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Faire un devoir à l'homme d'obéir aveuglément aux fourbes qui se disent les envoyés de Dieu, d'aimer l'erreur qu'ils enseignent, de pratiquer sincèrement le culte qu'ils établissent, fût-il absurde, immoral, inhumain, cruel, est-ce donc là le langage de la sagesse, de la vérité? N'est-ce pas outrager la religion, outrager Dieu luimême, que d'autoriser la superstition, le crime et les abominations qu'il réprouve?

485. D'ailleurs, de trois choses l'une: ou toutes les religions sont vraies, ou elles sont toutes fausses, ou il n'y en a qu'une seule qui soit vraie. Or, la première supposition est absurde; les différentes religions, renfermant des dogmes contradictoires qui s'excluent mutuellement, ne sauraient être vraies en même temps quant à ces mêmes dogmes. Il est impossible, par exemple, de concilier le culte du vrai Dieu avec le culte des idoles; la qualité de vicaire de Jésus-Christ, dans le pape, avec le titre d'antechrist que lui donnent les protestants: le oui et le non ne vont point ensemble. La seconde supposition n'est pas plus admissible que la première : on ne peut soutenir que toutes les religions soient fausses; ce serait tomber dans l'athéisme pratique et renverser le système de nos adversaires, qui, en admettant la nécessité d'une religion naturelle, admettent par là même que cette religion ne peut être que vraie. Reste donc à conclure que, parmi les différentes religions qui règnent dans le monde, il n'y en a qu'une seule qui soit vraie, qui soit en tout conforme à son institution divine.

486. Enfin, il n'y a qu'une seule notion du bien et du mal, du juste et de l'injuste; en un mot, il n'y a qu'une morale, et il ne peut y en avoir qu'une: le déiste en convient, quoiqu'il soit forcé d'avouer que les philosophes anciens et modernes sont tombés dans de graves erreurs en ce qui concerne les mœurs. La morale, en effet, ne peut être qu'une, puisqu'elle est fondée sur la nature et les besoins de l'homme, qui sont les mêmes partout; en d'autres termes, sur les rapports de l'homme à ses semblables, de l'enfant au père de famille, du serviteur au maître, du sujet au chef de la société. Or, il doit en être de même de la religion, qui règle nos devoirs envers Dieu; soit parce que la morale dans son acception générale, la loi naturelle nous prescrit de rendre à chacun ce qui lui est dû, à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu; soit parce que la religion, quant aux principes généraux, est pareillement fondée sur la nature et les besoins de l'homme, c'est-àdire, sur les rapports essentiels de l'homme à Dieu, de la créature au Créateur, de l'inférieur au supérieur: d'où résulte nécessaire

ment l'obligation pour tous d'être soumis à la volonté de Dieu, de l'honorer par la reconnaissance, l'amour et l'obéissance. Aussi, l'oubli de Dieu, l'ingratitude envers Dieu, l'impiété ou le mépris des ordres de Dieu, la résistance à la volonté connue de Dieu, le sacrilége ou la profanation des choses consacrées à Dieu, le blasphème ou les discours injurieux à Dieu, ont toujours été regardés partout comme autant de crimes dignes des châtiments de Dieu. La vraie religion est donc une quant aux premiers principes. Or, en vertu de ces principes universellement reconnus, c'est une impiété coupable de mépriser la parole de Dieu, quand il parle; une insubordination criminelle de résister à sa volonté, quand il commande: il est donc indispensablement nécessaire de croire ce qu'il veut que nous croyions et de pratiquer ce qu'il veut que nous pratiquions, sous peine d'ètre rebelles et punis comme tels: Qui autem resistunt, ipsi sibi damnationem acquirunt (1).

487. Mais Dieu a-t-il véritablement parlé? Certainement Dieu a parlé, et par les patriarches, et par les prophètes, et par JésusChrist. Mais il ne s'agit ici que de savoir si on est obligé d'examiner si Dieu a parlé ou non. Nous répondrons donc : De toutes les religions, il n'en est pas une qui ne se donne pour avoir été inspirée ou révélée de Dieu; donc il faut, dans le doute, examiner s'il existe une Révélation divine. De toutes les religions qui se donnent pour révélées, la religion chrétienne, qui est répandue dans toutes les parties de l'univers, se présente comme étant la seule religion divine en tout, la seule qui puisse satisfaire l'intelligence et le cœur de l'homme, et répondre aux besoins de la société ; donc il faut, si on doute de sa divinité, examiner si elle vient réellement de Dieu. Parmi les communions chrétiennes, l'Église catholique romaine croit être la seule qui suive en tout la doctrine de Jésus-Christ; donc, encore une fois, ceux qui ne le croient pas doivent examiner si l'Eglise catholique romaine est la seule et véritable Église catholique de Jésus-Christ. Demeurer indifférent sur la question de savoir s'il existe une religion révélée ou non, et quelle est cette religion, n'est-ce pas manquer à Dieu, se manquer à soi-même? manquer à Dieu, qui a droit d'exiger que celui qu'il a fait à son image cherche à connaître la vérité? manquer à soi-même, en s'exposant à la damnation éternelle, dans le cas où Dieu aurait parlé et aurait voulu être obéi ? Que pourrait alléguer l'indifférent

(1) Saint Paul, Építre aux Romains, c. xIII, v. 2.

