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Mon raifonnement ne porte pas fur toutes les mines; celles d'Allemagne & de Hongrie, d'où l'on ne retire que peu de chofe au-delà des frais, font très-utiles. Elles fe trouvent dans l'état principal, elles y occupent plufieurs milliers d'hommes qui y confomment les denrées furabondantes; elles font proprement une manufacture du pays.

Les mines d'Allemagne & de Hongrie font valoir la culture des terres; & le travail de celles du Mexique & du Pérou la détruit.

Les Indes & l'Efpagne font deux puiffances fous un même maître: mais les Indes font le principal, l'Espagne n'eft que l'acceffoire. C'est en vain que la politique veut ramener le principal à l'acceffoire; les Indes attirent toujours l'Espagne à elles.

D'environ cinquante millions de marchandifes qui vont toutes les années aux Indes, l'Espagne De fournit que deux millions & demi; les Indes font donc un commerce de cinquante millions, & l'Espagne de deux millions & demi.

C'est une mauvaise espèce de richesses qu'un tribut d'accident & qui ne dépend pas de l'industrie de la nation, du nombre de fes habitans, ni de la culture de fes terres. Le roi d'Espagne, qui reçoit de grandes fommes de fa douane de Cadix, n'eft à cet égard qu'un particulier trèsriche dans un état très-pauvre. Tout fe paffe les étrangers à lui, fans que fes fujets y prennent

prefque de part: ce commerce eft indépendant de la bonne & de la mauvaise fortune de fon royaume.

Si quelques provinces dans la Castille lui donnoient une fomme pareille à celle de la douane de Cadix, fa puiffance feroit bien plus grande fes riche ffes ne pourroient être que l'effet de celles du pays; ces provinces animeroient toutes les autres, & elles feroient toutes enfemble plus en état de foutenir les charges refpectives; au lieu d'un grand tréfor, on auroit un grand peuple.

CHAPITRE XXIII.

CE

Problême.

E n'eft point à moi à prononcer fur la queftion, fi l'Efpagne ne pouvant faire le commerce des Indes par elle-même, il ne vaudroit pas mieux qu'elle le rendit libre aux étrangers. Je dirai feulement qu'il lui convient de mettre à ce commerce le moins d'obstacles que fa politique pourra lui permettre. Quand les marchandifes que les diverfes nations portent aux Indes y font chères, les Indes donnent beaucoup de leur marchandise, qui eft l'or & l'argent, pour peu de marchandifes étrangères: le contraire arrive

lorfque celles-ci font à vil prix. Il feroit peutêtre utile que ces nations fe nuififfent les unes les autres, afin que les marchandises qu'elles portent aux Indes y fuffent toujours à bon marché. Voilà des principes qu'il faut examiner, fans les féparer pourtant des autres confidérations; la sûreté des Indes; l'utilité d'une douane unique; les dangers d'un grand changement; les inconvéniens qu'on prévoit, & qui fouvent font moins dangereux que ceux qu'on ne peut pas prévoir.

LIVRE

XXII.

Des Loix, dans le rapport qu'elles ont avec l'ufage de la monnoie.

CHAPITRE PREMIER. Raifon de l'ufage de la monnoie. Les peuples qui ont peu de marchandises

pour le commerce, comme les fauvages, & les peuples policés qui n'en ont que de deux ou trois espèces, négocient par échange. Ainfi les caravanes de Maures qui vont à Tombouctou, dans le fond de l'Afrique, troquer du fel contre de l'or, n'ont pas befoin de monnoie. Le Maure met fon fel dans un monceau; le Negre, fa poudre dans un autre: s'il n'y a pas affez d'or, le Maure retranche de fon fel, ou le Negre ajoute de fon or, jufqu'à ce que les parties conviennent.

Mais lorsqu'un peuple trafique fur un trèsgrand nombre de marchandises, il faut néceffairement une monnoie, parce qu'un métal facile à tranfporter épargne bien des frais, que l'on

feroit obligé de faire fi l'on procédoit toujours par échange.

Toutes les nations ayant des befoins réciproques, il arrive fouvent que l'une peut avoir un très-grand nombre de marchandifes de l'autre, & celle-ci très-peu des fiennes ; tandis qu'à l'égard d'une autre nation, elle eft dans un cas contraire. Mais lorfque les nations ont une monnoie, & qu'elles procèdent par vente & par achat, celles qui prennent plus de marchandises fe foldent ou paient l'excédent avec de l'argent: & il y a cette différence, que, dans le cas de l'achat, le commerce fe fait à proportion des befoins de la nation qui demande le plus; & que dans l'échange le commerce fe fait feulement dans l'étendue des befoins de la nation qui demande le moins, fans quoi cette dernière feroit dans l'impoffibilité de folder fon compte.

CHAPITRE II.

De la nature de la monnoie, LA monnoie eft un figne qui représente la

valeur de toutes les marchandifes. On prend quelque métal pour que le figne foit durable; qu'il fe confomme peu par l'ufage; & que, fans fe détruire, il foit capable de beaucoup de

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