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De là, résulte la division toute naturelle du chapitre de la Circulation en deux sections :

La première, relative à la circulation dans l'intérieur du territoire continental de la France;

La deuxième, comprenant les règles spéciales au cabotage.

SECTION I.

454.

CIRCULATION A L'INTÉRIEUR DU TERRITOIRE CONTINENTAL.

§ I. Liberté de la circulation à l'intérieur.

SOMMAIRE.

Principe de la liberté de circulation dans l'intérieur.

454. La liberté de la circulation des céréales sur tout le territoire, est un de ces principes économiques trop élémentaires pour pouvoir faire l'objet d'une discussion sérieuse, aussi le voit-on exister, sauf de bien rares exceptions, dans les législations de toutes les époques.

Aujourd'hui il se trouve consacré par la loi du 21 prairial an V, qui forme encore la base du système actuellement en vigueur. « La circulation des grains, dit « l'art. 1er, sera entièrement libre dans l'intérieur de la <«< République. »> Depuis cette époque, le gouvernement s'est toujours efforcé de faire respecter ce principe et de le protéger contre les mauvaises intentions de quelques hommes ennemis de leur pays. « Les lois << relatives aux subsistances, disait, en l'an VIII, le mi<< nistre de l'intérieur aux préfets des départements ma<< ritimes, veulent que rien n'entrave la circulation des <«< grains, farines et légumes dans l'intérieur; elles éta<< blissent, à cet égard, une liberté illimitée et prononcent « des peines sévères contre ceux qui se permettraient d'y

«< porter atteinte ; je vous charge d'en rappeler les dispo<<<sitions aux habitants de votre département et d'en assurer a l'exécution par tous les moyens qui sont en votre pou« voir (1). »

§ II. Répression des entraves apportées à cette circulation.

SOMMAIRE.

455. La libre circulation des grains est placée sous la protection des autorités civiles et militaires.

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458.

459.

460.

461.

462. 463.

-

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merie.

et plus spécialement des maires.
de la gendar-

- Les entraves à la libre circulation constituent un délit. La simple tentative de ce délit est punissable.

Jurisprudence sur ce point spécial.

- Le principe du non-cumul des peines est-il applicable en cette matière ?

Jurisprudence dans le sens de l'affirmative.

Opinion contraire de M. Devilleneuve.

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455. La protection de la libre circulation des grains appartient, en principe, aux autorités civiles et militaires. << La libre circulation des grains et farines, dit un décret << du 4 mars 1812, sera protégée dans tous les départe<<ments de notre empire. Mandons à toutes les autorités <<< civiles et militaires d'y tenir la main (2)........... »

456. Mais elle est plus spécialement du ressort des maires, qui, chargés d'assurer l'approvisionnement des marchés, doivent avoir incontestablement le droit de prendre telles mesures qu'ils jugent convenables pour

(1) Circulaire du 3e jour complémentaire an VIII (20 septembre 1800).

(2) Décret relatif à la circulation des grains et farines et à l'approvisionnement et à la police des marchés (sect. 1re, art. 1er).

protéger la libre circulation des grains sans laquelle tout approvisionnement deviendrait impossible.

457. Elle appartient également à la gendarmerie, qui doit veiller à l'exécution des mesures prises par les maires.

<< Les fonctions habituelles et ordinaires des brigades << de la gendarmerie royale, dit l'ordonnance du 29 octobre << 1820, sont :

« ....... D'assurer la libre circulation des subsistances, <<< et de saisir tous ceux qui s'y opposeraient par la force (1). »

458. Enfin, la répression des entraves apportées à cette circulation, appartient aux tribunaux de police correctionnelle chargés d'appliquer, en cas de culpabilité reconnue, les art. 2 et 3 de la loi du 21 prairial an V. Ces articles sont ainsi conçus :

Art. 2. « Toute personne convaincue d'avoir porté <«< atteinte à la liberté de la circulation des grains dans «<l'intérieur, sera poursuivie et condamnée, outre la «< restitution, à une amende de la moitié de la valeur des « grains arrêtés, pour le paiement de laquelle il sera «< donné caution, faute de quoi la peine de six mois d'em<<< prisonnement sera prononcée. »

