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qui possède la vraie doctrine ou le véritable usage des sacrements, à moins que l'on ne connaisse déjà quelle est celle d'entre elles qui est la véritable Église de Jésus-Christ? Comment voulez-vous que les simples fidèles, que les docteurs même prononcent, sans danger de se tromper, sur tous les points contestés entre les diverses communions, en se déclarant pour tels ou tels dogmes, pour tels ou tels sacrements? Toutes les sociétés chrétiennes ne se vantent-elles pas de mieux interpréter l'Écriture les unes que les autres? Que répondrez-vous donc à ceux qui ne pensent pas comme vous, et qui comme vous, s'appuyant sur l'Écriture, prétendent que vous entendez mal la parole de Dieu, que vous êtes dans l'erreur, qu'eux seuls ont la vraie doctrine et les vrais sacrements? Si vous n'admettez que le baptême et l'eucharistie, comme la plupart des partisans de la réforme, que répliquerez-vous à ceux qui croient qu'il y a sept sacrements nécessaires au salut? ou à ceux qui n'en admettent aucun, ou qui ne les admettent que comme des mythes plus ou moins utiles au peuple, et seulement au peuple ignorant? Certainement tout homme de bonne foi, pour peu qu'il examine cette question, conviendra que, quoique la prédication de la vraie doctrine et l'administration légitime des sacrements se trouvent infailliblement dans l'Église de Dieu, on ne peut nullement les donner comme des caractères qui la distinguent des communions hétérodoxes.

843. Il nous reste donc à parler des marques négatives et positives; après quoi nous montrerons que l'Église romaine les réunit toutes, et qu'elle réunit, exclusivement à toute autre société chrétienne, du moins celles qu'on appelle marques positives.

CHAPITRE III.

Du juge des controverses dans l'Église.

844. En fondant son Église, Jésus-Christ l'a rendue dépositaire de sa doctrine; c'est donc à elle que l'on doit s'adresser pour connaître la doctrine de Jésus-Christ. En vain le Sauveur du monde serait descendu sur la terre pour enseigner les hommes, s'il ne nous avait laissé, dans son Église, un moyen sûr, et à la portée de tous, de connaitre ses enseignements. Or ce moyen ne peut être que l'enseignement de l'Église, que l'autorité d'un tribunal su

prème qui prononce, sans appel, sur les controverses touchant la foi et les mœurs. Ce tribunal doit être infaillible; car on ne peut croire à une vérité, comme venant de Dieu, que sur une autorité qui ne peut se tromper.

845. Dans toute société il faut reconnaître une autorité contre laquelle il ne soit pas permis de contester, et dont chaque membre soit tenu de respecter les jugements en dernier ressort, sans pouvoir les contredire; autrement il n'y aurait que trouble, anarchie. Mais pour que l'autorité civile remplisse son objet, il n'est pas nécessaire qu'elle soit réellement infaillible; il suffit qu'elle soit souveraine, et qu'on ne puisse enfreindre ses décisions ; car elle ne décide pas ce qu'on doit penser, mais ce que l'on doit faire; elle règle les actions extérieures, et non les croyances. Il n'en est pas de même pour ce qui regarde une société spirituelle; ici l'autorité décide ce que l'on doit croire, en présentant telle ou telle vérité comme venant de Dieu. Or on ne peut véritablement croire à ses décisions qu'autant qu'on les suppose infaillibles; nul ne peut soumettre sa foi ni son entendement à une autorité sujette à l'erreur. 846. Tous les catholiques s'accordent à reconnaître ce tribunal dans le corps enseignant, c'est-à-dire, dans le pape et les évèques qui sont en communion avec le pape. Les protestants, au contraire, nient l'autorité de ce tribunal, et prétendent: 1o que l'Écriture sainte est la seule règle de notre croyance; 2° que le droit de l'interpréter et d'en fixer le sens appartient à chaque particulier ; 3° que les articles fondamentaux, nécessaires au salut, sont clairement exprimés dans l'Écriture; et qu'on peut admettre ou rejeter sans danger les articles non fondamentaux. Ils conviennent, il est vrai, que le commun du peuple, les ignorants, les simples particuliers, doivent s'adresser aux pasteurs pour être éclairés sur leur croyance; mais, dans leur système, les fidèles demeurent individuellement juges en dernier ressort des interprétations qu'on leur donne du texte sacré, étant parfaitement libres d'en prendre ce qui leur plaît, de les adopter ou de les condamner, selon qu'elles leur paraissent conformes ou contraires à leur propre raison. « Qu'on me prouve aujourd'hui, disait J. J. Rousseau « après avoir exposé les principes de la réforme, qu'on me prouve qu'en matière de foi je suis obligé de me soumettre aux décisions a de quelqu'un, dès demain je me fais catholique, et tout homme conséquent et vrai fera comme moi. »

