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« de l'Église notre mère discerneront-ils par les saintes Écritures « la vérité de l'erreur? C'est en interprétant les Écritures suivant « les traditions de l'Église universelle, et les règles du dogme «< catholique, ainsi que l'enseignent les saints docteurs, comme << nous l'avons fait remarquer au commencement de cet ou▪ vrage (1). »

357. Nous aurions pu citer, en outre, saint Cyrille d'Alexandrie, saint Léon, Théodoret et plusieurs autres auteurs ecclésiastiques, ainsi que plusieurs conciles des cinq premiers siècles de l'Eglise, dont les décisions dogmatiques sont fondées non-seulement sur les livres saints, mais encore sur les traditions apostoliques. Il est donc prouvé, par le témoignage des évèques et des docteurs de la plus haute antiquité, que l'Église a toujours reconnu l'autorité de la tradition, et qu'elle s'en est toujours servie, tant pour fixer le sens des Écritures que pour défendre contre les novateurs certains dogmes dont il n'est point parlé, du moins expressément, dans les livres sacrés. Aussi, ceux des écrivains protestants qui ont su se tenir en garde contre l'esprit de parti se sont vas forcés d'emprunter le langage catholique touchant le dogme de la tradition, sans en tirer toutefois les conséquences qui en découlent naturellement.

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358. Voici ce que dit Grotius : « Que les apôtres n'aient point « écrit tout ce qu'ils ont dit, saint Paul le témoigne lui-même en « ordonnant qu'on obéisse à tout ce qu'il avait enseigné, soit « par paroles, soit par lettres.» Puis ayant rapporté le passage de saint Jean Chrysostome, que nous avons cité plus haut, il conclut que dans l'un et l'autre cas l'autorité est la même; après quoi il ajoute : « On dit que nous sommes assurés des écrits, et que « nous ne saurions l'être des paroles. Je le nie positivement. Les écrits sont pleins de variations, comme il se voit en compa

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clarat, quæ omnia fere universaliter comprehendit. Sed hoc ita demum fiet, si sequamur universalitatem, antiquitatem, consensionem. Sequamur autem universalitatem hoc modo, si hanc unam fidem veram esse fateamur, quam tota per orbem terrarum confitetur Ecclesia. Antiquitatem vero ita, si ab his sensibus nullatenus recedamus quos sanctos majores ac Patres nostros celebrasse manifestum est. Consensionem quoque itidem, si in ipsa vetustate omnium vel certe pene omnium sacerdotum pariter et magistrorum definitiones sententiasque sectemur. Ibidem. —(1) Quonam modo (Ecclesiæ filii) in Scripturis sanctis veritatem a falsitate discernent? hoc scilicet facere magnopere curabunt quod in principio Commonitorii istius sanctos et doctos viros nobis tradidisse scripsimus, ut divinum canonem secundum universalis Ecclesiæ traditiones et juxta catholici dogmatis regulas interpretentur. Ibidem, cap. xxvii.

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«rant les manuscrits. Il y a dans les uns des particules qui ne sont point dans les autres. Il y a diversité dans les mots isolés ou réunis. Y démêler l'original, cela n'est pas facile, et on n'y réussit pas toujours. Mais comment s'assurer qu'il y ait des traditions apostoliques? Le voici d'abord c'est une présomption juste d'attribuer aux apôtres ce qui se trouve partout et n'a pas d'autre origine connue. A quoi, si vous ajoutez des témoins d'une piété, <«< d'une prudence, d'une autorité reconnue dans l'Église, et qui « vous disent, Cela vient des apôtres, nous avons alors toute la « preuve qu'on peut désirer dans ces matières, la même précisé«ment par laquelle nous distinguons les écrits apostoliques de ceux qui ne le sont pas (1). »

