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celui de Quinette et celui de Achin. Des réclamations se sont élevées contre la validité de ce bulletin. Le bureau a décidé que ce bulletin compterait pour M. Quinette. Votre bureau n'a pas cru que ce fût légal, qu'on pût choisir entre deux noms inscrits sur un bulletin.

Le deuxième nom paraît être la signature de l'électeur, ce qui rompt le secret du vote. Toutefois, comme en annulant ce bulletin, M. Quinette réunit encore plus de voix que la majorité voulue, nous vous proposons de valider l'élection et de l'admettre comme député.

(M. Quinette est proclamé député.)

M. le Président. Je donne la parole à M. de Frémicourt, rapporteur du 1er bureau.

ARDÈCHE. (2 collège électoral.)

Sur la proposition de M. de Frémicourt, rapporteur du 1er bureau, la Chambre prononce l'admission de M. Boissy-d'Anglas, réélu par le 2 collège électoral de l'Ardèche.

M. le Président. La parole est à M. le colonel Lamy, au nom du 2o bureau

HAUTE-MARNE. (4° collège.)

M. le colonel Lamy rend compte, au nom du 2 bureau, de l'élection de M. de Beaufort, nommé par le 4 collège électoral de la HauteMarne, en remplacement de M. de Failly démissionnaire.

Les opérations électorales sont validées et l'ajournement prononcé jusqu'à la production des pièces justificatives de l'âge et du cens. M. le Président. M. Démonts a la parole pour une autre vérification de pouvoirs.

LANDES. (1er collège électoral.)

Sur la proposition de M. Démonts, autre rapporteur du 2 bureau, la Chambre prononce l'admission de M. Laurence, réélu par le 1er collège électoral des Landes, à la majorité de 178 voix sur 180 votants.

(MM. Quinette et Boissy-d'Anglas prêtent serment entre les mains de M. le Président.)

(La Chambre donne acte du sermet.)

M. le Président. Voici l'ordre du jour de demain :

A quatre heures, séance publique; communication du gouvernement...

M. Viennet. Ne serait-il pas possible de fixer la séance plus tôt, afin d'avoir le temps de nommer un secrétaire, en remplacement de M. Boissy-d'Anglas, qui a cessé de l'être?

Voix diverses: Cela ne presse pas... Nous ne sommes pas encore assez nombreux.

M. le Président. On pourrait faire cette nomination dans l'intervalle qui s'écoulera pendant la vérification des projets qui nous sont annoncés.

De toutes parts: Oui! oui !

(La séance est levée à trois heures.)

Ordre du jour du mardi 4 août 1835. Séance publique.

Communications du gouvernement.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS

PRÉSIDENCE DE M. DUPIN,

Séance du mardi 4 août 1835.

La séance est ouverte à quatre heures. La Chambre est composée d'environ 280 membres. M. Cunin-Gridaine, l'un des secrétaires, lit le procès-verbal d'hier; la rédaction en est adoptée. (M. le président du conseil et tous les ministres sont présents.)

M. le Président. Je rappelle à la Chambre que les membres de la grande députation devront se réunir à la place de la Bastille à l'heure et au lieu indiqués par le programme.

Quant à la Chambre, c'est-à-dire à tous les membres de la Chambre, excepté ceux de la députation, la réunion aura lieu au palais de la Chambre, dans le salon de la présidence, pour de là, partir en corps et à pied, et se rendre aux Invalides.

Plusieurs voix A quelle heure?

:

M. le Président. Il faut être réunis avant dix heures, afin de partir à dix heures précises, et d'arriver quelques minutes avant le roi.

Après la séance on distribuera les billets qu'on tirera au sort entre les députés pour l'intérieur du dôme des Invalides.

Une voix : Il nous faudra des billets?

M. le Président. Ce ne sont pas des billets pour vous, mais pour d'autres personnes.

M. Laurence, député du 1er collège du département des Landes, admis dans la séance d'hier, prête serment entre les mains de M. le Président. (La Chambre donne acte du serment.)

le Président. M. le président du conseil, ministre des affaires étrangères à la parole pour une communication du gouvernement sur la situation du pays.

