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DE L'ÉGLISE.

833. Après avoir montré que la religion chrétienne est divine, il nous reste à faire voir que l'Église catholique romaine professe la religion chrétienne, telle qu'elle nous a été transmise par Jésus-Christ; qu'elle est la seule et véritable Église de Dieu, hors de laquelle il n'y a point de salut. C'est Jésus-Christ lui-même qui a fondé l'Église qui porte son nom, et cette Église doit, aux termes des prophètes et de l'Évangile, durer autant que le monde; elle est pour tous les temps et pour tous les peuples. Conversant avec ses apôtres après sa résurrection, il leur dit : « Toute puissance « m'a été donnée au ciel et sur la terre; allez donc, et enseignez << toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et << du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer toutes les choses « que je vous ai commandées. Et voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles (1). »

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Dans une première partie, nous exposerons la notion et les propriétés de l'Église; dans une seconde partie, nous établirons ses prérogatives; dans une troisième, nous ferons connaître les droits du saint-siége.

PREMIÈRE PARTIE.

NOTION ET PROPRIÉTÉS DE L'Église.

834. L'Eglise est une société; elle a par conséquent un gouvernement, un ordre hiérarchique qui distingue ceux qui en

(1) Data est mihi omnis potestas in cœlo et in terra; euntes ergo docete

seignent de ceux qui sont enseignés, ceux qui gouvernent de ceux qui sont gouvernés. Cette société est nécessairement extérieure et visible; elle est d'ailleurs une, sainte, catholique et apostolique.

CHAPITRE PREMIER

Notion de l'Église.

835. Le mot Eglise, qui est dérivé du grec, signifie assemblée; il a plusieurs significations, mais il se prend ici pour la société des adorateurs du vrai Dieu. Comme on distingue la révélation primitive, la révélation mosaïque et la révélation évangélique, qui répondent aux différents états de la religion, on distingue aussi l'Église primitive ou l'Église des patriarches, l'Église mosaïque ou l'Église des Juifs, et l'Église évangélique ou l'Église des chrétiens. Dans son acception la plus étendue, l'Église comprend les fidèles qui militent sur la terre, les justes qui souffrent dans le purgatoire, et les saints qui triomphent dans le ciel de là, la distinction de l'Église militante, de l'Église souffrante, et de l'Église triomphante. Nous ne parlerons dans ce traité que de l'Église chrétienne et militante, qui est la société des fidèles qui professent la doctrine de Jésus-Christ. Cette notion générale de l'Eglise est admise par tous les chrétiens, par les hérétiques comme par les catholiques.

836. Mais pour distinguer la véritable Église des sociétés chrétiennes hétérodoxes ou schismatiques, on la définit : la société des fidèles qui professent la même foi, qui participent aux mêmes sacrements et sont soumis aux mêmes pasteurs, principalement à notre saint-père le pape qui en est le chef. Cette définition, quant au fond, n'est point nouvelle; elle n'est que le développement de la notion que les auteurs sacrés, les Pères et les conciles nous donnent de l'Église, en nous la représentant comme la société des fidèles, et en comprenant sous le nom de fidèles tous ceux

omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti : docentes eos servare omnia quæcumque mandavi vobis. Et ecce ego vobiscum sum omnibus diebus, usque ad consummationem sæculi. Saint Matthieu, c. xxvIII, v. 18, 19, 20.

qui croient ce que l'Église croit, qui reconnaissent comme moyens de salut les sacrements qu'elle tient de Jésus-Christ, et sont soumis aux pasteurs qu'elle a institués, conformément à l'ordre établi par son divin fondateur. On n'est fidèle à Dieu qu'autant qu'on est fidèle à l'Église; on n'est fidèle à l'Église qu'autant qu'on respecte ses enseignements, ses décisions et ses pratiques. « Si « quelqu'un, dit Notre-Seigneur, n'écoute pas l'Église, qu'il vous « soit comme un païen et un publicain : Si Ecclesiam non auadierit, sit tibi sicut ethnicus et publicanus (1). »

837. Il résulte de cette définition que, pour être membre de l'Église, il faut être baptisé, croire et professer la doctrine qu'elle enseigne, participer aux sacrements dont elle est la dispensatrice, et être soumis aux pasteurs qui la gouvernent. Ainsi, ni les infidèles, ni les apostats, ni les hérétiques, ni les schismatiques, ni les excommuniés, ni même les catéchumènes qui se disposent au baptême, n'appartiennent au corps ou à la communion extérieure de l'Église. Toutefois, pour ce qui regarde les apostats, les hérétiques, les schismatiques et les excommuniés, ils ne cessent de faire partie du corps de l'Église que lorsqu'ils sont connus publique

ment comme tels.

