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toliques qui sont vraiment divines dans celles-ci, il s'agit du dogme ou de la morale; dans celles-là, il ne s'agit au contraire que de la discipline, qui varie ou se modifie suivant les temps et les lieux, quoique l'esprit de l'Église, d'où elle émane, étant l'esprit de l'Évangile, ne varie point. Pour éviter toute équivoque, nous prévenons le lecteur qu'en parlant de la nécessité de la tradition, nous ne parlons que de la tradition divine, ou tradition apostolique. Et par cette tradition nous entendons la parole de Dieu non écrite dans les livres saints, mais que les apôtres ont reçue de la bouche de Jésus-Christ, ou qui leur a été dictée par le Saint-Esprit; parole sacrée qu'ils ont transmise de vive voix à leurs disciples et à leurs successeurs, et qui est venue jusqu'à nous par l'enseignement perpétuel de l'Eglise universelle, par la voix uniforme et constante de ses pasteurs, par les écrits de ses docteurs, les décisions de ses conciles, la pratique générale et publique des fidèles, par les prières et les cérémonies de la liturgie, qui est aussi ancienne que le christianisme.

326. La tradition nous instruit, et des vérités en petit nombre dont il n'est pas parlé dans les livres saints, et des vérités que les auteurs sacrés ont insinuées, sans donner les développements ou les explications nécessaires pour les faire connaître suffisamment. De plus, elle fixe le vrai sens des écritures sur tous les points, et nous fournit des armes pour les défendre elles-mêmes contre ceux qui en attaquent l'autorité, ou qui cherchent, en les dénaturant, à les rendre favorables à leurs erreurs par des interprétations arbitraires. Aussi les protestants, sentant tous les avantages que les catholiques tirent de la tradition contre les novateurs, l'ont-ils rejetée, généralement, comme inutile, prétendant que l'Ecriture sainte est la seule règle de foi, et qu'il suffit aux chrétiens de la lire pour savoir toutes les choses nécessaires au salut. Nous avons donc à établir le dogme catholique, en prouvant qu'on doit admettre la tradition; après quoi, nous en indiquerons les sources. Nous terminerons cette seconde partie par un chapitre sur la discipline du secret qui s'observait dans la primitive Église, touchant les principaux mystères de la religion chrétienne.

CHAPITRE PREMIER.

Nécessité de la tradition.

327. Le concile de Trente, représentant l'Eglise universelle, met sur le même rang les saintes Ecritures et les traditions apostoliques; il reçoit avec les mêmes sentiments de respect et de vénération les livres sacrés et les traditions non écrites touchant la foi et les mœurs, comme ayant été reçues par les apôtres de la bouche de Jésus-Christ même, ou comme ayant été laissées par ces mêmes apôtres, à qui l'Esprit-Saint les a dictées, et étant parvenues jusqu'à nous de main en main par la succession non interrompue de l'enseignement de l'Église catholique; puis il déclare anathème quiconque a la témérité de rejeter ces traditions : « si « quis..... traditiones prædictas sciens et prudens contempserit, anathema sit (1). » Cette décision du concile de Trente n'est point une innovation; elle est fondée sur l'Écriture, sur le témoignage des Pères et des docteurs de tous les temps, sur la croyance générale et constante de l'Église universelle, sur l'aveu mème des auteurs les plus graves parmi les protestants.

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328. Saint Paul, écrivant aux Thessaloniciens, leur dit : « De« meurez fermes, mes frères, et gardez les traditions que vous «< avez apprises, soit par nos paroles, soit par notre lettre (2). » On voit que l'apôtre veut qu'on tienne également à ce qu'il a enseigné, soit de vive voix, soit par écrit. «Je vous loue, mes frères, disait-il « aux Corinthiens, de ce que vous gardez mes préceptes, tels que

(1) Perspiciens hanc veritatem et disciplinam (quam promulgavit JesusChristus), contineri in libris scriptis, et sine scripto traditionibus, quæ ipsius Christi ore ab apostolis acceptæ, aut ab ipsis apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque pervenerunt, sacro-sancta synodus orthodoxorum Patrum exempla secuta, omnes libros tam Veteris quam Novi Testamenti, cum utriusque unus Deus sit auctor, necnon traditiones ipsas, cum ad fidem, tum ad mores pertinentes, tanquam vel ore tenus a Christo, vel a Spiritu Sancto dictatas et continua successione in Ecclesia catholica conservatas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur.... Si quis autem libros integros cum omnibus suis partibus.... pro sacris et canonicis non susceperit, et traditiones prædictas sciens et prudens contempserit, anathema sit. Sess. IV. Decret. De canonicis Scripturis. (2) Itaque, fratres, state et tenete tradi. tiones quas didicistis, sive per sermonem, sive per epistolam nostram. Epist. 11, ad Thessalonicenses, c. 11, v. 14.

