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divifions. On choisit un métal précieux, pour que le figne puiffe aifément fe transporter. Un métal eft très-propre à être une mefure commune, parce qu'on peut aifément le réduire au même titre. Chaque état y met fon empreinte, afin que la forme réponde du titre & du poids, & que l'on connoiffe l'un & l'autre par la feule inspection.

Les Athéniens, n'ayant point l'ufage des métaux, fe fervirent de bœufs ; & les Romains, de brebis mais un boeuf n'eft pas la même chofe qu'un autre bœuf, comme une pièce de métal peut être la même qu'une autre.

Comme l'argent eft le figne des valeurs des marchandifes, le papier eft un figne de la valeur de l'argent; & lorsqu'il eft bon, il le représente tellement, que, quant à l'effet, il n'y a point de différence.

De même que l'argent eft un figne d'une chofe, & la repréfente; chaque chofe eft un figne de l'argent, & le repréfente: & l'état eft dans la profpérité, felon que d'un côté l'argent repréfente bien toutes chofes; & que, d'un autre, toutes chofes repréfentent bien l'argent, & qu'ils font fignes les uns des autres; c'eft-à-dire, que, dans leur valeur relative, on peut avoir l'un fitôt que l'on a l'autre. Cela n'arrive jamais que dans un gouvernement modéré, mais n'arrive pas toujours dans un gouvernement modéré par exemple, fi les loix favorifent un débiteur injufte, les chofes

chofes qui lui appartiennent ne repréfentent point l'argent, & n'en font point un figne. A l'égard du gouvernement defpotique, ce feroit un prodige fi les chofes y repréfentoient leur figne: la tyrannie & la méfiance font que tout le monde y enterre fon argent : les chofes n'y repréfentent donc point l'argent.

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Quelquefois les légiflateurs ont employé un tel art, que non- feulement les chofes repréfentoient l'argent par leur nature mais qu'elles devenoient monnoie comme l'argent même. Céfar, dictateur, permit aux débiteurs de donner en paiement à leurs créanciers, des fonds de terre au prix qu'ils valoient avant la guerre civile. Tibère ordonna que ceux qui voudroient de l'argent, en auroient du tréfor public, en obligeant des fonds pour le double. Sous Cefar, les fonds de terre furent la monnoie qui payaTM toutes les dettes; fous Tibère, dix mille fefterces en fonds devinrent une monnoie commune comine cinq mille fefterces en argent.

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La grande chartre d'Angleterre défend de faifir les terres ou les revenus d'un débiteur, lorsque fes biens mobiliers ou perfonnels fuffifent pour le paiement, & qu'il offre de les donner; pour lors tous les biens d'un Anglois repréfentoient de l'argent.

Les loix des Germains apprécièrent en argent les fatisfactions pour les torts que l'on avoit faits, & pour les peines des crimes. Mais comme il Tome 111,

y avoit très-peu d'argent dans le pays, elles réapprécièrent l'argent en denrées ou en bétail. Ceci fe trouve fixé dans la loi des Saxons, avec de certaines différences, fuivant l'aifance & la commodité des divers peuples. D'abord la lọi déclare la valeur du fou en bétail : le fou de deux trémiffes fe rapportoit à un bœuf de douze mois ou à une brebis avec fon agneau; celui de trois trémiffes valoit un bœuf de feize mois. Chez ces peuples la monnoie devenoit bétail, marchandise ou denrée ; & ces chofes devenoient monnoie.

Non-feulement l'argent eft un figne des chofes; il est encore un figne de l'argent & repréfente l'argent, comme nous le verrons au chapitre du change.

CHAPITRE III.

Des monnoies idéales.

Il y a des monnoies réelles & des monnoies

idéales. Les peuples policés, qui fe fervent prefque tous de monnoies ideales, ne le font que parce qu'ils ont converti leurs monnoies réelles en idéales. D'abord leurs monnoies réelles font un certain poids & un certain titre de quelque métal; mais bientôt la mauvaise foi ou le befoin

font qu'on retranche une partie du métal de chaque pièce de monnoie, à laquelle on laiffe le même nom : par exemple, d'une pièce du poids d'une livre d'argent, on retranche la moitié de l'argent, & on continue de l'appeller livre; la pièce qui étoit une vingtième partie de la livre d'argent, on continue de l'appeller fou, quoiqu'elle ne foit plus la vingtième partie de cette livre. Pour lors, la livre eft une livre idéale, & le fou, un fou idéal; ainfi des autres fubdivifions: & cela peut aller au point que ce qu'on appellera livre ne fera plus qu'une très-petite portion de la livre, ce qui la rendra encore plus idéale. Il peut même arriver que l'on ne fera plus de pièce de monnoie qui vaille précisément une livre, & qu'on ne fera pas non plus de pièce qui vaille un fou pour lors la livre & le fou feront des monnoies purement idéales. On donnera à chaque pièce de monnoie la dénomination d'autant de livres & d'autant de fous que l'on voudra; la variation pourra être continuelle, parce qu'il eft auffi aifé de donner un autre nom à une chofe, qu'il eft difficile de changer la chofe même.

Pour ôter la fource des abus, ce fera une très-bonne loi dans tous les pays où l'on voudra faire fleurir le commerce, que celle qui ordonnera qu'on emploiera des monnoies réelles; & que l'on ne fera point d'opération qui puiffe les rendre idéales.

Rien ne doit être fi exempt de variation, que ce qui eft la mefure commune de tout.

Le négoce par lui-même est très-incertain; & c'eft un grand mal d'ajouter une nouvelle inceritude à celle qui eft fondée fur la nature de la chofe.

CHAPITRE IV.

De la quantité de l'or & de l'argent. LORSQUE les nations policées font les

maîtreffes du monde, l'or & l'argent augmentent tous les jours, foit qu'elles le tirent de chez elles, foit qu'elles l'aillent chercher là où il eft. Il diminue, au contraire, lorfque les nations barbares prennent le deffus. On fait quelle fut la rareté de ces métaux, lorfque les Goths & les Vandales d'un côté, les Sarrafins & les Tartares de l'autre eurent tout envahi.

CHAPITRE V.
Continuation du même sujet.

L'ARGENT

'ARGENT tiré des mines de l'Amérique,

transporté en Europe, de là encore envoyé en

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