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distinction des martyrs approuvés, martyres vindicati; de là ces diacres chargés d'office de noter le jour de leur mort, d'en recueillir les actes, et d'en faire le rapport à l'évêque, qui consultait son clergé, prenant toutes les informations nécessaires pour discerner les vrais martyrs de ceux dont le zèle pouvait paraître suspect. Saint Cyprien fait allusion à cette ancienne discipline dans plusieurs de ses lettres (1). Prévenir le jugement épiscopal par des hommages prématurés, ç'a toujours été une faute, même dans les premiers siècles de l'Église. Les conciles interdisaient aux fidèles toute marque publique de vénération pour ceux qui sont morts en odeur de sainteté, avant qu'on fût assuré de la décision de l'évêque.

1064. Pour prévenir tout abus sur ce point, les papes se sont réservé la canonisation des serviteurs de Dieu. Alexandre III passe communément pour être l'auteur de cette réservation. La sainteté de ceux dont on autorise le culte public devant être constatée de manière à exclure le moindre doute, c'est un avantage pour la religion que la sentence de l'évêque diocésain reçoive, par les enquêtes des commissaires apostoliques, par les discussions des tribunaux romains, et par le jugement du saint-siége promulgué dans tout le monde catholique, une authenticité qui ne laisse rien à désirer. D'ailleurs, un décret solennel, émané de l'autorité supérieure, et qui s'étend à tout l'univers, annonce, d'une manière plus imposante et plus uniforme, la gloire des bienheureux.

1065. Or ce jugement, qui tire sa principale force de l'autorité du siége apostolique, nous offre toutes les garanties. Quand il s'agit de constater l'orthodoxie et la sainteté des serviteurs de Dieu, l'héroïsme de leurs vertus, les prodiges de la grâce et de la puissance divine opérés avant et après leur mort par leur intervention, on prend tous les moyens que la sagesse humaine, animée par l'esprit le plus pur de la religion, est capable de suggérer, afin d'éviter jusqu'aux moindres soupçons de fraude et de méprise. D'un autre côté, JésusChrist ayant promis aux apôtres et à leurs successeurs d'être avec eux tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles, on ne peut supposer que son assistance manque à l'Église dans une décision où le culte est si fort intéressé. Tout le monde catholique convient que c'est une indécence scandaleuse, une témérité pleine d'injustice, d'affecter des doutes et de soulever des difficultés en cette matière; que c'est alarmer sans raison la piété des fidèles,

(1) Lettres xxxXVII et LXXIX.

faire injure à la mémoire des saints, et autoriser l'impiété des hérétiques qui s'en déclarent les ennemis (1).

ARTICLE V.

De la liturgie.

1066. La liturgie, dans son acception générale, comprend tout ce qui a rapport à l'administration des sacrements et à l'office divin. Or, l'Eglise ne peut errer dans ses prescriptions concernant les sacrements et les prières; autrement elle cesserait d'être infaillible sur la doctrine, puisque les prières et les rites qu'elle prescrit sont comme autant de formules du dogme catholique. Ainsi, ni le Missel, ni le Rituel, ni le Pontifical, ni le Bréviaire, usités dans l'Eglise et approuvés par elle, ne peuvent renfermer quoi que ce soit de contraire à la foi, à la morale, ou à la piété. Tels sont 1o le missel romain, le rituel romain, le pontifical romain, le bréviaire romain, qui ont la sanction des papes et le suffrage des évêques catholiques, même de ceux qui ne les suivent pas en tout: 2o les livres liturgiques grecs ou latins, qui, quoique différents des premiers en certains points accidentels, ont été approuvés d'une manière plus ou moins expresse par le saint-siége, sans qu'il y ait eu aucune réclamation de la part des évèques. Mais il n'en est pas de même des missels ni des bréviaires propres à quelques Églises particulières, à moins qu'ils n'aient pour eux l'approbation du souverain pontife, ou qu'ils ne réunissent les conditions voulues par les constitutions du pape Pie V. A défaut de ces conditions, ou de l'approbation susdite, ces livres peuvent être orthodoxes; mais nous n'avons pas d'autre garantie de leur orthodoxie que l'autorité de l'évêque qui en est l'auteur, ce qui ne suffit pas au clergé, ni aux simples fidèles. Nous disons la même chose des missels et des bréviaires qui, après avoir été approuvés par qui de droit, ou sanctionnés par le laps de temps prescrit, ont été, depuis, mutilés, modifiés ou changés par l'Ordinaire; à moins que les changements introduits ne consistent que dans l'insertion des offices vus et autorisés par la sacrée congrégation des rites.