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« je vous les ai laissés par la tradition: Laudo vos, fratres, quod... « sicut tradidi vobis, præcepta mea tenetis (1). » Le texte grec porte traditions au lieu de préceptes. Le même apôtre : « O Timothée, gardez le dépôt qui vous a été confié. Proposez-vous pour << modèle les saines instructions que vous avez entendues de ma bouche, touchant la foi et la charité qui est en Jésus-Christ (2). « Gardez ce que vous avez appris de moi devant plusieurs témoins, et confiez-le à des hommes fidèles qui seront capables d'en ins« truire d'autres (3). » On ne peut douter que Timothée n'ait suivi cet ordre, et que les hommes fidèles et capables instruits par lui n'en aient instruit d'autres à leur tour; de sorte que, de main en main, de siècle en siècle, le dépôt soit parvenu jusqu'à nous. Et c'est ainsi qu'on l'a toujours compris dans l'Église dès les premiers siècles du christianisme. En effet, les anciens Pères, que nous ne citons ici que comme témoins de la croyance de leur temps, s'expriment sur ce point de la manière la plus expresse.

329. Saint Denis l'Aréopagite, mort en 95, ou l'auteur moins ancien des ouvrages qui portent son nom, dit que les chefs de la hiérarchie, qui étaient remplis des dons de Dieu, nous ont transmis, partie par écrit, partie de vive voix, les principaux mystères de la religion, qua scriptis, qua non scriptis institutionibus tradiderunt (4).

330. Saint Ignace, disciple de saint Pierre et évêque d'Antioche en 68, exhortait les fidèles, dans les différentes villes où il passait, à se prémunir contre les erreurs qui commençaient à se répandre, et à tenir fortement aux traditions des apôtres : Hortatus est ut apostolorum traditionibus tenaciter inhærerent (5).

331. Saint Polycarpe, disciple de saint Jean l'Évangéliste, et évêque de Smyrne en 96, dit, dans sa lettre aux Philippiens, que l'on doit renoncer à la vanité et aux fausses doctrines des novateurs, et tenir à ce qui a été transmis dès le commencement par la tradition: ad traditum nobis ab initio sermonem revertamur (6).

(1) Epist. 1. ad Corinth. c. x1, v. 2. - (2) O Timothee, depositum custodi, devitans profanas vocum novitates, et oppositiones falsi nominis scientiæ. Epist. 1. ad Timoth. c. 6, v. 20. -(3) Quæ audisti a me per multos testes, hæc commenda fidelibus hominibus, qui idonei erunt et alios docere. Ibidem, c. 11, v. 2. - (4) De Hierarchia ecclesiastica, cap. 1, édit. de Balthasar Cordier. (5) Eusèbe, Hist. Eccles., lib. ш, cap. xxxvi, édit. de Henri de Valois. (6) Epist. ad Philippenses, parmi les Pères apostoliques, édit. de Cotelier.

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332. Saint Papias, évêque d'Hiéraples, qui avait conversé avec les disciples immédiats de Jésus-Christ, se rend à lui-même ce témoignage, qu'il avait été soigneux de recueillir les traditions : « Quand je rencontrais, dit-il, quelqu'un de ceux qui avaient en• tendu les anciens, je m'informais avec soin de leurs discours. « Je demandais ce qu'avaient dit les apôtres André, Pierre, Philippe, Thomas, Jacques, Jean, Matthieu, et les autres disciples du Seigneur; et ce que disaient Aristion et le prêtre Jean, qui « avaient été aussi disciples de Jésus-Christ. Car il me semblait « que ce que je tirais de la lecture des livres ne me profitait pas « autant que ce que j'apprenais de vive voix (1). » Ce n'est certainement point là la méthode de ceux qui méconnaissent l'autorité de la tradition.