Art. 3. « Les officiers municipaux et autres fonction<«< naires publics, soit civils, soit militaires, qui n'auraient << pas fait tout ce qui est en leur pouvoir pour l'exécution << de l'art. 1 (liberté de la circulation), seront soumis aux << peines portées par l'art. 2. »

459. Le délit d'atteinte portée à la circulation des grains est d'une nature toute spéciale, en ce que la tentative se confond le plus souvent avec le délit lui-même. En effet,

(1) Ordonnance du roi, portant règlement sur le service de la gendarmerie (art. 179).

la loi ne punit pas seulement celui qui est parvenu à arrêter complétement la circulation des grains, elle frappe même celui qui a porté une atteinte quelconque à cette circulation, parce qu'il y a là un fait capable de causer, malgré son peu d'importance, un grave préjudice à l'intérêt général.

460. La jurisprudence est, du reste, conforme à cette opinion. Ainsi la Cour d'Angers a réformé un jugement qui avait prononcé un acquittement dans les circonstances suivantes : Quatre personnes avaient pris part à un attroupement de femmes et d'enfants qui, au moment où un cultivateur conduisait deux charrettes chargées de blé, cernèrent les charrettes, déclarèrent au propriétaire des blés qu'elles s'opposaient à ce qu'il emmenât son chargement, retardèrent sa marche et l'arrêtèrent dans deux endroits différents du bourg, de telle sorte qu'il mit environ trois quarts d'heure à traverser le bourg, ce qu'il aurait pu faire en dix minutes environ. Les prévenues s'étaient, de plus, fait remarquer dans cet attroupement par leurs cris et leur exaltation; l'une avait été vue, un couteau à la main, perçant des sacs; une autre avait dételé deux bœufs.

Le tribunal les relaxa de la poursuite : « Attendu, ditil, que tous ces faits ont occasionné, à Mouillé, un retard assez considérable, d'une demi-heure à trois quarts d'heure peut-être dans sa marche, qu'il a pu cependant continuer seul, sans l'intervention ni de la force armée, ni de l'autorité municipale, sur l'observation que fit, à l'attroupement, une femme Mecheneau, que ledit Mouillé était un meunier qui emmenait des grains pour sa consommation. Attendu que ce simple retard pourrait, tout au plus, caractériser une tentative du délit d'atteinte portée

DIELIOTECA

à la libre circulation des grains, tentative qui n'est pas prévue par la loi du 21 prairial an V, mais non ce délit lui-même (1). »

La Cour d'Angers, saisie par l'appel du ministère public, rétablit les véritables principes en cette matière, et infirmant le jugement du tribunal de Beaupréau, condamna les prévenues aux peines portées par l'art. 2 de la loi du 21 prairial an V.

«< Attendu, dit l'arrêt, que la loi du 21 prairial an V a eu pour but, dans ses dispositions et par son art. 2, de punir toute atteinte à la libre circulation des grains; que cette libre circulation reçoit une entrave par tous les genres d'atteinte et d'obstacle qui lui sont opposés; que dans les faits de la nature de ceux dont il s'agit, ce que les premiers juges qualifient de simple tentative non prévue par la loi, n'est autre chose que le fait lui-même d'atteinte réelle à la circulation des grains; que ce fait se rencontre dans les actes dont les quatre femmes prévenues se sont rendues coupables......... (suit l'examen des faits établis); Condamne les quatre prévenues chacune à 341 fr. d'amende, pour le paiement de laquelle somme chacune d'elles sera tenue de donner caution; faute de quoi, les condamne à six mois d'emprisonnement (2). »

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461. La disposition répressive applicable au fait d'entraver la libre circulation des grains à l'intérieur, donne lieu à la question de savoir si cette pénalité peut être prononcée cumulativement avec les autres peines encourues par le prévenu.

(1) Jugement du tribunal de Beaupréau du 26 octobre 1846 (Devill. et Carette, 1847, II, 158).

(2) Arrêt du 23 novembre 1846 (Devill. et Carette, 1847, II,

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