1067. Toutefois, ce que nous avons dit de l'infaillibilité de l'Église touchant la liturgie, ne s'étend pas aux faits purement histo

(1) Voyez le savant ouvrage de Benoît XIV, De beatificatione et canoniza

tione servorum Dei.

riques. Le bréviaire romain, comme les autres bréviaires, contient sur l'histoire des martyrs et d'autres saints certaines légendes auxquelles on n'est pas obligé d'ajouter foi : l'Église ne l'exige point; ce qu'elle exige, et ce qu'elle est en droit d'exiger, c'est que nous reconnaissions que celles même des légendes qui peuvent offrir quelque difficulté sous le rapport de la critique, ne renferment rien de contraire à la saine doctrine ou à sa piété chrétienne.

CHAPITRE VII.

Du pouvoir législatif de l'Église.

1068. L'homme étant composé d'un corps et d'une âme, le monde est gouverné par deux puissances essentiellement distinctes: la puissance temporelle, qui règle ce qui a rapport à nos intérêts matériels et à l'ordre civil; et la puissance spirituelle, qui règle ce qui a rapport au salut, à la religion. La puissance spirituelle appartient en propre aux pasteurs de l'Église, et la puissance temporelle appartient en propre aux chefs de la société civile. JésusChrist lui-même a consacré cette distinction, lorsqu'il a dit : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu; Red« dite ergo quæ sunt Cæsaris Cæsari, et quæ sunt Dei Deo (1). » Mais il n'en est pas de l'Eglise comme des sociétés politiques ou des gouvernements temporels, dont la forme est déterminée par les peuples, suivant les temps, les lieux, et les mœurs du pays: dispensatrice de la parole divine, des mystères et des dons de Dieu, elle ne pourrait remplir sa mission, si son organisation et le droit de se gouverner dépendaient des caprices des hommes ou des puissances de la terre. A la différence des princes du siècle, dont le pouvoir est réglé par les constitutions humaines de chaque nation, l'Église tient immédiatement de Jésus-Christ, immédiatement de Dieu, sa constitution et son autorité, avec le pouvoir suprême de statuer sur tout ce qui regarde la religion, l'institution de ses ministres, l'administration des sacrements, le culte divin, la morale évangélique. Et c'est parce que la puissance de l'Eglise vient immédiatement de Dieu, qu'elle est, de droit divin, indépen

(1) Saint Matthieu, c. xxn, v. 21.

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dante, en ce qui est de son ressort, de la puissance temporelle. Celle-ci est pareillement indépendante de la première en tout ce qui tient à l'ordre politique et civil, sauf, pour ceux qui gouvernent, l'obligation de respecter les lois de la justice, de la morale et de la religion, au sujet desquelles ils sont, comme les simples sujets, justiciables de l'Église. Mais, quoique essentiellement distinctes, les deux puissances doivent se prêter un mutuel secours dans l'intérêt des gouvernements, des peuples et des fidèles : ce qui a lieu tandis que, d'une part, l'Eglise prêche la soumission à la puissance temporelle, et fait rendre à César ce qui est à César; et que, de l'autre, la puissance temporelle fait rendre à Dieu ce qui est à Dieu, ou en faisant observer, autant que possible, les lois de la religion, ou au moins en respectant les institutions de l'Église, à laquelle on ne peut, sans impiété, refuser en aucun cas la liberté d'enseigner l'Évangile comme il lui plaît, ni le droit de se gouverner comme elle l'entend. Quoi qu'elle fasse, on ne peut avoir aucune inquiétude sur ses actes : le catholique sait que, toujours animée de l'esprit de Dieu, elle ne peut ni faire ni approuver ce qui est contre la foi, la justice et les bonnes mœurs : Qua sunt contra fidem aut bonam vitam, nec approbat, nec tacet, nec facit, dit le grand évêque d'Hippone.

