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les effets etonnants de l'électricité, les résultats non moins frappants du galvanisme, les phénomènes physiologiques du magnétisme animal, n'ont jamais été des miracles qu'aux yeux des ignorants. Sans en découvrir ou en expliquer suffisamment la cause, l'observateur n'a jamais douté qu'elle n'existât dans la nature, puisque les effets répondent constamment et proportionnellement a des opérations identiques et naturelles. Mais, quelques découvertes que fasse la science, la création du premier homme et celle de la première femme, telles qu'elles sont décrites dans la Genèse, seront toujours des miracles; le déluge dont parle Moyse, la résurrection d'un mort, la guérison subite et stable des maladies de tout genre, opérée, à la voix d'un homme, sans préparation, sans remède aucun, seront toujours de vrais miracles, parce que ces prodiges sont évidemment contraires aux lois de la nature; ils ne peuvent avoir lieu que contrairement à l'ordre établi par la Providence: Illa simpliciler miracula dicenda sunt, quæ divinitus fiunt præter ordinem communiter servatum in rebus (1).

526. Nous avons dit que le miracle est un fait qui déroge à une loi connue pour qu'une œuvre soit réputée miraculeuse, il ne suffit pas que la cause nous en soit inconnue ; il faut que nous connaissions positivement que cette œuvre est une dérogation à telle ou telle loi de la nature. C'est pour n'y avoir pas fait attention, que trop souvent les esprits simples ont confondu les effets naturels avec les miracles: n'en voyant pas la cause dans la nature, ils sont allés la chercher au delà. Les auteurs catholiques, les prédicateurs, les catéchistes, doivent être extrêmement circonspects à cet égard. Mais quand un événement, un fait paraît évidemment contraire à quelques lois générales, constantes et bien connues du monde physique, il n'est pas permis d'en rechercher la cause dans quelque autre loi ou dans quelque propriété inconnue de la matière. Les différentes lois de la nature ne se contredisent point; et ce qui supposerait manifestement la violation de l'une, ne pourrait pas ètre la conséquence d'une autre. Pour juger d'un miracle, pour prononcer, par exemple, si la résurrection d'un mort est une exception à quelque loi de la nature, il n'est pas nécessaire de connaître toutes les lois naturelles, pas plus qu'il n'est nécessaire de connaître toutes les propriétés de la matière, pour pouvoir affirmer que la matière ne peut penser; il suffit de savoir que la pensée est incompatible avec les propriétés connues de la matière.

(1) Saint Thomas, ibidem, c. 1.

527. Enfin, le miracle déroge à une loi de la nature dans un cas particulier, ce qui se fait sans que l'ordre soit bouleversé dans l'univers; un miracle ne suspend que l'effet d'une loi particulière qui était applicable à tel corps, dans telle ou telle circonstance. Ainsi, par exemple, quand Dieu apparut à Moyse dans un buisson ardent qui ne se consumait pas, il n'ôta point au feu, en général, la force de brûler le bois; il ne suspendit point ailleurs la loi selon laquelle tout bois enflammé se consume; il n'ôta cette propriété qu'au volume de feu particulier qui embrasait le buisson; partout, dans le reste de l'univers, le feu continuait d'opérer son effet naturel. De même, lorsque Josué arrêta le soleil, ou plutôt qu'il prolongea le cours de la lumière émanée du soleil, et qu'il en résulta vingt-quatre heures de jour continuel, il ne fut pas nécessaire de suspendre la marche de tous les corps célestes, mais seulement de faire décrire une ligne courbe aux rayons solaires. C'est donc une vaine objection, de la part des incrédules, de soutenir que, par un miracle, Dieu suspendrait le cours entier de la nature, et dérangerait la machine de l'univers il ne fait qu'interrompre dans un corps particulier l'effet de la loi générale, qui continue d'opérer partout ailleurs (1).

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ARTICLE II.

De la possibilité des miracles.

