Images de page
PDF
ePub

souffrances de la population. Infirme.

Au principal

déclare Paillard, non recevable en sa demande. »

Nous devons dire, que depuis l'époque où cet arrêt a été rendu, le tribunal de commerce de la Seine s'est rangé à cette sage doctrine ainsi que le prouve un jugement rendu par lui, à la date du 5 octobre 1853. « Attendu, dit le tribunal, que des débats et des documents produits, il appert que la vente faite à Malnoury, n'a jamais été sérieuse ; qu'en effet, l'importance n'en était pas d'accord avec l'établissement du demandeur.- Que, de plus, Malnoury, qui, au mois de mars 1853, aurait acheté 720 sacs de farine à Gelé, lui en revendait 155 sacs en avril suivant. — Qu'il est urgent, dans l'intérêt du commerce, de faire cesser tous ces jeux, et d'annuler toutes ventes qui ne doivent se résoudre que par des différences. Par ces motifs, etc. >>

[ocr errors]

349. Pour qu'il y ait nullité du marché vis-à-vis des deux parties, il faut l'intention commune et simultanée de la part de l'acheteur et du vendeur de se livrer au jeu.

« Attendu, dit un arrêt de la Cour de Bordeaux (1), que si le jeu, de quelque apparence qu'il se couvre, est indigne de la protection des lois, il ne suffit pas à celui qui a contracté un marché à livrer, d'alléguer pour se délier de tout engagement, que ce marché n'était qu'un jeu déguisé et devait se résoudre en un paiement de différence; il faut qu'il apparaisse clairement que telle était la commune intention des deux parties (2). » « Ce serait,

(1) Arrêt du 4 juillet 1849 (Lehir, Annales de la science et du droit commercial, 1850, 2° part., p. 282).

(2) Voir, dans le même sens, un arrêt antérieur de la Cour de Bordeaux, en date du 14 février 1843 (Lehir, Annales de la science et du droit commercial, 1843, p. 180).

comme le démontre la Cour de Montpellier dans un arrêt du 15 janvier 1853, ouvrir la porte à la mauvaise foi que d'autoriser une partie à se dégager à son gré d'une opération sérieuse dans son principe, en alléguant plus tard qu'elle n'a entendu se livrer qu'à une opération de jeu (1). »

La justice ne peut en effet permettre au joueur de déchirer à son gré des marchés loyalement conclus par l'autre partie contractante, en alléguant sa propre turpitude, lors même que cette allégation serait reconnue vraie.

350. Si donc, un marché sérieux dans l'intention d'une partie, était fictif dans l'intention de l'autre, le tribunal devrait déclarer le marché valable et en ordonner l'exécution. La partie de bonne foi aurait alors le droit de poursuivre l'autre par toutes les voies de droit et même par corps, la dette étant essentiellement commerciale. C'est du reste ce que la jurisprudence a plusieurs fois décidé comme conséquence de principe, que pour qu'il y ait jeu, il faut l'intention commune de la part des deux contractants de faire un marché fictif.

<< Attendu, dit l'arrêt de Montpellier déjà cité (2), que si l'art. 1965 du Code Napoléon refuse toute action pour une dette de jeu ou le paiement d'un pari, il n'y a lieu d'en faire l'application que lorsqu'il y a preuve manifeste que l'intention commune des parties n'a pas été de faire une opération sérieuse. »>

351. Du principe que le jeu repose sur l'intention des parties de résoudre le marché en différences, il résulte

(1) Lehir, Annales de la science et du droit commercial, 1853, 2e part., p. 202. - Voir aussi jugement du tribunal de commerce de Rouen, en date du 21 avril 1842 (Devill. et Carette, 1848, 2e part., p. 458).

(2) Voir no précédent.

que des opérations commerciales, quelque hasardeuses qu'elles puissent être, ne constituent pas un jeu, s'il y a marché réel.