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359. Bévéridge, évêque anglican de Saint-Asaph, s'exprime dans le même sens que Grotius : « Dans les objets de doctrine et de discipline, si nous ne voulons ni errer ni transgresser, gardons« nous, avant tout, de tenir opiniâtrément à nos conceptions, à nos conjectures, ou à celles d'autrui. Examinons plutôt ce qu'a pensé « l'Église universelle, ou du moins de la majeure partie des chrétiens; et attachons-nous au sentiment qui a été adopté unanime«ment par les chrétiens de tous les siècles. Car, ainsi qu'en tout « le consentement de tous est la voix de la nature, suivant Cicéron; « de même, dans ces questions, le consentement de tous les chré<«< tiens doit être tenu pour la voix de l'Évangile. Il y a bien des articles qui ne se lisent point en termes précis dans les Écritures, et qui pourtant s'en déduisent par l'assentiment universel des chrétiens; par exemple, qu'il faille adorer trois personnes distinctes dans la sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; « que chacune d'elles est Dieu, et qu'il n'y a pourtant qu'un seul Dieu; que le Christ soit Dieu et homme dans une même per« sonne..... Ces points, et d'autres semblables, ne sont pas tracés " en toutes lettres dans l'un ou l'autre Testament; et néanmoins qu'ils soient fondés sur tous les deux, c'est ce dont il est convenu « et dont il a toujours été convenu parmi les chrétiens, si vous en exceptez quelques hérétiques, dont il ne faut pas plus tenir compte en religion que des monstres dans la nature. Et encore que les enfants doivent être lavés dans l'eau sainte du baptême... * et le dimanche religieusement observé....; que chaque année il faille solenniser la Passion, la Résurrection, l'Ascension de Notre

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(1) Votum pro pace, pag. 137.-Voyez la Discussion amicale de M. Trévern, évêque de Strasbourg, tom. 1, lettre w.

. Seigneur, la descente du Saint-Esprit ; et que l'Eglise doive ètre << gouvernée par les évêques, distingués des prêtres et supérieurs à • eux; ces articles, et d'autres encore, ne sont nulle part comman⚫dés expressément dans les saintes Écritures; et néanmoins, de« puis quinze cents ans, ils sont suivis dans la pratique publique de « l'Église... Ce sont comme des notions communes plantées des l'origine dans le cœur des chrétiens... Elles dérivent de la tradi«tion des apôtres, qui, avec la foi, ont propagé dans l'univers ces «rites ecclésiastiques, et, pour ainsi dire, ces interprétations géné« rales de l'Evangile : autrement, il serait incroyable et même im« possible qu'elles eussent obtenu une telle unanimité dans tous les « lieux, dans tous les temps, et chez tous les chrétiens (1). ›

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360. Bévéridge et Grotius ne sont pas les seuls, parmi les partisans de la prétendue réforme, qui se soient déclarés en faveur de la tradition. Suivant Sunler, « ce n'est que l'ignorance de l'histoire • qui a fait confondre la religion chrétienne avec la Bible, comme « s'il n'y avait pas eu de chrétiens quand il n'y avait pas encore de << Bible; comme si les premiers fidèles n'avaient pu être de pieux • chrétiens, parce qu'ils ne connaissaient qu'un des quatre Évanagiles et quelques Épitres. Parmi les Églises qui existaient avant

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le quatrième siècle, il n'y avait pas de Nouveau Testament coma plet, et cependant vivaient alors de vrais disciples du Christ (2). » Les premiers chrétiens, dit Griesbach, eurent pour maitres ou les *apôtres ou les hommes apostoliques; ils puisèrent dans l'enseignement oral les préceptes de la doctrine chrétienne, avant d'a« voir pu lire les livres sacrés (3). » Lessing dit que « c'est la tradition, et non l'Écriture, qui est le rocher sur lequel est élevée l'Église de Jésus-Christ (4). » Et ailleurs : « Le christianisme était déjà répandu, avant qu'un des évangélistes se mit à écrire la vie « de Jésus-Christ. On disait le Pater avant qu'il fût écrit par saint Matthieu ; car Jésus-Christ lui-même l'avait appris à ses disciples. «La formule du baptême était usitée avant qu'elle fût rapportée par le même saint Matthieu; car Jésus-Christ l'avait prescrite à «ses apôtres. Or, si les premiers chrétiens, pour baptiser, n'ont pas eu besoin d'attendre la formule écrite des apôtres et des évangélistes, pourquoi pas pour d'autres sacrements? S'ils priaient et ⚫ baptisaient d'après le précepte de Jésus Christ transmis orale

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(1) Préface du Codex canonum Ecclesiæ primitivæ. Voyez la Discussion amicale, par M. Trévern, lettre w. (2) Dans Honinghaus, la Réforme (4) Ibidem.

contre la Réforme, ch. v. — (3) Ibidem.