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333. Saint Justin, mort pour la foi vers l'an 167, dit, dans sa première apologie, qu'on ne peut être admis à la participation de l'Eucharistie à moins qu'on ait été régénéré par le baptême (2); et que les chrétiens s'assemblaient pour la célébration des saints mystères le jour du soleil, c'est-à-dire le dimanche, qui avait été substitué au sabbat, en mémoire de la création de l'univers et de la résurrection de Jésus-Christ (3). Or, ni le premier ni le second de ces deux articles de la croyance chrétienne ne peuvent se prouver par l'Écriture sainte. Saint Justin reconnaissait donc des vérités qui n'ont été transmises que par la tradition. D'ailleurs, sur l'un et l'autre point, les protestants sont d'accord avec les catholiques; ils n'admettent à la cène que ceux qui ont été baptisés; et non-seulement ils observent le précepte de la sanctification du dimanche, qu'ils regardent comme un précepte divin, mais ils affectent même, du moins en certains pays, de l'observer d'une manière pharisaïque, à la différence des vrais catholiques, qui, tout en sanctifiant le jour du Seigneur par la prière et la cessation des œuvres serviles, usent, dans le cas de nécessité, de la faculté que leur laisse l'Église, conformément à l'esprit de cette sage liberté qui distingue l'Évangile de la Loi, et caractérise les enfants de Dieu.

(1) Quod si quis mihi interdum occurrebat, qui cum senioribus versatus fuisset, ex eo curiose sciscitabar quænam essent seniorum dicta; quid Andreas, quid Petrus, quid Philippus, quid Thomas, quid Joannes, quid Matthæus, quid cæteri Domini discipuli dicere soliti essent? Quidnam Aristion et Joannes presbyter discipuli Domini prædicarent? Neque enim ex librorum lectione tantam me utilitatem capere posse existimabam, quantam ex hominum adhuc superstitum viva voce. Eusèbe, Hist. eccl., lib. ш, cap. xxxix; édit. de Henri de Valois. — (2) Apologie 1, n° LXVI, édit. de dom Marand. - (3) Ibidem, no LXVII,

334. Saint Hégésippe, quoique attaché à l'Église de Jérusalem, fondée par l'apôtre saint Jacques, fit un voyage à Rome en 157, consultant les évêques des villes où il passait, sur l'histoire et les traditions apostoliques (1). Or, à quoi bon ces perquisitions, s'il suffisait de lire l'Écriture sainte pour connaître tout ce qui tient à la vraie foi?

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335. Saint Irénée, envoyé dans les Gaules par saint Polycarpe de Smyrne, et évêque de Lyon en 177, a recours à la tradition apostolique contre les hérésies de son temps. « Ceux qui, dans « toute l'Église, veulent connaître la vérité, n'ont qu'à considérer la tradition des apôtres manifestée dans le monde entier. Nous « pourrions énumérer les évêques qui ont été institués par les apò« tres dans les différentes Eglises, et ceux qui leur ont succédé jusqu'à nous : ils n'ont ni enseigné ni connu rien de semblable à ce « que les hérétiques enseignent dans leur délire... Mais parce qu'il « serait trop long d'énumérer les successions de toutes les Eglises, nous n'indiquerons que la tradition de l'Église de Rome, qui est « connue de tous, qui a été fondée par les glorieux apôtres Pierre « et Paul, et qui est la plus grande et la plus ancienne Eglise. Par « la tradition que cette Église a reçue de ses fondateurs, et par la « foi annoncée aux hommes, qui s'est conservée jusqu'à nous par la « succession des évêques, nous confondons tous ceux qui, de quel« que manière que ce soit, recueillent où ils ne doivent pas, pour « soutenir leurs erreurs. C'est avec cette Église, à cause de sa puis«sance principale, que toute Église, c'est-à-dire, tous les fidèles, « quelque part qu'ils soient, doivent être d'accord; elle est déposi«taire de la tradition apostolique (2). Il ne faut point chercher la

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(1) Eusèbe, Hist. Eccl., lib. iv, cap. xxii. (2) Traditionem apostolorum in toto orbe manifestatam, in omni Ecclesia adest respicere omnibus qui vera velint videre; et habemus annumerare eos qui ab apostolis instituti sunt episcopi in Ecclesiis, et successores eorum usque ad nos, qui nihil tale docuerunt, neque cognoverunt, quale ab his deliratur... Sed quoniam valde longum est in hoc tali volumine omnium Ecclesiarum enumerare successiones; maximæ et, antiquissimæ et omnibus cognitæ, a gloriosissimis duobus apostolis Petro et Paulo Romæ fundatæ et constitutæ Ecclesiæ, eam quam habet ab apostolis traditionem, et annuntiatam hominibus fidem per successiones episcoporum pervenientem usque ad nos, indicantes, confundimus omnes eos qui, quomodo, vel sibi placentia, vel vanam gloriam, vel per cæcitatem et malam sententiam, præterquam oportet, colligunt. Ad hanc enim Ecclesiam, propter potiorem principalitatem, necesse est omnem convenire Ecclesiam, hoc est eos qui sunt undique fideles in quæ semper ab his qui sunt undique conservata est ea quæ est ab apostolis traditio. Lib. III, contra hæreses, cap. III; édit. de dom Massuet,

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