pour sa justification, quand il paraîtra de vant le souverain juge? Son ignorance? Mais cette ignorance n'est-elle pas aussi criminelle que son indifférence? Pourquoi ignore-t-il la vérité, si ce n'est parce qu'il ne veut pas examiner? Noluit intelligere ut bene ageret (1). L'impossibilité de discerner le vrai du faux, la vérité de l'erreur? Mais comment oser dire qu'il soit impossible de discerner la vraie religion, si, loin de chercher à la connaître, on n'a pas même pris la peine d'examiner s'il est vrai ou non que toutes les religions soient bonnes; que la vérité et l'erreur en matière de religion soient une seule et même chose? Non, rien ne peut excuser l'aveuglement de celui qui est indifférent sur le choix d'une religion; son état n'est ni moins triste, ni moins déplorable, ni moins effrayant que l'état de celui qui pousse l'extravagance jusqu'à être indifférent sur la pratique d'une religion quelconque. La seule différence entre l'un et l'autre, c'est que celui-ci est plus conséquent que le premier, quoiqu'il soit lui-même moins conséquent que l'athée (2). Concluons donc qu'on ne peut rester dans l'indifférence sur le choix d'une religion; que la maxime, Toutes les religions sont bonnes, est aussi absurde qu'impie; et que l'on doit, dans le doute, chercher sérieusement à connaître s'il existe une religion révélée, et quelle est cette religion.

(1) Psaume xxxv, V. 4. -(2) Voyez, pour ce qui regarde les objections, le Traité suivant, au chapitre de l'Unité de l'Eglise.

DEUXIÈME PARTIE.

DE LA RÉVÉLATION EN GÉNÉRAL

488. Le dogme fondamental de la religion chrétienne, c'est que Dieu a parlé aux hommes par le ministère d'Adam, des patriarches, de Moïse, des prophètes, et par Jésus-Christ. « Dieu, qui au⚫trefois parlait à nos pères par les prophètes en diverses occasions « et en différentes manières, nous a parlé en ces derniers temps « par son Fils (1). » C'est un fait consigné dans les livres saints et attesté par la croyance de tous les temps, que Dieu a révélé luimême tout ce qui a rapport à la religion : il est même prouvé que les dogmes de la révélation primitive se trouvent, quoique altérés, dans les traditions de tous les peuples qui ont été plus ou moins de temps plongés dans les superstitions de l'idolâtrie. Cependant, ceux des philosophes du dix-huitième siècle qu'on appelle déistes rejettent toute révélation, n'admettant en matière de religion que ce que la raison de l'homme peut connaître et comprendre par ellemême; et les rationalistes de nos jours, tout en affectant le plus grand respect pour la révélation, ne la font consister que dans le développement naturel de la raison humaine, et ils ne voient dans les mystères, les sacrements et les symboles du christianisme, que des mythes, qui, ayant fait leur temps, doivent disparaître par le progrès de la philosophie. Il est donc important d'examiner ici, 1o ce qu'on entend par révélation; 2o si Dieu a pu nous révéler des mystères ou des vérités que l'homme ne peut ni connaître ni comprendre par les seules lumières de la raison; 3° si la révélation était nécessaire à l'homme; 4o enfin, quels sont les caractères ou les marques de la révélation divine.

(1) Multifariam multisque modis olim Deus loquens patribus in prophetis : novissime, diebus istis locutus est nobis in Filio. Epist. ad Hebræos, cap. 1, v. 1.

CHAPITRE PREMIER.

Notion de la révélation divine.

489. Le verbe révéler, revelare, signifie dévoiler, éloigner le voile qui nous empêche de voir une chose. Ici, par révélation, on entend la manifestation extérieure et surnaturelle, faite par Dieu lui-même, de quelque vérité qui a rapport à la religion, soit que nous puissions, soit que nous ne puissions nullement connaître cette vérité par les seules lumières de la raison. Dans le premier cas, la révélation fixe notre intelligence et la prémunit contre l'erreur; dans le second, elle nous éclaire et nous initie aux secrets de Dieu, en même temps qu'elle nous impose le sacrifice de notre intelligence et de notre volonté par la foi, dont la récompense doit être un jour la vision intuitive de la vérité infinie et la possession immédiate du souverain bien. Ainsi, par religion révélée on doit entendre, comme on l'a toujours entendu dans le monde chrétien, la religion dont Dieu nous a fait connaître lui-même les dogmes que nous devons croire et les obligations que nous avons à remplir, en nous les manifestant d'une manière surnaturelle, extérieure, expresse et positive, par le ministère de ses envoyés. Cette notion est conforme à l'enseignement des livres saints, des Pères et des docteurs de l'Église, de l'Église elle-même. Le philosophe qui n'admet pas d'autre révélation que celle qui se fait par le développement naturel de notre intelligence, ne peut donc se dire ni catholique ni chrétien, sans abuser des termes de la manière la plus étrange.

490. La révélation surnaturelle s'est faite aux hommes par le moyen de l'inspiration. L'inspiration est une connaissance infuse dans l'âme de l'homme, en vertu d'un acte immédiat de la part de Dieu, et extrinsèque aux lois naturelles qui gouvernent nos facultés. L'intuition rationnelle a aussi, si on veut, quelque chose de divin; mais elle diffère de l'inspiration proprement dite en ce qu'elle a lieu suivant les lois ordinaires de la nature. Que si on veut donner le nom d'inspiration à cette connaissance en tant qu'elle est vive, instantanée, il faut alors distinguer l'inspiration naturelle de l'inspiration surnaturelle, l'inspiration de l'artiste, du poëte, du philo

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