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royaume des Mèdes, si fort augmenté par ses de conquêtes. Ainsi il fut maître paisible de tout Rome, J. C. l'Orient, et fonda le plus grand empire qui eût été dans le monde. Mais ce qu'il faut le plus remarquer pour la suite de nos époques, c'est que ce grand conquérant, dès la première année de son règne, donna son décret pour rétablir le temple de Dieu en Jérusalem, et les Juifs dans la Judée.

Il faut un peu s'arrêter en cet endroit, qui est le plus embrouillé de toute la chronologie ancienne, par la difficulté de concilier l'histoire profane avec l'histoire sainte. Vous aurez sans doute, Monseigneur, déjà remarqué que ce que je raconte de Cyrus est fort différent de ce que vous en avez lu dans Justin; qu'il ne parle point du second royaume des Assyriens, ni de ces fameux rois d'Assyrie et de Babylone, si célèbres dans l'histoire sainte; et qu'enfin mon récit ne s'accorde guère avec ce que nous raconte cet auteur des trois premières monarchies, de celle des Assyriens, finie en la personne de Sardanapale, de celle des Mèdes, finie en la personne d'Astyage, grand-père de Cyrus, et de celle des Perses, commencée par Cyrus et détruite par Alexandre.

Vous pouvez joindre à Justin Diodore avec la plupart des auteurs grecs et latins, dont les écrits nous sont restés, qui racontent ces histoires d'une autre manière que celle que j'ai suivie, comme plus conforme à l'Écriture.

Mais ceux qui s'étonnent de trouver l'histoire profane en quelques endroits peu conforme à l'histoire sainte, devraient remarquer en même

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temps qu'elle s'accorde encore moins avec ellemême. Les Grecs nous ont raconté les actions de Cyrus en plusieurs manières différentes. Hérodote en remarque trois, outre celle qu'il a suivie1, et il ne dit pas qu'elle soit écrite par des auteurs plus anciens ni plus recevables que les autres. Il remarque encore lui-même que la mort de Cyrus est racontée diversement, et qu'il a choisi la manière qui lui a paru la plus vraisemblable, sans l'autoriser davantage. Xénophon, qui a été en Perse au service du jeune Cyrus, frère d'Artaxerxès nommé Mnémon, a pu s'instruire de plus près de la vie et de la mort de l'ancien Cyrus, dans les annales des Perses et dans la tradition de ce pays; et, pour peu qu'on soit instruit de l'antiquité, on n'hésitera pas à préférer, avec saint Jérôme, Xéno phon, un si sage philosophe, aussi bien qu'un si habile capitaine, à Ctésias, auteur fabuleux, que la plupart des Grecs ont copié, comme Justin et les Latins ont fait les Grecs; et plutôt même qu'Hérodote, quoiqu'il soit très-judicieux. Ce qui me détermine à ce choix, c'est que l'histoire de Xénophon, plus suivie et plus vraisemblable en elle-même, a encore cet avantage qu'elle est plus conforme à l'Écriture, qui par son antiquité, et par le rapport des affaires du peuple juif avec celles de l'Orient, mériterait d'être

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Herod., lib. 1, c. 95.

Herod., lib. 1, C. 214. in Dan., cap v, tom. III, col. 1091.

3 Hier.

4 VAR. Page 55, ligne 30 : que j'ai suivie, comme plus conforme.... à Ctésias, etc. Edition de 1681 que j'ai suivie. Pour ce qui regarde Cyrus, les auteurs profanes ne sont point d'accord sur son histoire; mais j'ai cru devoir plutôt suivre Xénophon avec saint Jérôme que Ctésias, etc.

préférée à toutes les histoires grecques, quand d'ailleurs on ne saurait pas qu'elle a été dictée par le Saint-Esprit.

Quant aux trois premières monarchies, ce qu'en ont écrit la plupart des Grecs a paru douteux aux plus sages de la Grèce. Platon fait voir en général, sous le nom des prêtres d'Égypte, *que les Grecs ignoraient profondément les antiquités; et Aristote a rangé parmi les conteurs de fables' ceux qui ont écrit les Assyriaques.

C'est que les Grecs ont écrit tard, et que, voulant divertir par les histoires anciennes la Grèce toujours curieuse, ils les ont composées sur des mémoires confus, qu'ils se sont contentés de mettre dans un ordre agréable, sans se trop soucier de la vérité.