C'est ce que la Cour de Bordeaux a jugé par un arrêt du 4 juillet 1849. « Attendu, dit cet arrêt, qu'en examinant avec attention la correspondance échangée entre les parties et qui s'ouvre en septembre 1846, ainsi que les livres et documents produits, on voit que Damien de Beaufort, propriétaire dans le département de l'Hérault, lieu de production, persuadé, d'après les apparences de la récolte, qu'une hausse s'opérerait ultérieurement, voulut se procurer un bénéfice en achetant sur la place de Bordeaux une certaine quantité de........ (dans l'espèce, il s'agissait de trois-six) livrables dans les premiers mois de 1847.... - Attendu que si les achats faits par Damien de Beaufort, par l'entremise de Blanchy frères (commissionnaires) ne devaient pas servir d'aliments à un commerce suivi et régulier, mais à une spéculation passagère et hasardeuse sur la hausse présumée des trois-six, et si sous ce rapport ils empruntent quelque chose des caractères du jeu, néanmoins une telle spéculation ne sort pas du cercle des opérations permises, et contribue au mouvement commercial, pourvu qu'il y ait marché réel, déplacement de la marchandise et non simplement jeu sur la différence des cours (1). »

552. A côté de ces principes généraux qui forment la base de toutes les décisions judiciaires, il est certaines circonstances qui se représentent dans un grand nombre d'espèces, et qui peuvent faire supposer soit l'intention de

(1) Lehir, Annales de la science et du droit commercial, 1850, 2e part., p. 282.

jouer, soit au contraire l'intention de faire un marché sérieux.

Nous disons, que certaines circonstances peuvent faire supposer un marché fictif ou sérieux, car nous ne nous trouvons plus au milieu de ces principes qu'il faut toujours respecter; il ne s'agit plus ici que de présomptions plus ou moins fortes, que peuvent détruire les faits spéciaux de chaque affaire. Cependant ces présomptions n'en sont pas moins utiles à connaître, pour servir de guide dans l'appréciation souvent si difficile des marchés à terme.

355. Si, par exemple, l'une des parties contractantes ne faisait plus le commerce et n'avait plus de magasin au moment où le marché a été conclu (1), il y aurait là une présomption très-grave d'agiotage.

354. Il en serait de même, si les deux parties étaient réciproquement vendeurs et acheteurs de la même marchandise. C'est ce qu'a décidé, avec raison selon nous, la Cour de Lyon, par l'arrêt ci-dessus énoncé du 11 janvier 1840 (2). «< Attendu, dit cet arrêt, que soit... surtout de ce que Puy et Gonin étaient réciproquement vendeurs et acheteurs l'un de l'autre de la même marchandise, et de toutes les autres circonstances de la cause, résulte la preuve, que sous l'apparence d'un acte de commerce, ce prétendu marché ne cachait qu'un jeu. »

Cette présomption n'équivaut pas assurément à une preuve et peut tomber devant les circonstances de la cause. Ainsi, la Cour de Paris a confirmé un jugement du tribunal de commerce de la Seine, qui avait validé la vente et

(1) Arrêt de la Cour de Lyon du 11 janvier 1840 (Dalloz, Répertoire de législation, Vis Jeu Pari, no 19, note 1, 1гe espèce). (2) Voir note précédente.

la revente des mêmes farines par les mêmes individus (1). Cependant nous devons dire, que le plus souvent, l'achat et la revente des mêmes grains ou farines par les mêmes individus, sont une grave présomption que le marché est fictif, et nous croyons que les tribunaux doivent mettre la plus grande circonspection à valider de telles opérations. Les membres des tribunaux de commerce surtout auraient besoin peut-être de se méfier de l'entraînement que pourrait amener chez eux leur position de commerçants ou d'anciens commerçants. Habitués à toutes les chances du grand commerce, ils se laissent plutôt impressionner par le fait que par le droit, et seraient, moins que les magistrats des Cours impériales, disposés à annuler sans pitié tous les marchés ayant quelques uns des caractères du jeu. Mais il faut en même temps remarquer que la jurisprudence des tribunaux de commerce tend à devenir chaque jour plus rigoureuse à l'égard des marchés fictifs.

355. La disproportion entre l'importance du marché et la fortune ou le crédit des parties contractantes établit le plus souvent une présomption de jeu.

Si, par exemple, un marchand de grains ou farines connu sur la place pour ne faire que peu de commerce, opère des achats et des ventes très-importantes, il est permis de supposer que ces marchés sont des jeux sur la hausse ou la baisse et doivent se résoudre en différences.

C'est là une des plus fortes présomptions contre le caractère sérieux d'un marché, puisque l'impossibilité matérielle où se trouvent les parties d'exécuter leur

(1) Jugement du 21 janvier 1853 (Teulet et Camberlin, Journal des tribunaux de commerce, 1852, no 5, p. 5). Arrêt confirmatif, Id., 1853, no 635, p. 263.

« PrécédentContinuer »