1069. Mais l'Église a-t-elle véritablement le pouvoir de faire des lois dans l'ordre de la religion? En qui réside ce pouvoir? Est-il indépendant du pouvoir temporel? Quel en est l'objet? C'est ce que nous allons examiner dans ce chapitre et les chapitres suivants.

L'Église peut, en vertu d'un droit qui lui est propre et inherent à sa constitution divine, faire, dans l'ordre de la religion, des lois qui soient obligatoires pour tous les chrétiens, pour les évêques et les fidèles, pour les rois et les sujets. Cette proposition est de foi.

1070. Le pape Pie VI, dans un bref où il réfute les erreurs de la constitution civile du clergé, ayant cité plusieurs règlements ecclésiastiques, ajoute : « Tant d'exemples d'anathèmes lancés contre les infracteurs des saints canons prouvent que l'Église a toujours cru que sa discipline était étroitement liée avec le dogme, et qu'elle ne peut jamais être changée que par la puissance ecclésiastique, à laquelle seule il appartient de juger si un usage qui a été constamment suivi est sans avantage, ou s'il doit céder à la nécessité de procurer un plus grand bien (1). » Ce n'est

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(1) Bref du 10 mars 1791, aux évêques de l'assemblée nationale.

pas d'hier que l'Église fait des lois : de tout temps elle a exercé un pouvoir législatif. Avant comme après la conversion des empereurs, sous le règne des tyrans comme sous celui des princes chrétiens, elle avait son chef, ses évêques, ses assemblées, ses conciles, statuant sur toutes les questions de la discipline. Pendant les trois premiers siècles, il s'est tenu plus de cinquante conciles tant en Orient qu'en Occident, dont les règlements ont été en partie recueillis sous le nom de canons des apótres, et sous celui de constitutions apostoliques. Ces canons regardent l'ordination et l'institution des ministres de l'Église, l'administration des sacrements, la célébration des saints mystères, le culte et l'office divin, les mœurs des clercs, l'observance du carême, la solennité de Pâques, l'excommunication, et autres peines spirituelles. Or, ce pouvoir que l'Église a constamment exercé ne peut venir que des apôtres, que de Jésus-Christ lui-même. En effet, en constituant son Église comme une société qui devait se répandre chez tous les peuples et durer jusqu'à la consommation des siècles, il a dû lui donner une constitution qui lui fût propre, constitution forte, stable, permanente, et indépendante des constitutions humaines ou politiques. Autrement elle n'aurait jamais pu conserver l'unité de gouvernement, qui est un de ses caractères distinctifs : ou elle serait tombée dans l'anarchie, ou elle aurait été livrée à l'arbitraire et au despotisme des princes de la terre. Aussi a-t-il donné à son Église le droit de se gouverner elle-même, en chargeant les apôtres et leurs successeurs de son gouvernement, comme nous le verrons plus particulièrement dans le chapitre qui suit.

CHAPITRE VIII.

En qui réside le pouvoir législatif de l'Église?

1071. Le pouvoir législatif de l'Eglise réside dans les évêques, et principalement dans le pape, exclusivement à tout autre, même aux prêtres. La première partie de cette proposition est de foi; la seconde, en tant qu'elle exclut les laïques, est également un article de foi; et, en tant qu'elle exclut les prêtres, elle approche de la foi. Notre-Seigneur dit aux apôtres : « Je vous envoie comme

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