528. Ici revient ce que nous avons dit de la possibilité de la révélation : il est constant que Dieu a fait des miracles: de tous les faits de l'antiquité il n'en est aucun qui soit mieux constaté; l'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament, la croyance des chrétiens répandus par toute la terre, des Juifs et des Samaritains, des patriarches et même des gentils, qui ont conservé le souvenir du déluge universel comme d'un événement surnatuel et divin; tous les monuments sacrés et profanes prouvent jusqu'à l'évidence la réalité des miracles; donc les miracles sont possibles. Le fait emporte le droit; et quand l'histoire parle, il faut que la métaphysique se taise. En effet, que peuvent opposer les incrédules à la croyance universelle et constante du genre humain, à une possession aussi ancienne que le monde? Comment démontrera-t-on que la matière, en sortant des mains du Créateur, ait cessé d'être son do

(1) Bergier, Traité de la vraie religion, tom. v, c. 1, art. 1, édit. de 1790.

maine, ou qu'elie soit devenue étrangère à son action? Que celui qui, par le plus grand de tous les miracles, a fait de rien le ciel et la terre, en les soumettant à certaines lois, ne puisse, en aucun cas, suspendre le cours de ces mêmes lois? Que celui qui a formé le corps de nos parents en dehors des lois de la génération, n'ait pu lui-même former le corps de Jésus-Christ dans le sein d'une vierge, sans le concours de l'homme? Écoutez donc ce que dit le citoyen de Genève, dont le langage paraîtra peut-être un peu dur aux rationalistes de nos jours; voici ses paroles « Dieu peut-il faire des miracles, c'est-à-dire, peut-il déroger aux lois qu'il a établies? Cette question, sérieusement « traitée, serait impie, si elle n'était absurde. Ce serait faire trop « d'honneur à celui qui la résoudrait négativement, que de le punir; il faudrait l'enfermer. Mais aussi quel homme a jamais douté que Dieu put faire des miracles? Il fallait être Hébreu pour demander si Dieu pouvait dresser des tables dans « le désert (1). »

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529. Si les miracles, considérés en eux-mêmes, ne sont pas audessus de la puissance de Dieu, ne sont-ils pas indignes de sa sagesse ou contraires à son immutabilité, comme le prétend Spinosa, le chef des panthéistes modernes? Les miracles, dites-vous, ne sont pas dignes de Dieu; il est plus simple d'enseigner aux hommes des vérités claires, évidentes et propres à les convaincre, que de déroger à l'ordre de la nature. Mais de la part de qui, je vous prie, redresserez-vous les plans de la Sagesse incréée? De quel droit tracerez-vous au Tout-Puissant des règles de conduite pour le gouvernement du monde et pour ses rapports avec les hommes? Ne semble-t-il pas, à vous entendre, que nous ayons à regretter que vous soyez venus trop tard pour donner des conseils à l'Éternel? Non, les miracles ne sont point indignes de Dieu; loin d'être contraires à sa sagesse, ils la font éclater, ainsi que sa puissance, sa bonté, sa miséricorde; ils sont comme des coups d'autorité capables de réveiller l'attention des hommes, généralement peu frappés des merveilles de la nature. « Si pour se faire connaitre, dans le temps que la plupart « des hommes l'avaient oublié, Dieu a fait des miracles étonnants, « et a forcé la nature à sortir de ses lois les plus constantes, il a « continué par là à montrer qu'il en était le maître absolu, et que « sa volonté est le seul lien qui entretient l'ordre du monde. C'est « justement ce que les hommes avaient oublié : la stabilité d'un si

(1) Lettre m, écrite de la Montagne.

