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une intention différente entre le fait de couper des grains mûrs et celui de couper des grains en vert, il aurait placé le premier dans la catégorie des vols.

Ce que le législateur a voulu punir, c'est l'intention méchante qui consiste à faire le mal dans le seul but de nuire, pour satisfaire sa haine ou sa vengeance.

81. Les caractères constitutifs du délit de coupe des grains sont : que les grains coupés appartiennent à autrui, et que le prévenu n'ait pas pu se tromper sur ce fait. Remarquons, du reste, que la coupe des grains, étant un délit, n'est punissable que dans le cas où le fait et l'intention se trouvent réunis.

82. Le fait dont nous nous occupons serait regardé comme infiniment plus grave, si le délit était commis la nuit ou en haine d'un fonctionnaire public et à raison de ses fonctions; dans ce cas, la peine s'élèverait au maximum édicté par l'art. 449, c'est-à-dire à deux mois d'emprisonnement (1).

83. L'art. 450 du Code pénal punit d'un emprisonnement de vingt jours à quatre mois le fait de couper des grains en vert. C'est,aux yeux du législateur, un délit trèsgrave et très-préjudiciable à l'intérêt public, puisque les blés coupés en vert ne peuvent pas être livrés à la consommation.

84. Dans le cas où ces grains en vert sont coupés soit la nuit, soit en haine d'un fonctionnaire public et à raison de ses fonctions, le Code a élevé la peine qui devient fixe et doit être de quatre mois d'emprisonnement (2). 85. La dévastation des récoltes sur pied est punie par

(1) Code pénal, art 450. (2) Code pénal, art. 450.

l'art. 444 du Code pénal (1). Cet article est ainsi conçu:

« Quiconque aura dévasté des récoltes sur pied sera puni << d'un emprisonnement de deux ans au moins et de cinq <« ans au plus. Les coupables pourront de plus être mis << par l'arrêt ou le jugement sous la surveillance de la <«< haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. » Et l'art. 455 prononce, en outre, une amende qui ne peut excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être au-dessous de 16 francs.

La gravité de la peine se justifie, d'un côté, par l'intention bien manifeste de la part de l'agent de causer un préjudice à autrui, et d'un autre côté, par les funestes résultats que peut produire la dévastation dans un pays tout entier.

86. La dévastation supposant nécessairement l'intention de nuire, si cette intention n'existait pas, il n'y aurait pas dévastation dans les termes de la loi; le fait et l'intention doivent se rencontrer pour constituer le délit prévu par l'art. 444 comme tout autre délit. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que la juridiction correctionnelle est seule compétente.

87. Le délit de dévastation serait puni de cinq années d'emprisonnement, s'il était commis la nuit ou bien en haine d'un fonctionnaire public et à raison de ses fonctions (2).

88. On a élevé la question de savoir s'il y a dévastation de récoltes sur pied, dans le fait d'avoir mécham

(1) Ce fait était auparavant puni par l'art. 29, titre II, de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791. - «Quiconque sera convaincu « d'avoir dévasté des récoltes sur pied sera puni d'une amende << double du dédommagement dû au propriétaire et d'une déten«<tion qui ne pourra excéder 2 années. »>

(2) Code pénal, art. 450.

ment répandu une grande quantité d'ivraie dans le champ d'autrui préparé pour être ensemencé.

M. Faustin Hélie résout la question négativement (1); il s'appuie sur ce que, en premier lieu, le délit de dévastation de récoltes suppose nécessairement une récolte existant au moment de la dévastation, et en second lieu, sur ce que le rapprochement du fait de dévastation, que la loi punit, et du fait dont on parle, suffit pour prouver qu'ils ne sont point identiques.

Nous sommes étonnés, pour notre part, qu'en présence des termes si formels de l'art. 444 du Code pénal : « Qui<«< conque aura dévasté des récoltes sur pied,» la question ait pu se présenter.

La protection due à l'agriculture ne peut pas, ce nous semble, permettre de dénaturer la signification des mots au point de regarder comme récolte sur pied des semences enfouies dans la terre, et bien moins encore un terrain préparé seulement pour les semences, ainsi que paraît le supposer la question dont s'agit.

89. Il est des faits tellement graves aux yeux de la loi pénale que la menace de les exécuter, lorsqu'elle prend certains caractères déterminés, devient un délit et même quelquefois un crime.