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Nous avons donc à prouver que l'on doit admettre dans l'Église de Dieu un tribunal suprême qui prononce sur les controverses

touchant le dogme et la morale chrétienne; or on le prouve 1o par le fait même de son existence, car il a toujours existé, il est aussi ancien que le christianisme; 2° par la fausseté du système des protestants.

$ Ier. Il existe, dans l'Église de Jésus-Christ, un tribunal infaillible pour les controverses en matière de religion.

847. On doit reconnaître dans l'Église un tribunal suprême pour les controverses, si ce tribunal a toujours existé dans le christianisme; car alors il n'a pu être établi que par Jésus-Christ. Or il y a toujours eu dans le christianisme un juge suprême des controverses: de tout temps on a regardé le pape et les évêques comme formant un tribunal infaillible dans ses jugements en matière de doctrine. On convient que ce tribunal existe dans l'Église catholique romaine dès le quatrième siècle. En effet, le concile œcuménique de Nicée, de l'an 325, ne permet pas de le révoquer en doute. Ce concile condamna solennellement les erreurs d'Arius, et le frappa d'anathème au nom de l'Église catholique : Anathematizat catholica et apostolica Ecclesia (1). Il y avait à ce concile trois cent dix-huit évêques, venus de toute part; et ceux qui ne purent y assister souscrivirent presque tous à leurs décrets. Remarquez que les Pères de Nicée ne formaient point une assemblée constituante; ils n'eurent point à se constituer juges de la foi ; ils se présentèrent comme tels en se présentant comme évêques; il ne s'éleva aucun doute, ni de la part des orthodoxes ni de la part des ariens, sur la compétence du concile; les hérétiques avaient même déclaré, avant leur condamnation, qu'ils s'en rapportaient à sa décision. Il était donc reçu, dès le commencement du quatrième siècle, que le jugement des évêques, quand il est rendu conjointement avec le pape ou confirmé par le pape, est un jugement sans appel, irréformable.

848. Or, une croyance aussi générale, aussi universellement répandue, tant en Orient qu'en Occident, dès l'an 325, vient nécessairement de plus haut; elle n'a pu s'introduire dans l'Église que d'après les enseignements des apôtres et de Jésus-Christ. Il n'y a pas de milieu: ou elle est aussi ancienne que le christianisme, ou la constitution de l'Église a été changée dans les trois permiers siècles. Or cette seconde supposition ne peut évidemment être admise : soit

(1) Labbe, Concil., tom. 1, col. 27.

parce que, de l'aveu des protestants, l'Eglise des trois premiers. siècles ne s'est écartée en rien de la doctrine de son divin fondateur; soit parce qu'on ne peut accuser les évêques de ce temps-là, qui étaient tous confesseurs de la foi, tous prêts à verser leur sang pour la religion, de s'être attribué des droits qu'ils n'avaient pas, ou d'avoir tous ignoré la constitution de l'Église; soit parce que les prêtres, les diacres et les simples fidèles, qui ne pouvaient non plus ignorer cette même constitution, se seraient vivement opposés à ce qu'elle fût altérée; soit parce que les anciens hérétiques n'eussent pas manqué de reprocher aux évêques qui les condamnaient comme novateurs, de s'être eux-mêmes rendus coupables d'innovation en changeant la forme constitutive de l'Église, dont ils auraient usurpé le pouvoir; soit enfin parce que l'on connaîtrait l'époque de ce changement, les évêques qui en auraient été les premiers auteurs, les lieux où il aurait commencé à se montrer, les moyens par lesquels il aurait subitement ou insensiblement gagné du terrain, et serait répandu dans toute la chrétienté. Il ne s'est jamais manifesté une hérésie, une erreur contre la foi catholique, qui n'ait soulevé aussitôt les plus vives réclamations. Aussi connaiton les noms des anciens hérésiarques, comme on connait les noms des papes, des évêques et des docteurs qui ont condamné ou réfuté leurs erreurs. Cependant l'histoire ecclésiastique se tait sur le prétendu changement qui aurait fait des évêques autant de juges de la foi, et du pape le chef de l'Église universelle. On ne peut désigner ni les auteurs ni les complices d'un tel attentat; on ne trouve rien, dans toute l'antiquité, qui fasse même allusion aux dissensions, aux débats qui eussent infailliblement retenti dans le monde chrétien. Donc c'est sans fondement que l'on prétendrait que la constitution de l'Église a été changée dans les trois premiers siècles; donc il est vrai de dire que le tribunal que l'on croyait infaillible dans ses jugements, au commencement du quatrième siècle, remonte jusqu'au temps des apôtres, et qu'il n'a pu être institué que par Jésus-Christ.