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<< bel ordre ne servait plus qu'à leur persuader que cet ordre avait « toujours été, et qu'il était de soi-même ; par où ils étaient portés à adorer ou le monde en général, ou les astres, les éléments, et enfin << tous ces grands corps qui le composent. Dieu done a témoigné « au genre humain une bonté digne de lui, en renversant dans des « occasions éclatantes cet ordre qui non-seulement ne les frappait plus parce qu'ils y étaient accoutumés, mais encore qui les portait, tant ils étaient aveuglés, à imaginer hors Dieu l'éternité et l'indépendance (1). » Les miracles « nous donnent l'idée véritable « de l'empire suprême de Dieu, maitre tout-puissant de ses créatu«res, soit pour les tenir sujettes aux lois générales qu'il a établies, « soit pour leur en donner d'autres, quand il juge qu'il est nécessaire de réveiller par quelque coup surprenant le genre humain endormi (2). » D'ailleurs, les miracles sont un des moyens les plus propres à instruire l'homme des vérités de la religion. Ils ont un langage qui est à la portée de tous les esprits, qui satisfait pleinement la raison du savant et n'excède point celle de l'ignorant, qui convainc non-seulement ceux qui en sont les témoins, mais tous ceux qui en acquièrent la connaissance par des relations authentiques. Dieu aurait pu, sans doute, employer un autre moyen pour nous faire connaître ses desseins; il aurait pu développer nos facultés intellectuelles au point de nous montrer clairement dans notre propre raison, sans le secours d'une révélation extérieure, toutes les vérités et toutes les lois qui intéressent l'humanité; mais le devait-il? Une preuve qu'il ne le devait pas, c'est qu'il ne l'a pas fait. D'ailleurs, outre que cette hypothèse ne convient pas à l'homme dans l'état actuel des choses, c'est-à-dire, dans l'état social, qui est sa condition native, elle rentre évidemment dans l'ordre surnaturel, dans l'ordre même que les rationalistes prétendent être inconciliable avec la sagesse divine. A prendre les hommes tels qu'ils sont, ne serait-ce pas un miracle qu'ils fussent tous individuellement capables de connaître indistinctement, par euxmêmes, tous les dogmes et tous les préceptes de la religion, toutes les vérités qu'il aurait plu à Dieu de nous enseigner?

530. On ne prouve pas non plus qu'un miracle soit contraire à l'immutabilité de Dieu. Quand le maitre du monde déroge aux lois de la nature, il ne déroge point à ses décrets; il les exécute. Avant tous les temps Dieu résolut la création de l'univers, comprenant dans ses décrets les lois et les exceptions qu'il voulait lui

(1) Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, part. 11, no 1. — (2) Ibid.

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apporter; la suspension de telle ou telle loi entrait dans ses desseins éternels, comme la loi elle-même; l'une et l'autre ont été décrétées à la fois. Qu'un prince, en portant une loi, prévoie un cas particulier dans lequel il déclare que sa loi n'aura pas son exécution, dira-t-on, le cas arrivant, que le prince est inconstant dans ses desseins? Non, sans doute l'application est sensible. Celui qui a réglé le cours de la nature, en a ordonné la suspension dans des circonstances qu'il a prévues et déterminées. Le miracle n'est que l'exécution de ses décrets; il n'arrive que parce qu'il a été décrété; il n'est pas plus contraire par conséquent à l'immutabilité de Dieu que la création qui s'est opérée dans le temps, conformément au décret dont elle était l'objet de toute éternité (1). Ainsi, de quelque côté qu'on envisage les miracles, ils ne présentent rien qui ne s'accorde parfaitement avec la puissance, la sagesse et l'immutabilité de Dieu. C'est donc en vain qu'on a tenté de mettre en défaut la croyance de tous les peuples et de tous les temps sur la possibilité des miracles.

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ARTICLE III.

Les miracles sont une preuve de la révélation.

531. Il résulte des miracles une preuve infaillible en faveur de la révélation divine; elle prévient les raisonnements, abrége les discussions et tranche toutes les difficultés : les miracles ont toujours été, aux yeux de tous les peuples, la preuve la plus frappante, la plus incontestable, d'une autorité divine. On ne peut s'empêcher de reconnaître l'envoyé de Dieu dans celui qui se montre le dépositaire de sa puissance. « Qu'un homme, dit J. J. « Rousseau, vienne vous tenir ce langage: Mortels, je vous << annonce la volonté du Très-Haut; reconnaissez à ma voix celui qui m'envoie. J'ordonne au soleil de changer sa course, aux étoiles de former un autre arrangement, aux montagnes de s'aplanir, « aux flots de s'élever, à la terre de prendre un autre aspect. A ces merveilles, qui ne reconnaîtra pas à l'instant le maître de la « nature? Elle n'obéit point aux imposteurs (2). » En effet, pourquoi Dieu donnerait-il à des créatures le droit de commander aux éléments, à la mort même, s'il ne voulait prouver, par des

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(1) M. Frayssinous, Défense du christianisme, conf. sur les miracles en général. — (2) Emile, liv. 1v.

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