaires du Directoire exécutif (1) Titre de Molins Ancien coutumier de Normandie, publié par M. Marmier, bibliothécaire de l'ordre des avocats à la Cour impériale de Paris.

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(2) Art. 42, 43, 44 (Voir aussi loi, en forme d'instruction, des 12-20 août 1790).

(3) Arrêté du Directoire exécutif contenant des mesures pour assurer le libre cours des rivières et canaux navigables ou flottables, en date du 9 mars 1798 (19 ventôse an VI).

<< établis près d'elles, de veiller avec la plus sévère exacti<< tude à ce qu'il ne soit établi par la suite aucun moulin, <<< digue ou autre obstacle quelconque au libre cours des <<< eaux, dans les rivières navigables et flottables, dans les << canaux d'irrigation et de desséchement généraux, sans << en avoir préalablement obtenu la permission de l'ad<< ministration centrale qui ne pourra l'accorder que de <«< l'autorisation expresse du Directoire exécutif. >>

Aujourd'hui le principe de l'autorisation est consacré par plusieurs arrêts du Conseil d'Etat qui n'ont fait, du reste, que confirmer le texte précis de la loi (1).

203. Une autorisation est également nécessaire pour l'établissement de moulins sur des cours d'eau non navigables ni flottables (2).

Cette nécessité d'une autorisation se justifie par l'intérêt légitime accordé à l'agriculture.

En effet, s'il n'y a plus ici à craindre que les meuniers envahissent les voies de communication, on doit avec raison redouter de voir se perdre les eaux si utiles pour la fertilité de la terre. L'eau est un élément trop indispensable de la prospérité agricole pour qu'on puisse permettre à l'industrie de l'absorber tout entière à son profit.

204. Les autorisations nécessaires pour l'établissement de moulins sur tous les cours d'eau, quels qu'ils soient, sont données après certaines formalités administratives

(1) Arrêts des 8 septembre 1819 (Devill. et Carette, Collection nouvelle, t. VI, 2° part., p. 142) et 14 juillet 1841 (Id., 1842, 2o part., p. 37. Voir aussi Jousselin, Servitudes d'utilité publique, t. II, p. 214).

(2) Voir, sur la question de savoir si les cours d'eau non navigables ni flottables appartiennent à l'État ou aux particuliers, une savante dissertation de M. Foucard, Éléments de droit public et administratif, t. III, p. 417.

que déterminent les circulaires du 19 thermidor an VI, du 16 novembre 1834, du 23 octobre 1851 et du 27 juillet 1852 (1).

205. La demande est adressée par le pétitionnaire en double expédition au ministre des travaux publics; une de ces expéditions doit être sur papier timbré. La circulaire du 23 octobre 1851 (2) énonce ce que doit contenir la demande.

206. La demande, lorsqu'elle est régulière, fait l'objet d'un arrêté du préfet qui ordonne une enquête. Cet arrêté est, d'après la circulaire du 23 octobre 1851, affiché dans la commune où les travaux doivent avoir lieu, et indique la commune ou les communes dans lesquelles aura lieu l'enquête. Il doit rester affiché pendant vingt jours, et chacun peut faire ses observations dans ce délai ou au plus tard dans les trois jours qui suivent (3).

Un registre est, dans le même délai et dans le même but, ouvert à la mairie (4).

207. L'enquête est faite, conformément à la circulaire de l'an VI, dès que les maires ont certifié l'accomplissement des formalités voulues (5).

208. Les pièces, envoyées aux préfets, sont par eux transmises aux ingénieurs qui visitent les lieux, et sont obligés de remplir les formalités déterminées par la circulaire de 1851. C'est une seconde enquête à laquelle sont

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(1) Voir aussi, dans l'École des communes, année 1853, p. 197, et 225, deux articles dans lesquels M. de Pistoye, chef de bureau au ministère des travaux publics, résume, de la manière la plus complète, cette matière aussi importante que délicate.

(2) Circulaire portant règlement des usines sur les cours d'eau. (3) Circulaire du 19 thermidor an VI. (4) Circulaire du 23 octobre 1851. (5) Circulaire du 23 octobre 1851.

convoqués les maires, les personnes les plus expérimentées et les intéressés eux-mêmes (1).

L'ingénieur chargé de cette seconde phase de l'instruction dresse procès-verbal détaillé, et prescrit les formalités à remplir, dans le cas où les parties intéressées s'entendant, feraient entre elles des conventions amiables.

209. Les plans et nivellements sont dressés par l'ingénieur ordinaire; l'ingénieur, qui a fait la visite, fait son rapport sur la demande du pétitionnaire, dans la forme déterminée par la circulaire de 1851. Ainsi, il y fait mention des points spéciaux recommandés à l'attention toute particulière des ingénieurs, c'est-à-dire des niveaux de la retenue du repère définitif, du déversoir de superficie, des canaux de décharge, des barrages, des vannes motrices et des canaux de dérivation.

210. Lorsqu'il s'agit d'établissement de moulins sur les cours d'eau navigables ou flottables, comme une telle concession est soumise à une redevance annuelle (2), il y a lieu de déterminer le volume d'eau concédé en fixant les dimensions des prises d'eau. Quant à la quotité de la redevance, elle doit être établie en prenant pour base dans chaque localité la valeur de la force motrice (3).

211. Les ingénieurs font aux préfets des propositions dans lesquelles ils indiquent les travaux qu'il y aurait, selon eux, à exécuter pour éviter qu'un préjudice puisse

(1) Circulaire du 23 octobre 1851.

(2) « . continuera d'être faite, pour 1841, conformément aux <«<lois existantes et avec l'addition des redevances pour permis«sions d'usines et de prises d'eau, etc., etc. » (Loi portant fixation du budget de l'exercice 1841, en date du 16 juillet 1840, art. 8.) (3) Circulaire du 23 octobre 1851.

être causé aux voisins de l'établissement nouveau ou à l'intérêt de toute la commune (1).

212. La troisième phase de l'instruction comprend encore une enquête qui dure seulement quinze jours (2). 213. Lorsque toutes ces formalités sont remplies, l'autorisation est enfin accordée.

Si la demande a pour but d'établir un moulin sur un cours d'eau navigable ou flottable, l'autorisation est accordée par décret impérial.

214. Si la demande a au contraire pour but d'établir un moulin sur un cours d'eau non navigable ni flottable, le préfet statue sans l'autorisation du ministre des travaux publics, mais sur l'avis ou la proposition des ingénieurs en chef (3).

215. Les règles que nous venons d'énumérer s'appliquent aux moulins créés depuis la révolution de 1789; quant à ceux qui existaient auparavant, ils ont donné lieu à des questions nombreuses et souvent difficiles.

On s'est demandé, par exemple, si l'on pouvait considérer comme ayant une existence légale les moulins établis postérieurement ou antérieurement à l'ordonnance de 1566.

Le Conseil d'État a posé en principe, que la preuve de la légalité de l'établissement d'une usine ou d'un moulin (1) Circulaire du 23 octobre 1851.

(2). Circulaire du 16 novembre 1834.

(3) Décret du 25 mars 1852, sur la décentralisation administrative, art. 4 et tableau D., 3o. — Circulaire du 27 juillet 1852.

L'autorisation devait autrefois être accordée par le chef de l'État, sur la proposition du ministre ; la jurisprudence avait du moins admis cette règle critiquée par quelques auteurs seulement. (Voir Jurisprudence du XIXe siècle. Devill. et Carette, Vo Usines, nos 3, 27, 28, 29, 30 et 31. —Pardessus, Droits d'usage, t. I, no 92. — Avis du Conseil d'État du 31 octobre 1817.)

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