Ainsi, la menace d'incendier telle propriété désignée d'avance, est assimilée à la menace d'assassinat et frappée des mêmes peines (2).

Voir jugement du

(1) Théorie du Code pénal, t. VI, p. 195. tribunal correctionnel de Lille en date du 24 décembre 1839 (Journal du Droit criminel, t. XII, p. 141).

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(2) Code pénal, art. 486. La menace d'incendie a été depuis 1789 frappée de peines bien différentes. Le Code pénal de 1791 (art. 34 de la 1o section du titre II) punissait de quatre années de fers la menace verbale ou par écrits anonymes d'incendier la

D'après cette règle, celui qui menace d'incendier des récoltes sur pied, par écrit anonyme ou signé, dans le cas où la menace est faite avec ordre de déposer une somme d'argent dans un lieu indiqué ou de remplir toute autre condition, est puni des travaux forcés à temps (1). Dans le cas où cette menace, faite par écrit anonyme ou signé, n'est accompagnée d'aucune condition, la peine est d'un emprisonnement de deux à cinq ans, et d'une amende de 100 francs à 600 francs (2).

Si la menace faite avec ordre ou condition a été verbale, la peine est d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et d'une amende de 25 francs à 300 francs (3).

A côté de ces peines peut venir se joindre, dans les trois cas prévus par la loi, la mise sous la surveillance de la haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus (4).

90. Il est à remarquer que la menace d'incendie doit, pour être punie, revêtir les caractères spécialement déterminés par la loi ; aussi la menace d'incendie faite verbalement, sans ordre ni condition, ne constitue-t-elle ni crime, ni délit ; c'est ce que la Cour de cassation a jugé par un arrêt de doctrine rendu le 9 janvier 1818 (5).

propriétéd'autrui. L'art. 13 de la loi du 25 frimaire an vi réduisit cette peine à un emprisonnement de six mois à deux ans. La loi du 12 mai 1806 l'éleva à vingt-quatre ans de fers, lorsque la menace était faite par écrit et sous condition. menace d'incendier les blés récoltés, no 173.

(1) Code pénal, art. 305.

Voir pour la

(2) Code pénal, art. 306.

(3) Code pénal, art. 307.

(4) Code pénal, art. 308.

1 re

part.,

(5) Devilleneuve et Carette, collection nouvelle, t. V, p. 399. Voir aussi note de l'arrêtiste sous un arrêt du 20 mars 1807 (Devilleneuve et Carette, collection nouvelle, t. II, tre part.,

Le jury, appelé dans l'espèce à statuer sur l'accusation d'une menace d'incendie par écrit anonyme ou signé, faite avec ordre ou condition, répondit seulement que l'accusé s'était rendu coupable d'avoir menacé d'incendier les édifices de la dame....... Sur cette déclaration, la Cour d'assises prononça un arrêt d'absolution fondé sur ce que la menace faite verbalement, sans ordre ni condition, n'était pas prévue par le Code pénal. Le procureur général se pourvut vainement contre cet arrêt dont la doctrine fut adoptée par la Cour de cassation.

91. La loi, qui punit les crimes et délits résultant des menaces d'incendie, ne peut manquer d'en réprimer l'exécution avec la plus grande sévérité.

Le § 3 de l'art. 434 du Code pénal porte en effet : « Qui<< conque aura volontairement mis le feu à des récoltes sur « pied, lorsque ces objets ne lui appartiendront pas, sera << puni des travaux forcés à perpétuité. »> «Cette peine, disait <«<le rapporteur à la Chambre des Pairs, n'est pas trop « sévère, car tout le monde sait que quand on met le feu <«< à une forêt ou à des récoltes sur pied, l'incendie peut se << propager et s'étendre au loin; il est raisonnable de << punir sévèrement un crime qui peut occasionner de si << grands dangers à une contrée entière (1). »

92. Mais pour que cette peine terrible soit prononcée, il faut que toutes les circonstances constitutives du crime, soient formellement établies et reconnues.

Ainsi, pour que le § 3 de l'art. 434 soit applicable, il faut que dans les questions posées au jury et répondues affirmativement, se trouvent les circonstances énoncées

p. 362).— M. Faustin Hélie, Théorie du Code pénal, t. V, p. 361. (1) Code pénal progressif, p. 327.- Voir pour l'incendie des blés récoltés, no 174.

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