Et certainement la manière dont on arrange ordinairement les trois premières monarchies est visiblement fabuleuse. Car, après qu'on a fait périr sous Sardanapale l'empire des Assyriens, on fait paraître sur le théâtre les Mèdes, et puis les Perses; comme si les Mèdes avaient succédé à toute la puissance des Assyriens, et que les Perses se fussent établis en ruinant les Mèdes.

Mais, au contraire, il paraît certain3 que lorsque Arbace révolta les Mèdes contre Sardanapale, il ne fit que les affranchir, sans leur soumettre l'empire d'Assyrie. Hérodote distingue le temps de leur affranchissement d'avec celui de leur premier roi Déjocès *; et, selon la

Plat. in Tim. 2 Aristot. Polit., lib. v, cap. 10.

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3 VAR. Edition de 1681 : il est certain.

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supputation des plus habiles chronologistes, l'intervalle entre ces deux temps doit avoir été environ de quarante ans. Il est d'ailleurs' constant, par le témoignage uniforme de ce grand historien et de Xénophon, pour ne point ici parler des autres, que, durant les temps qu'on attribue à l'empire des Mèdes, il y avait en Assyrie des rois très-puissants que tout l'Orient redoutait, et dont Cyrus abattit l'empire par la prise de Babylone.

Si donc la plupart des Grees, et les Latins qui les ont suivis, ne parlent point de ces rois babyloniens; s'ils ne donnent aucun rang à ce grand royaume parmi les premières monarchies dont ils racontent la suite; enfin, si nous ne voyons presque rien, dans leurs ouvrages, de ces fameux rois Teglathphalasar, Salmanasar, Sennachérib, Nabuchodonosor, et de tant d'autres si renommés dans l'Écriture et dans les histoires orientales, il le faut attribuer ou à l'ignorance des Grecs, plus éloquents dans leurs narrations que curieux dans leurs recherches, ou à la perte que nous avons faite de ce qu'il y avait de plus recherché et de plus exact dans leurs histoires.

En effet, Hérodote avait promis une histoire particulière des Assyriens, que nous n'avons pas, soit qu'elle ait été perdue, ou qu'il n'ait

I VAR. Page 57, lig. 29: Hérodote... Il est d'ailleurs, etc. Edition de 1681: Hérodote, suivi en cela par les plus habiles chronologistes, fait paraître leur premier roi Déjocès cinquante ans après leur révolte; et il est d'ailleurs, etc.

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Herod., lib. 1; Xenophon., Cyrop. lib. v, vi, etc.
Herod., lib. 1, c. 106, 184.

pas eu le temps de la faire; et on peut croire d'un historien si judicieux qu'il n'y aurait pas oublié les rois du second empire des Assyriens, puisque même Sennachérib, qui en était l'un, se trouve encore nommé, dans les livres que nous avons de ce grand auteur1, comme roi des Assyriens et des Arabes.

Strabon, qui vivait du temps d'Auguste, rapporte' ce que Mégasthène, auteur ancien et voisin des temps d'Alexandre, avait laissé par écrit sur les fameuses conquêtes de Nabuchodonosor, roi des Chaldéens, à qui il fait traverser l'Europe, pénétrer l'Espagne, et porter ses armes jusqu'aux colonnes d'Hercule. Élien nomme Tilgamus, roi d'Assyrie3, c'est-à-dire, sans difficulté, le Tilgath ou le Teglath de l'histoire sainte; et nous avons, dans Ptolomée, un dénombrement des princes qui ont tenu les grands empires, parmi lesquels se voit une longue suite des rois d'Assyrie inconnus aux Grecs, et qu'il est aisé d'accorder avec l'histoire sacrée.

Si je voulais rapporter ce que nous racontent les annales des Syriens, un Bérose, un Abydénus, un Nicolas de Damas, je ferais un trop long discours. Joseph et Eusèbe de Césarée nous ont conservé les précieux fragments de tous ces auteurs, et d'une infinité d'autres qu'on avait entiers de leurs temps, dont le témoignage confirme ce que nous dit l'Écriture

1

Herod., lib. 1, c: 141.

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Strab., lib. xv, init.

3 Ælian., Hist. Anim., lib. xII, c. 21.

4 Joseph., Ant.,

lib. x, c. ult., et lib. x, c. 11; lih. I cont. Apion. Euseb.,

Præp. Evang. lib. 1x.

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