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le commercé, il devait nécessairement se trouver du bon et du mauvais, du blé et de l'ivraie; à cette dernière catégorie appartenaient les hommes qui par l'opium ont séduit et corrompu les Chinois, et qui ont répandu sur tout le pays des flots de ce dangereux poison, Uniquement préoccupés du désir de s'avantager eux-mêmes, les spéculateurs s'inquiètent peu de nuire aux autres. Un tel principe est contraire aux règles célestes, et le monde doit l'abhorrer. Le grand empereur, en apprenant ces choses, s'est senti saisi d'une violente indignation. Il m'a envoyé moi, commissaire, à Canton, avec le lieutenant-gouverneur, afin d'arrêter ce dangereux commerce. Tout indigène vendant ou fumant l'opium est condamné à mort.

>> Sans-doute nous n'aurions pas dû montrer moins de sévérité vis-à-vis des étrangers qui, réalisant d'énormes bénéfices en nous ruinant, avaient introduit cette épouvantable calamité dans l'empire. Mais considérant que ces détestables étrangers avaient manifesté du repentir de leur crime, et qu'ils demandaient et criaient merci, nous avons présenté un mémoire à S. M., et S. M., dounant une nouvelle preuve de sa bonté extraordinaire, a bien voulu que les crimes fussent pardonnés à quiconque en demanderait le pardon. Mais celui qui violerait encore les lois ferait plus difficilement un appel à la clémence. Contre lui seront mises en vigueur toutes les peines établies par le. nouveau statut.

>> Vous, la souveraine d'un pays honorable, examinant votre conscience devant les autels de la justice éternelle, vous ne pourrez pas manquer de recommander à tous les étrangers le plus profond respect pour nos lois. Il nous suffira de vous montrer et les avantages et les dangers, pour faire comprendre que les statuts de la dynastie cé

leste doivent être exécutés avec crainte et soumission.

>> Votre pays est séparé du nôtre par l'immensité; vos navires viennent successivement chercher notre or; c'est la cupidité qui enfle leurs voiles. Si une partie de nos richesses engraisse ces étrangers, ne peut-on pas dire en toute vérité que les trésors amassés par eux sont une partic de la subsistance du peuple chinois enlevée aux Chinois ? Pourquoi ces étrangers nous donnent-ils en retour un poison destructeur ! Loin de nous la pensée que ces étrangers veuillent semer parmi nous la destruction et la mort. Non, ils ne nourrissent pas cet affreux projet dans leurs cœurs; mais, cupides avant tout, ils s'inquiètent peu des conséquences que peut avoir leur commerce. Dans ce cas, nous le demandons, où se trouve cette conscience mise au cœur de chaque homme par la Providence? Nous savons que dans votre pays l'opium est défendu avec une rigueur excessive, preuve évidente que vous connaissez très-bien tous les dangers de ce commerce. Puisque vous refusez d'introduire ce poison dans vos états, vous ne devriez pas en autoriser le transport dans les pays étrangers, et surtout dans la terre centrale. Tous les produits exportés de la Chine dans votre pays sont utiles et avantageux. Les uns servent d'aliment, les autres sont en circulation comme marchandises; tous ces articles sont d'une nature bienfaisante. Peut-on citer une marchandise délétère expédiée de la Chine, sans parler du thé et de la rhubarbe, dont vos pays étrangers ne pourraient pas se passer un seul jour? Si nous, habitants de la terre centrale, nous n'avions pas pris en pitié vos besoins, comment pourriez-vous exister? Vos étoffes de laine et divers autres objets fabriqués, que deviendraient-ils? et pourriez-vous les fabriquer, si nous vous refusions notre soie brute? Si la Chine vous refusait ces

éléments de fortune, pourriez-vous réaliser des bénéfices? Nous vous fournissons tant d'objets devenus des objets de première nécessité et de comfort en Angleterre, que nous pouvons à peine les énumérer tous, tandis que ce que nous tirons d'Angleterre ce sont des objets de luxe ou d'amusement; nous pourrions fort bien nous en passer, et ce ne serait ni une perte ni une privation de ne les avoir plus. Puisque ces objets ont pour nous si peu d'importance réelle, qui nous empêcherait d'en défendre l'importation et de fermer notre marché à la vente de ces produits? Si notre dynastie céleste vous permet d'enlever ici le thé, la soie et d'autres objets encore, et de les transporter partout à votre convenance, sans gêner en rien la disposition que vous en voulez faire, c'est que partout où il se présente des avantages et du bien, nous en désirons la diffusion pour tout le monde : il faut que la terre entière en profite!