849. Ce n'est pas tout nous avons pour preuves de l'existence de ce tribunal dans l'Église primitive, les actes des anciens conciles, et le témoignage des anciens auteurs ecclésiastiques. En 270, les évêques s'assemblent à Antioche en grand nombre (episcopi numero prope infiniti) condamnent les erreurs de Paul de Samosate contre le mystère de la Trinité, le déposent de son siége, et l'excommunient d'une voix unanime. Les Pères de ce concile notifient leur jugement à l'Église uni

verselle par une lettre synodale qu'ils adressent à tous les évêques, et nommément à saint Denys, qui occupait alors la chaire de SaintPierre. Ce pape étant mort sur les entrefaites, cette lettre fut remise à Félix son successeur, qui confirma la sentence portée contre Paul de Samosate: ainsi cet hérésiarque fut séparé de la communion de l'Église (1). Déjà les évêques d'un premier concile d'Antioche, de l'an 264, avaient condamné ses erreurs, comme contraires à la croyance de l'Église catholique (2). Quelque temps auparavant, Novatien, blåmant la condescendance que l'Église montrait pour les chrétiens, qui, après être tombés dans la persécution, demandaient la paix, se sépare du pape Corneille, et veut usurper son siége; mais le concile de Rome, de l'an 255, le condamne et le chasse de l'Église (3). En 242, Privat fut condamné comme hérétique par un concile de quatre-vingt-dix évêques; et cette condamnation fut approuvée par le pape saint Fabien, qui retrancha Privat de la communion ecclésiastique (4). Nous pourrions encore citer, pour le troisième siècle,' un concile de la province d'Alexandrie contre Ammonius, qui abjura ses erreurs (5); et plusieurs autres conciles qui eurent lieu en Orient et en Occident (6), sans que personne élevât la voix contre le droit des évêques, de prononcer sur les controverses touchant la foi.

850. Dans le même temps, saint Cyprien écrivait que, par sa volonté et sa présence, Jésus-Christ gouverne les évêques, et l'Église avec les évéques (7), qui sont eux-mêmes, comme il le dit ailleurs, préposés au gouvernement de l'Église (8). Origène nous représente Jésus-Christ comme le chef, et les évêques comme les yeux de l'Eglise (9); par où il nous fait clairement entendre que les évêques en sont la lumière, et qu'ils sont dirigés par Jésus-Christ (10). Il dit, dans un autre endroit, que le devoir de l'évêque est de prier, de lire et de méditer les saintes Écritures, afin qu'il enseigne aux autres, non ce qu'il sait de lui-même, mais ce qu'il a appris de Dieu, ce qui est enseigné par l'Esprit-Saint (11). Parlant des hérétiques qui, en invoquant les Écritures, ont l'air de dire que la vérité est dans leurs maisons, il ajoute : « Nous ne « devons point nous en rapporter à eux, ni nous éloigner de la << primitive tradition ecclésiastique, ni croire autre chose que ce

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(1) Labbe, Concil., tom. 1, col. 893, etc. (2) Ibidem, col. 843, etc. (3) Ibidem, col. 715.-(4) Ibidem, col. 690.- (5) Ibidem, col. 1564.-(6) Voy. les différentes collections des conciles. (8) Lettre xxxIII.— (9) Traité v sur saint Matthieu. — (10) Liv. vi, contre Celse. — (11) Homélie vi sur le Lévitique.

(7) Lettre LXVI.

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