« ment, comment auraient-ils hésité de s'en tenir aussi à d'autres « préceptes de Jésus-Christ pour d'autres points du christianisme? « Si Jésus-Christ crut la prière et le baptême dignes d'une recom« mandation orale, pourquoi n'en aurait-il pas fait autant pour tout « ce que les apôtres enseignaient sur sa personne, et ce que le « monde devait croire de lui? Est-ce parce qu'il n'est pas fait men« tion d'un tel précepte dans le Nouveau Testament? Comme si les « auteurs du Nouveau Testament avaient jamais prétendu racon<< ter tout ce que Jésus-Christ avait dit et fait! comme s'ils n'avaient pas affirmé positivement le contraire, et cela, à ce qu'il parait, « pour laisser subsister à côté de la parole écrite la tradition « orale (1)!»

361. On pourrait encore rapporter le témoignage d'autres écrivains protestants (2): qu'il nous suffise de faire remarquer que les luthériens, les calvinistes et les anglicans ne rejettent les traditions apostoliques que lorsqu'elles sont contraires à leurs erreurs, y ayant recours contre les sociniens et les rationalistes, qui n'admettent du christianisme que les dogmes qu'on peut prouver par la raison. Ils sont forcés de recourir à l'autorité de la tradition, à la croyance générale de l'Église primitive, pour fixer ou confirmer le vrai sens des Écritures sur les mystères de la Trinité et de l'Incarnation; c'est d'après la tradition qu'ils reconnaissent l'inspiration des livres saints, le précepte de la sanctification du dimanche, qu'ils observent pharisaïquement en certains pays; le baptême des enfants qui n'ont pas encore l'usage de raison, la validité des sacrements conférés par les hérétiques. Il faut donc, de toute nécessité, sous peine d'être en contradiction avec eux-mêmes, qu'ils reçoivent la tradition comme règle de foi pour tout ce qui tient à la religion, soit qu'elle interprète les Écritures, soit qu'elle en développe la doctrine, soit qu'elle nous transmette des dogmes et des pratiques qui ne sont point dans les livres saints, ou qui n'y sont qu'à peine indiqués.

CHAPITRE II.

Des sources de la tradition.

362. Les sources de la tradition sont : 1° la croyance ou la pra

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tique générale et constante de l'Église catholique; 2o la liturgie, que nous prenons dans son acception la plus étendue, en tant qu'elle comprend les prières, les hymnes et les rites reçus dans l'Église touchant non-seulement le saint sacrifice de la messe, mais encore l'administration des sacrements et le culte public; 3° les écrits des Pères, c'est-à-dire, des anciens docteurs, des papes et des évêques, que nous considérons ici plutôt comme témoins que comme juges; 4o enfin, l'autorité de l'Église, qui, étant dépositaire des Écritures et des traditions apostoliques, discerne infailliblement, avec l'assistance du Saint-Esprit, la vérité de l'erreur. Nous ne parlerons ici que des trois premières sources, devant établir ailleurs l'autorité de l'Eglise.

ARTICLE PREMIER.

De la croyance générale et constante de l'Église comme source de la tradition.

363. La croyance, la pratique générale et constante de l'Église universelle, est une source de tradition, ou, si on veut, un moyen sûr de connaître exactement la vraie doctrine de Jésus-Christ. De l'aveu de tous les chrétiens, même des hérétiques, ce que toute l'Eglise croit et qu'elle a toujours cru comme révélé de Dieu, ce qu'elle pratique universellement et qu'elle a toujours pratiqué comme étant prescrit par une loi divine, ne peut venir que de Jésus-Christ par la prédication ou les instructions particulières des apôtres. Aussi Vincent de Lérins avance, comme un principe qui n'était point contesté de son temps, que « dans l'Église catholique on doit s'en « tenir avec le plus grand soin à ce qui a été cru en tous lieux, en << tout temps et par tous les fidèles: In ipsa catholica Ecclesia, « magnopere curandum est ut id teneamus quod ubique, quod « semper, quod ab omnibus creditum est (1). » « C'est avec grande

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« raison, disait aussi saint Augustin, que l'on croit que ce qui s'observe dans l'Eglise universelle et qui s'est toujours observé, sans « avoir été établi par aucun concile, ne peut venir que de la tradi<tion apostolique : Quod universa tenet Ecclesia, nec conciliis institutum, sed semper retentum, non nisi auctoritate aposto«lica traditum rectissime creditur (2). »> «Est-il vraisemblable, s'écrie Tertullien, que tant et de si grandes Églises se soient ac« cordées pour la même erreur? Où doit se rencontrer une diversité

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(1) Voyez ci-dessus le n° 356.- (2) Lib. IV, de Baptismo, ch. XXIV.

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