» Votre peuple, en levant ici ces produits, non-seulement améliore son bien-être matériel, mais encore il revend ce qu'il nous a acheté, et sur ces ventes il réalise d'énormes bénéfices. Si vous cessez de vendre l'opium, ce béné¬ fice énorme vous sera assuré. Et voyez en ceci combien votre conduite est injuste! Supposons que des étrangers voulussent apporter l'opium en Angleterre et engager vos sujets à en fumer. Souveraine de cet honorable pays, ne verriez-vous pas ces tentatives de séduction avec colère, et ne chercheriez-vous pas à neutraliser ces efforts? Votre Altesse a un cœur généreux et bon, et assurément vous ne voudriez pas faire à autrui ce que vous seriez fâchée que d'autres vous fissent. Vos navires qui viennent à Canton sont tous munis d'une instruction où se lisent ces mots : «Vous n'aurez pas la permission de porter des marchandises de contrebande. » Cela prouve que les lois dictées

par Votre Altesse sont sages et sévères en principes, et c'est sans doute à cause du grand nombre de navires venus ici que l'on n'a pas procédé à l'examen et à la recherche sur les navires avec assez d'attention. Nous vous écrivons aujourd'hui pour vous montrer combien les lois de la dynastie céleste sont fermes et sévères, et dans la pensée que vous n'en permettrez plus à l'avenir la violation. Nous avons appris qu'à Londres, dans la métropole que vous habitez, en Écosse et en Irlande, dans le reste de vos états, on ne rencontre nulle part le produit de l'opium. C'est seulement dans diverses parties de votre royaume de l'Indostan, comme Bengale, Madras, Bombay, Patua, Malwa, Benarès et dans d'autres endroits, que les lieux élevés sont couverts de plantes d'opium et que l'on en prépare les produits.

>> Tous les mois et tous les ans s'accroît le volume du poison; son parfum délétère ne cesse de s'élever vers le ciel, dont il finira par attirer le courroux! Reine de cet honorable pays, vous devez sur-le-champ faire couper jusque dans ses racines la plante qui fait tant de mal. Faites remuer entièrement cette terre ; que l'on sème, à la place de l'opium, les cinq grains, et, si quelqu'un osait encore continuer cette culture, qu'il soit aussitôt puni rigoureusement. De telles mesures ne pourront que vous être profitables. Elles détruiront le mal à sa source. Puisse le ciel vous être propice et vous entourer de félicité! Cette réforme utile vous assurera une longue et heureuse vie; elle consolidera votre trône pour vous et vos descendants.

» En ce qui concerne les étrangers qui viennent dans ce pays central, les denrées dont ils se nourrissent, et leurs habitations, leur viennent uniquement de la bonté de notre dynastie céleste. Les projets qu'ils font et les richesses qu'ils amassent, ils les doivent à la bienveillance de notre dynastie

céleste; et comme ils passent la plus grande partie de leur temps chez nous, c'est une maxime généralement reçue des temps anciens, comme des temps modernes, que notre devoir est de les avertir conjointement et de leur faire bien connaître le châtiment qui leur est résérvé.

» Dans la seconde lune de la présente année, c'est-àdire le 9 avril 1839, le surintendant de votre honorable pays, Elliot, considerant comme excessivement sévère la loi qui prohibe le commerce de l'opium, sollicita de nous, dans une pétition, une prorogation de délai; savoir : cinq mois pour l'Indostan et les diverses parties de l'Inde, et dix mois pour l'Angleterre, promettant qu'après ce délai il obéirait et agirait conformément au nouveau statut, et autres paroles de ce genre! Moi, le haut-commissaire et mes collègues, nous avons présenté à l'empereur un mémoire sur cette affaire, et nous nous félicitons de sa bonté extraordinaire et de sa commisération. Quiconque, dans le cours d'une année et demie, introduirait par mégarde de l'opium dans l'empire, sera affranchi de toute peine, s'il délivre spontanément l'opium introduit; mais si, après l'expiration de ce délai, des individus introduisaient de l'opium dans l'empire, alors ils auraient violé la loi, et seraient certainement mis à mort sans espoir de pardon. On peut appeler cela une bienveillance poussée à l'extrême et la perfection de la justice.

Notre Céleste-Empire gouverne une infinité de royaumes. Nous possédons une Majesté divine que vous ne pouvez pas apprécier. Nous ne pouvons tuer ou exterminer sans un avertissement préalable, et c'est pour cette raison que nous vous faisons clairement connaître les lois immuables de notre pays. Si les marchands étrangers de votre nation, qui se dit honorable, veulent continuer leur commerce

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