voyez par le temps qui court. Je ne suis pas fâché que vous fassiez par occasion ce que vous auriez fait plus tard, cela fait que vous resterez plus sédentaire à Rome où un travail facile intérieur vous attend. Simart va beaucoup mieux et presque tout à fait bien. Vous reviendrez peut-être par Florence, ch bien ! j'ai un petit service à vous demander; il paraît que l'on vend chez le portier du palais Pitti le calque gravé de la Madonna, de la chaise; si cela est, je vous prie de m'en apporter deux, un pour l'École et l'autre pour moi; écrivez-y ces noms dessus à cause des douanes. Je n'ai, comme vous le voyez, que le temps de vous embrasser. A vous revoir.

<< INGRES. >>

Cette lettre se passe de commentaires; elle montre comment Bridoux savait se faire aimer de ceux qui le connaissaient bien. Ingres, qui était resté en relations avec lui depuis son séjour à Rome, lui écrivait encore une lettre non moins affectueuse en novembre 1866, quelques jours avant sa mort, au sujet d'un projet de gravure de l'une de ses œuvres l'âge d'or, dont la fresque est au château du duc de Luynes à Dampierre. En 1876, M. Beulé, ancien Secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts, et alors ministre de l'intérieur, qui tenait Bridoux en haute estime, lui offrait deux de ses ouvrages sur la Grèce avec une flatteuse dédicace.

Et voici que ce graveur, d'un mérite réel et reconnu, aimé, es imé et apprécié d'artistes et d'hommes éminents, qui a passé la plus grande partie de sa longue carrière dans l'étude et le travail, étranger aux combinaisons mercantiles, aux stériles agitations d'école et aux intrigues, qui a produit des œuvres de valeur et d'un choix élevé, est arrivé au terme de la vie, avec la seule satisfaction du devoir accompli dans la pratique de son art! Sans doute, il a eu des médailles,

des rappels, il a remporté des succès proclamés dans les journaux, mais cette longue existence consacrée à l'art méritait peut-être une récompense plus haute et qui aurait consacré dignement son talent; et il vient de mourir! Mais il laisse après lui un œuvre. important, choisi, et qui vient s'ajouter aux pièces innombrables dues au burin de nos graveurs abbevillois.

La Bibliothèque communale d'Abbeville s'est enrichie récemment d'un manuscrit de la fin du XVIe siècle et des premières années du siècle suivant qui lui a été généreusement offert par M. Dautrevaux, ancien notaire. C'est un registre petit in-folio qui contient actuellement 187 feuillets. Comme on le voit au folio 85 vo, il a été écrit en entier par Antoine Rohault, maïeur d'Abbeville en 1598 et en 1611.

Ce manuscrit peut être considéré comme un livre de raison dont il convient, toutefois, de ne pas exagérer l'importance.

On sait que le livre de raison liber rationis, liber rationum est surtout un livre de comptes; mais, au milieu de ces pages bourrées de chiffres, le père de famille mentionnait les événements survenus dans sa maison ou intéressant les siens, de même qu'il notait ce qui se passait en dehors du cercle étroit de la maison; des oraisons, des prières, des invocations sont transcrites entre deux formules d'économie domestique ou de compositions pharmaceutiques; le droit coutumier et la médecine occupaient aussi bien des pages dans ces registres domestiques; du reste, on y trouve de tout. C'est ce qui a fait dire à Littré avec infiniment de raison: « J'ai bien des fois regretté que des familles bourgeoises n'aient pas songé à former de modestes registres où seraient consignés les principaux incidents de la vie domestique et qu'on se transmettrait tant que la famille durerail. Combien curieux seraient ceux de ces registres qui auraient atteint notre époque, quelque succinctes que fussent ces notices! Que de notions et d'expériences perdues qui auraient été sauvées par un peu de soins et d'esprit de suite! Tant il est vrai qu'un grand et persévérant effort est nécessaire pour assurer la tradition, et que l'homme insouciant laisserait, abandonné à lui-même, s'effacer sa trace et celle de ses aïeux ! »

Dans son registre, Rohault ne fait aucune mention de la gestion de son patrimoine ni de ses comptes, mais il donne un état complet des immeubles qu'il possédait dans différentes localités des environs d'Abbeville.

Les notes concernant la famille de l'auteur et les événements dont celui-ci a été le témoin sont jetés un peu au hasard, sans ordre chronologique. C'est que, primitivement, comme on le voit par le début, Rohault