838. On considère l'Église comme un tout, comme une personne morale qui se compose d'un corps et d'une âme; d'un corps, qui est la société extérieure des fidèles; d'une âme, qui n'est autre chose que les dons intérieurs du Saint-Esprit: la foi, l'espérance et la charité. Or, on peut appartenir au corps sans appartenir à l'âme, comme on peut appartenir à l'âme sans appartenir au corps de l'Église. Le juste qui professe la foi catholique appartient au corps et à l'âme de l'Église; le fidèle qui a la même foi, sans être en état de grâce, n'appartient présentement qu'au corps de l'Église ; le catéchumène qui reçoit le don de la charité parfaite avant le baptême appartient à l'âme, quoiqu'il n'appartienne pas encore réellement au corps de l'Église. Les enfants des hérétiques et des schismatiques, qui ont été baptisés suivant le rit prescrit par JésusChrist, appartiennent également à l'âme de l'Église, tandis qu'ils conservent l'innocence baptismale. Il en est de même des adultes qui, ayant été élevés dans l'hérésie ou dans le schisme, y ont persévéré de bonne foi, sans penser à l'obligation de chercher à connaitre la vérité si, étant tombés dans le péché après le baptême, ils se sont excités à la contrition parfaite, ils appartiennent à l'âme

(1) Saint Matthieu, c. xvm, v. 17.

de l'Église; et s'ils conservent la grâce de la justification, ils seront sauvés; ils le seront, non hors de l'Église, mais dans l'Église, à laquelle ils appartiennent, quant à l'âme, par la grâce sanctifiante, et même, jusqu'à un certain point, quant au corps, par le désir implicite de s'y réunir, étant disposés à faire en tout la volonté de Dieu et à renoncer à l'erreur, s'ils connaissaient la vérité (1).

839. Mais quand il s'agit de savoir quelle est celle des différentes communions chrétiennes qui est la vraie Église, nous la considérons dans sa constitution extérieure comme une société qui, étant établie par Jésus-Christ pour conserver et transmettre de siècle en siècle le dépôt de la révélation, se compose de tous ceux qui professent la mème foi et participent aux mêmes sacrements, sous l'obéissance des pasteurs légitimes, et principalement de notre saint-père le pape, chef visible de l'Église universelle.

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CHAPITRE II.

Des propriétés et des caractères de l'Église en général.

840. Les principales propriétés de l'Église sont l'autorité de l'enseignement, la visibilité et la perpétuité, l'unité, la sainteté, la catholicité et l'apostolicité. Ces propriétés sont toutes renfermées, les trois premières implicitement, les quatre dernières explicitement, dans ces paroles du symbole du premier concile œcuménique de Constantinople de l'an 381: « Je crois en l'Église, une, sainte, « catholique et apostolique: Credo in unam, sanctam, catholi«< cam et apostolicam Ecclesiam. » Un mot sur cette confession de foi: Je crois en l'Église; je crois tout ce qu'elle croit, tout ce qu'elle enseigne comme révélé de Dieu : l'Église enseigne donc avec autorité; elle a donc droit de prononcer en dernier ressort, et sans appel, sur les controverses en matière de religion. Mais je ne puis croire ce qu'enseigne l'Eglise qu'autant que je la connais, elle et son enseignement; je ne puis connaitre l'Église et son enseignement qu'autant qu'elle est visible et perpétuellement visible: la visibilité et la perpétuité sont donc, comme l'autorité dans l'enseignement, des propriétés de l'Église. De plus, l'Église

(1) Voyez le chapitre v de cette partie, art. ш.

est une, sainte, catholique et apostolique: une, et dans sa doctrine et dans son ministère; sainte, dans ses dogmes, sa morale, sa discipline, et dans une partie de ses membres; catholique ou universelle, c'est-à-dire, répandue dans les différentes parties du monde, et notablement plus nombreuse que toute autre société chrétienne; apostolique, tant pour la doctrine que pour le ministère, ou la succession non interrompue des évèques.

841. Ces différentes propriétés sont autant de caractères, de marques ou de notes qui servent à distinguer la vraie Eglise des sociétés hérétiques ou schismatiques. Mais il est important de faire observer que, parmi les marques de l'Eglise, les unes ne sont que négatives, tandis que les autres sont positives. On appelle marque négative celle dont l'absence prouve la fausseté, et marque positive, celle dont la possession prouve la vérité. Les marques négatives appartiennent à la vraie Église, mais elles ne lui appartiennent pas exclusivement; une secte hérétique ou schismatique peut les partager avec elle. Les marques positives appartiennent à la vraie Église, et n'appartiennent qu'à elle, exclusivement à toute société chrétienne séparée de sa communion. La véritable Église possède toutes les marques tant positives que négatives; les Églises ou communions fausses sont dépourvues des marques positives; mais elles peuvent avoir les marques négatives. Celles-ci, du moins les principales, sont au nombre de trois, savoir : l'autorité de l'enseignement, la visibilité et la perpétuité qui comprend l'indéfectibilité; les marques ou notes positives et proprement dites sont l'unité, la sainteté, la catholicité et l'apostolicité.

842. Toute marque positive doit être plus sensible et plus claire que l'Église elle-même, puisqu'elle sert à la faire connaître et discerner partout des sociétés hérétiques ou schismatiques. Elle doit être, par la même raison, à la portée de tous, et de ceux qui sont chargés d'instruire les autres, et de ceux qui suivent leurs instructions; soit que ceux-ci puissent par eux-mêmes, au moyen de la lecture, connaître la vérité; soit que, faute d'une éducation suffisante, ils ne puissent la connaître sans le secours d'autrui. Ainsi, les qualités intérieures, qui ne sont connues que de Dieu, ne doivent pas être mises au nombre des notes de l'Église. Il en est de même des propriétés dont la connaissance ne peut s'acquérir que par la discussion. C'est donc à tort que les protestants assignent, pour marques de l'Église, la prédication de la sainte doctrine et l'administration légitime des sacrements. Qui peut en effet s'assurer quelle est celle des différentes sociétés

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