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et ce peu de paroles renferment des mystères innombrables.

Quoique tout ce qu'il dit des frères de Juda soit exprimé avec une magnificence extraordinaire, et ressente un homme transporté hors de lui-même par l'esprit de Dieu; quand il vient à Juda, il s'élève encore plus haut : <«< Juda, dit-il1, tes frères te loueront; ta main sera sur « le cou de tes ennemis ; les enfants de ton père se pros<< terneront devant toi. Juda est un jeune lion. Mon fils, « tu es allé au butin; tu t'es reposé comme un lion et «< comme une lionne. Qui osera le réveiller? Le sceptre «< (c'est-à-dire l'autorité) ne sortira point de Juda, et on « verra toujours des capitaines et des magistrats, ou des « juges nés de șa race, jusqu'à ce que vienne celui qui << doit être envoyé, et qui sera l'attente des peuples ; » ou, comme porte une autre leçon qui peut-être n'est pas moins ancienne, et qui au fond ne diffère pas de celleci, « jusqu'à ce que vienne celui à qui les choses sont « réservées, » et le reste comme nous venons de le rap

porter.

La suite de la prophétie regarde à la lettre la contrée que la tribu de Juda devait occuper dans la terre sainte. Mais les dernières paroles que nous avons vues, en quelque façon qu'on les veuille prendre, ne signifient autre chose que celui qui devait être l'envoyé de Dieu, le ministre et l'interprète de ses volontés, l'accomplissement de ses promesses, et le roi du nouveau peuple, c'est-àdire le Messie, ou l'Oint du Seigneur.

Jacob n'en parle expressément qu'au seul Juda, dont ce Messie devait naître : il comprend, dans la destinée de Juda seul, la destinée de toute la nation, qui après sa dispersion devait voir les restes des autres tribus réunis sous les étendards de Juda.

Gen., XLIX, 8.

Tous les termes de la prophétie sont clairs: il n'y a que le mot de sceptre que l'usage de notre langue nous pourrait faire prendre pour la seule royauté; au lieu que, dans la langue sainte, il signifie, en général, la puissance, l'autorité, la magistrature. Cet usage du mot de sceptre se trouve à toutes les pages de l'Écriture: il paraît même manifestement dans la prophétie de Jacob, et le patriarche veut dire qu'aux jours du Messie toute autorité cessera dans la maison de Juda; ce qui emporte la ruine totale d'un État.

Ainsi les temps du Messie sont marqués ici par un double changement. Par le premier, le royaume de Juda et du peuple juif est menacé de sa dernière ruine. Par le second, il doit s'élever un nouveau royaume, non pas d'un seul peuple, mais de tous les peuples, dont le Messie doit être le chef et l'espérance.

Dans le style de l'Écriture, le peuple juif est appelé en nombre singulier, et par excellence, le peuple, ou le peuple de Dieu; et quand on trouve les peuples', ceux qui sont exercés dans les Écritures entendent les autres peuples, qu'on voit aussi promis au Messie dans la prophétie de Jacob.

Cette grande prophétie comprend en peu de paroles toute l'histoire du peuple juif, et du Christ qui lui est promis. Elle marque toute la suite du peuple de Dieu, et l'effet en dure encore.

Aussi ne prétends-je pas vous en faire un commentaire : vous n'en aurez pas besoin, puisqu'en remarquant simplement la suite du peuple de Dieu, vous verrez le sens de l'oracle se développer de lui-même, et que les seuls événements en seront les interprètes.

'Is., LXV, etc.; Rom., x, 21.- — 2 Is., II, 2, 3; XLIX, 6, 18; LI, 4, 5, etc.

CHAPITRE III.

Moïse, la loi écrite, et l'introduction du peuple dans la terre promise.

Après la mort de Jacob, le peuple de Dieu demeura en Égypte jusqu'au temps de la mission de Moïse, c'est-à

dire environ deux cents ans.

Ainsi il se passa quatre cent trente ans avant que Dieu donnât à son peuple la terre qu'il lui avait promise.

Il voulait accoutumer ses élus à se fier à sa promesse, assurés qu'elle s'accomplit tôt ou tard, et toujours dans les temps marqués par son éternelle providence.

Les iniquités des Amorrhéens, dont il leur voulait donner et la terre et les dépouilles, n'étaient pas encore, comme il le déclare à Abraham', au comble où il les attendait pour les livrer à la dure et impitoyable vengeance qu'il voulait exercer sur eux par les mains de son peuple élu.

Il fallait donner à ce peuple le temps de se multiplier, afin qu'il fût en état de remplir la terre qui lui était destinée, et de l'occuper par force, en exterminant ses habitants maudits de Dieu.

