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regret: Fais décréter que je suis boeuf et tu m'assommeras. Revenu bientôt de son trouble extrême, il vient m'assaillir à la tribune avec Chabot, Turreau, Drouet, Robespierre jeune, et d'autres armés de pistolets; il m'applique le sien immédiatement sur la gorge, pour me forcer à descendre; d'autres viennent à mon secours armés aussi de pistolets: parmi ces derniers étaient Biroteau, Defermon, Leclerc de Loir-et-Cher, Lidon, Pénières, Pilastre, etc. Ces derniers me protègent et les autres me saisissent, me poussent, m'injurient et me menacent; je demeure impassiblement cramponné à la tribune; enfin le tumulte s'apaise, tous se retirent, et je recommence à tonner contre l'affreuse théorie des suspects.

Dans une fameuse procession du soir en dehors de la salle, il fut constaté que la commune, son général Henriot et son comité d'étrangers étaient en révolte contre la Convention, et que ceux qui commandaient les troupes la tenaient précisément bloquée, bravaient ses ordres et la menaçaient en face. Alors nombre de députés perdirent courage, surtout quand ils virent des étrangers entrer dans notre salle, quand ils entendirent Couthon proférer cette impudente ironie: Maintenant que vous étes rassurés sur votre liberté, je demande qu'on fasse justice au peuple, qu'on arrête les députés conspirateurs; quand ils virent des insurgés, non députés, siéger dans nos rangs et voter avec le parti factieux, jusqu'alors en minorité habituelle. Presque

tous ceux qu'on appelait girondins avaient jugé à propos de s'absenter. Seul je luttais contre la tempête. A la fin de la séance, Barbaroux et deux ou trois autres ayant paru et parlé, on injuria Barbaroux : c'était le prêtre capucin Chabot qui proférait les paroles outrageuses; je le repris exactement dans ces termes : Je dis au prétre Chabot, on a vu, dans l'antiquité, orner les victimes de fleurs et de bandelettes; mais le prêtre qui les immolait ne les insultait pas..... et je continuai mon discours; je persistais à refuser ma démission, parce que j'étais innocent et que la Convention venait de le décréter itérativement; parce qu'elle n'était pas libre; parce qu'au contraire elle était assiégée et menacée par des troupes d'anarchistes. La Montagne parut hésiter à me mettre en arrestation ; quelques-uns lui faisaient honte de son projet à mon égard, et Chabot dit assez haut, répondant à Legendre Pourquoi Lanjuinais est-il dans la liste? f....., c'est un bon b..... Tel était l'indigne langage des factieux. Alors deux montagnards égarés et que je pourrais nommer, luttèrent contre ceux qui me défendaient, en criant, en hurlant : Lanjuinais catholique..... catholique..... catholique.... Le président, qui favorisait le complot, voyant l'assemblée très-faible et mêlée d'etrangers à la chambre, mit de suite aux voix mon arrestation. Les conjurés députés votèrent avec les étrangers; les autres restèrent assis en grand nombre aux deux épreuves; quelques-uns protestèrent

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302 LE 31 MAI 1793. FRAG. DE M. Le cte LANJUINAIS. contre le défaut de liberté, et la Convention fut non pas dissoute, comme on l'avait projeté à Londres, mais elle fut mutilée de vingt-deux membres, et successivement de cent trente-trois. A cette soirée du 2 juin commença le cours libre des horreurs législatives, administratives et judiciaires qui signalèrent la fatale période de 1793, terminée seulement en 1795, et pendant laquelle les armées, toujours fidèles à la patrie, souvent sans paie, sans vêtemens et sans subsistances, triomphèrent de l'Europe conjurée.

DE LANJUINAIS,

DÉPUTÉ PAR LE DÉPARTEMENT DE L'ILE-ET-VILAINE

A LA CONVENTION NATIONALE,

PRONONCÉ LE DIMANCHE 2 JUIN 1793, ET DÉTAILS TRÈS - CIRCONSTANCIÉS DES FAITS LES PLUS MÉMORABLES DE CETTE JOURNÉE.

D'après la deuxième édition, corrigée et augmentée, publiée comme
la première en juin 1793, par ce même député.

ON délibérait (le 2 juin au soir) sur l'arrestation des 22, en conséquence de la pétition déclarée calomnieuse par décret, et depuis réchauffée par factieux, affamés d'or, de sang et de domination.

des

Ils avaient fait entourer la Convention par une force armée de plus de 100,000 hommes, commandés par le féroce septembriseur Henriot; et les députés qui se présentaient au-dehors de la salle pour les besoins les plus urgens, étaient repoussés avec violence.

Isnard, Fauchet, Lanthenas, Dusaulx, quatre des 22 députés à proscrire, venaient de consentir leur suspension proposée comme moyen conciliatoire, par le trop complaisant Barrère, au nom du comité de salut public. Barbaroux avait seulement annoncé qu'il se soumettrait au décret, s'il était rendu.

Tout au contraire, Lanjuinais, appelé à son

rang de la liste pour se démettre, demanda, par un discours énergique sur les circonstances, la cassation de toutes autorités soi-disant insurgées dans Paris, et de tous leurs actes, avec défenses aux citoyens de les reconnaître, et autorisation de saisir et d'emprisonner tous ceux qui se prétendraient revêtus d'une telle autorité.

« Si j'ai montré, dit-il, jusqu'à présent quelque courage, je l'ai puisé dans l'ardent amour qui m'anime pour la patrie et la liberté. Je serai fidèle à ces mêmes sentimens, je l'espère, jusqu'au dernier souffle de ma vie. Ainsi, n'attendez pas de suspension..... (Interruption.)

» Je dis à mes interrupteurs, et surtout à Chabot qui vient d'injurier Barbaroux: On a vu orner les victimes de fleurs et de bandelettes, mais le prêtre qui les immolait ne les insultait pas.....

>> N'attendez de moi ni démission, ni suspension momentanée; n'attendez aucun sacrifice. Je ne suis pas libre pour en faire, et vous ne l'êtes pas vous-mêmes pour en accepter. La Convention est assiégée de toutes parts par de nombreuses troupes armées; les canons sont dirigés sur elle; des consignes criminelles vous arrêtent malgré vous aux portes de cette salle. On vient de vous insulter, de vous outrager, de vous menacer en vertu d'un édit du comité d'insurrection, de cette autorité rivale et usurpatrice qui prétend détruire la république et notre liberté naissante. Tout-àl'heure on vient de faire charger les fusils contre

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