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POUR LE NEUVIÈME DIMANCHE
APRÈS LA PENTECOTE.

Sur la mort du juste et du pécheur.

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l'idens civitatem, flevit super illam. Jésus, jetant les yeux sur la ville de Jérusalem pleura sur elle. S. Luc, 19.

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Ce n'est pas sur Jérusalem seulement et sur les malheurs affreux qui devoient bientôt arriver à cette ville ingrate et infidèle, que J. C. a versé des larmes, c'est encore sur l'ame du pécheur et sur les maux affreux qu'il se prépare pour l'éternité. Insensible pendant la vie aux tendres invitations de son Sauveur; renouvelant, autant qu'il est en lui, les plaies d'un Dieu qui n'étoit venu que pour le sauver, le pécheur arrive enfin à ce moment fatal où il faut paroître devant son Juge. Le terrible moment pour lui! Oh! que sa mort est affreuse aux yeux de Dieu ! que les suites en sont funestes! Voilà, M. F., voilà ce qui fait couler les larmes de J. C.: Flevit super illam.

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Je viens vous parler de la mort du pécheur et de la mort du juste et vous choisirez entre l'une et l'autre. Ne vous y trompez pas, M. F., on meurt ordinairement comme on a vécu. Si donc la mort du pécheur vous effraie ne vivez , pas dans le pé

pécheurs. Et si vous voulez mourir de la mort des justes, vivez commes les justes.

Mon Dieu, joignez l'onction de votre grâce à mes paroles, afin qu'elles produisent dans tous les cœurs les plus salutaires effets. Et vous, M. F., écoutez-moi, etc..

POUR que le spectacle de la mort que je vais mettre sous vos yeux, fasse plus d'impression sur vos cœurs, imaginez-vous, mon Frère, que vous êtes arrivé à ce dernier

moment. Ce moment arrivera très-certainement, et il n'est peut-être pas bien éloigné. Imaginez-vous donc que vous êtes au lit de la mort; qu'il ne vous reste plus que quelques heures à vivre; que vous éprouvez déjà ce qu'on éprouve dans ce dernier moment, une foiblesse extrême qui ôte presque tout mouvement; une inquiétude mortelle qui ne laisse pas un instant de repos ; une crainte affreuse qui trouble l'esprit; les palpitations fréquentes d'un cœur qui se meurt ; une sueur froide qui se répand par tout le corps, commençant déjà à sentir le cadavre; les joues abattues, le teint livide, les cheveux humides de la sueur de la mort, les yeux enfoncés et affreusement ouverts, commençant à se troubler et à s'éteindre laissant de lumière qu'autant qu'il en faut pour voir l'état pitoyable où l'on est réduit ; déjà abandonné de ce qu'on a de plus cher dans le monde, sur le point de rendre le dernier soupir; dans un instant, cité au tri

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bunal de Dieu, où l'ame seule, sans avocat, sans appui, sans défense accompagnée seulement de ses bonnes ou de ses mauvaises actions, va être jugée irrévocablement; ou appelée à un bonheur qui ne finira jamais, on précipitée dans des feux éternels et incompréhensibles.

Oh! que cette image est effrayante ! Oh! que ce moment est terrible pour le pécheur ! approchez-vous de son lit de mort, M. F.,

et voyez.

Ce pécheur, il n'y a que quelques jours, étoit plein de force et de santé; il ne pensoit qu'à ses plaisirs, ou à amasser du bien, à s'attacher les créatures: et le voilà étendu sur un lit, sans force, dans la nécessité de tout abandonner et d'être abandonné de tout. Que lui sert alors d'avoir joui des plaisirs? Hélas! il est déchiré par le regret de s'y être livré. Que lui sert d'avoir du bien? Ah! ses biens vont lui être enlevés, et il ne lui restera bientôt plus que la pourriture et les vers. Que lui sert d'avoir été aimé, estimé des créatures? Dans peu on ne pensera pas plus à lui, que s'il n'eût jamais été. Ses péchés, sa vie criminelle se présentent à son esprit. Il voit, il craint les jugemens de Dieu qu'il avoit méprisés, ou du moins auxquels il n'avoit pas voulu penser pendant qu'il jouissoit de la santé. Dieu, les hommes, tout, en ce moment, conspire à l'affliger, à l'effrayer. Quelle désolation ne causent pas à ce moribond les yeux pleurans de ceux qui

ceux qui l'approchent, les soupirs d'une femme, d'un mari; les pleurs, les gémissemens de ses enfans, de ses amis ! Mais surtout quels remords, quelle frayeur, au souvenir de ses péchés, à la vue des terribles jugemens de Dieu !

O mort! que ta vue est effrayante ! que tes coups sont terribles! Oui, mes Frères, et ses coups sont inévitables: Elle a le bras levé sur nous; bientôt elle va nous frapper.... En quel état sommes-nous ? Si nous mourions à ce moment, notre état ne seroit-il pas celui du pécheur dont je parle ?

Au milieu de son trouble, de ses agitations, qui pourra consoler ce pécheur? La vue du Ministre de la réconciliation? Ah ! cette vue ne fait qu'augmenter son trouble. Car il lui faut déchargersa conscience de toutes ses iniquités en aura-t-il la force? la maladie lui laissera-t-elle toute la liberté d'esprit nécessaire pour une affaire de cette importance? Hélas! sa raison est affoiblie, la douleur le presse. Il se confesse cependant; mais quelle Confession! Sa bouche prononce les Actes de Contrition que le Confesseur lui suggère; mais son cœur est-il vraiment contrit? Il reçoit les Sacremens; mais les reçoit-il avec les dispositions requises? Il dit d'une voix languissante: Mon Dieu! je vous aime; mais l'aime-t-il véritablement? Et quels sont ses sentimens, lorsque le Prêtre, avant de se retirer, lui présentant un crucifix, lui dit : « Mon cher Frère, Jésus-Christ seul doit être désormais toute votre consolation

et votre refuge. C'est dans ses plaies que vous devez chercher de quoi vous rassurer contre les frayeurs de la mort, de quoi adoucir ses rigueurs et son amertume. Recevez donc, mon cher Frère, cet objet consolant; c'est entre ses bras que je vous laisse.»

Mon Dieu! voilà donc à quoi un mondain se voit réduit à cette dernière heure ! Mais quand on a vécu dans une négligence extrême de son salut, dans une froide indifférence pour Jésus-Christ; quand on a mené une vie molle et dissipée, trouve-t-on beaucoup de consolation, à l'heure de la mort à tenir un crucifix entre ses bras? Ah! si l'on n'a aucune ressemblance avec Jésus crucifié; si l'on a vécu d'une manière toute opposée à sa doctrine ; si l'on n'a été touché ni de ses paroles, ni de ses exemples, quels sentimens peut-on avoir en collant ses lèvres sur cet objet sacré ?

Encore si ce moribond savoit profiter du peu de temps qui lui reste! Mais, hélas ! la frayeur, le trouble où il est, lui laissentils la raison et la liberté nécessaires pour profiter de ce temps?

La mort approche; on espère encore lui donner quelque consolation par les dernières prières de l'Eglise. Mais comment ces prières, si consolantes pour les justes, consoleroientelles une ame qui n'entend pas un mot qui ne lui reproche les désordres de sa vie?

Partez de ce monde, ame chrétienne lui dit-on. Que cet adieu est peu agréable; qu'il est dur à qui a aimé le monde, à qui

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