Il voulait qu'ils éprouvassent en Égypte une dure et insupportable captivité, afin qu'étant délivrés par des prodiges inouïs, ils aimassent leur libérateur, et célébrassent éternellement ses miséricordes.

Voilà l'ordre des conseils de Dieu, tels que lui-même nous les a révélés, pour nous apprendre à le craindre, à l'adorer, à l'aimer, à l'attendre avec foi et patience.

Le temps étant arrivé, il écoute les cris de son peuple cruellement affligé par les Égyptiens, et il envoie Moïse pour délivrer ses enfants de leur tyrannie.

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Il se fait connaître à ce grand homme plus qu'il n'avait jamais fait à aucun homme vivant. Il lui apparaît d'une manière également magnifique et consolante1 : il lui déclare qu'il est celui qui est. Tout ce qui est devant lui n'est qu'une ombre. « Je suis, dit-il, celui qui suis l'être et la perfection m'appartiennent à moi seul. » Il prend un nouveau nom, qui désigne l'être et la vie en lui comme dans leur source; et c'est ce grand nom de Dieu, terrible, mystérieux, incommunicable, sous lequel il veut dorénavant être servi.

2

Je ne vous raconterai pas en particulier les plaies de l'Égypte, ni l'endurcissement de Pharaon, ni le passage de la mer Rouge, ni la fumée, les éclairs, la trompette résonnante, le bruit effroyable qui parut au peuple sur le mont Sinaï. Dieu y gravait de sa main, sur deux tables de pierre, les préceptes fondamentaux de la religion et de la société il dictait le reste à Moïse à haute voix. Pour maintenir cette loi dans sa vigueur, il eut ordre de former une assemblée vénérable de septante conseillers3, qui pouvait être appelée le sénat du peuple de Dieu, et le conseil perpétuel de la nation. Dieu parut publiquement, et fit publier sa loi en sa présence, avec une démonstration étonnante de sa majesté et de sa puissance.

Jusque-là Dieu n'avait rien donné par écrit qui pût servir de règle aux hommes. Les enfants d'Abraham avaient seulement la circoncision, et les cérémonies qui l'accompagnaient, pour marque de l'alliance que Dieu avait contractée avec cette race élue. Ils étaient séparés, par cette marque, des peuples qui adoraient les fausses divinités au reste, ils se conservaient dans l'alliance de Dieu par le souvenir qu'ils avaient des promesses

I Exod., III. 2 Ibid., 14.

3 Ibid., XXIV, et Num., XI.

faites à leurs pères, et ils étaient connus comme un peuple qui servait le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Dieu était si fort oublié, qu'il fallait le discerner par le nom de ceux qui avaient été ses adorateurs, et dont il était aussi le protecteur déclaré.

Il ne voulut point abandonner plus longtemps à la seule mémoire des hommes le mystère de la religion et de son alliance. Il était temps de donner de plus fortes barrières à l'idolâtrie, qui inondait tout le genre humain, et achevait d'y éteindre les restes de la lumière naturelle.

4

L'ignorance et l'aveuglement s'étaient prodigieusement accrus depuis le temps d'Abraham. De son temps, et un peu après, la connaissance de Dieu paraissait encore dans la Palestine et dans l'Égypte. Melchisédech, roi de Salem, était le pontife du Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre2. Abimélech, roi de Gérare, et son successeur de même nom, craignaient Dieu, juraient en son nom, et admiraient sa puissance3. Les menaces de ce grand Dieu étaient redoutées par Pharaon, roi d'Égypte mais, dans le temps de Moïse, ces nations s'étaient perverties. Le vrai Dieu n'était plus connu en Égypte comme le Dieu de tous les peuples de l'univers, mais comme le Dieu des Hébreux. On adorait jusqu'aux bêtes et jusqu'aux reptiles. Tout était dieu, excepté Dieu même; et le monde, que Dieu avait fait pour manifester sa puissance, semblait être devenu un temple d'idoles. Le genre humain s'égara jusqu'à adorer ses vices et ses passions, et il ne faut pas s'en étonner : il n'y avait point de puissance plus inévitable ni plus tyrannique que la leur. L'homme, accoutumé à croire

I VAR. Edition de 1681: Ce grand Dieu ne voulut.

2 Gen., xiv, 18, 19. 3 Ibid., xx1, 22, 23; xxvi, 28, 29.

5

- 4 Ibid.,

-

Xu, 17, 18. Exod., v, 1, 2, 3; IX, 1, etc.

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6 Ibid., VIII,

26.

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