M. le due de Broglie, président du conseil, ministre des affaires étrangères. Messieurs, un grand crime a consterné et indigné la France (1); ila jeté une vive et triste lumière sur la situation de la société. Des devoirs impérieux se sont révélés à tous les bons citoyens, à tous les hommes sages, au gouvernement. Nous devons des actions de grâce à la Providence, qui veille sur ce royaume, et qui le sauve en sauvant le roi; nous devons un éclatant témoignage d'admiration et d'amour à ce prince magnanime, véritable père de la patrie nous devons un pieux tribut de regrets et d'hommages à la mémoire de ceux qui sont tombés autour de lui; mais nous devons aussi songer à l'avenir et au pays.

Inquiète pour son roi, pour ses institutions, la France élève la voix, et réclame du pouvoir la protection qu'elle a droit d'en attendre. C'est au nom de la France, Messieurs, que nous vous avons rappelés; c'est pour elle que nous venons vous proposer les mesures qui seules nous semblent propres à la rassurer, et à mettre hors de péril la personne du roi et la constitution de I'Etat.

Le mal n'est pas nouveau; voilà déjà plusieurs années que la funeste industrie des factions

(1) Attentat du 28 juillet 1835 contre le roi et sa famille.

s'applique à corrompre les fruits de la révolution la plus légitime, et remet périodiquement en question la monarchie au moment où elle semble s'affermir, les lois, quand renait leur empire, la prospérité qui se développe, la société qui se rasseoit. La France suit depuis cinq ans une voie de progrès et de dangers tout ensemble jamais avec plus de bien-être elle n'eut plus d'alarmes; jamais tant de jours de guerre au milleu de la paix. Le péril, à peine écarté sous une forme, reparait sous une autre; l'inquietude, à peine calmée, se réveille; et la société, qui veut du bonheur et du repos, qui se sent tous les moyens d'être heureuse et tranquille, est obligée de déployer à toute heure, pour sa sûreté, les forces qu'elle voudrait consacrer à sa richesse et à sa grandeur. La puissance publique triomphe péniblement des luttes auxquelles l'obligent les factions. Vous mêmes, Messieurs, que de temps, que d'efforts, que d'énergie vous a demandés la défense laborieuse de l'ordre! Et cependant l'ordre ne vous paraît pas encore assuré, et cependant il vous reste à tous un fonds d'inquiétude sur l'avenir.

Pour nous, Messieurs, nous croyons fermement à la fortune de la France, au triomphe de notre cause. Les dangers n'ont rien qui nous découragent; ils ne font que nous indiquer la nécessité d'agir et le moyen de les conjurer. Cinq ans d'épreuve ont aguerri nos cœurs et nos convictions; et la France sait maintenant comment un grand peuple domine la révolution qu'il a faite. Quelle que soit l'insolence des partis, quelque dangereux qu'ils soient encore, ils sont vaincus; ils ne nous défient plus, mais ils subsistent; et chaque jour révèle le mal qu'ils font et surtout le mal qu'ils ont fait. Partout se retrouvent les traces désastreuses de leur passage. Il ont jeté dans les esprits un venin qui n'est pas prêt à s'amortir. Les préjugés qu'ils ont répandus, les passions qu'ils ont allumées, les vices qu'ils ont couvés, fermentent; et si dans ce moment le règne de l'émeute a cessé, la révolte morale dure encore. Une exaltation sans but et sans frein, une haine mortelle pour l'ordre social, un désir acharné de le bouleverser à tout prix, une espérance opiniâtre d'y réussir, l'irritation du mauvais succès, l'humiliation implacable de la vanité déçue, la honte de céder, la soif de la vengeance, voilà ce qui reste dans les rangs de ces minorítés séditieuses que la société a vaincues, mais qu'elle n'a pas soumises.

Cette situation se prolongerait, elle s'aggraverait, Messieurs, si nous n'y portions un prompt et efficace remède. Souffrez encore que les factions, non plus par des prises d'armes, non plus même par des menaces, mais par une négation hautaine, attaquent tous les pouvoirs de la société; souffrez qu'elles protestent à la face du jour contre le principe du gouvernement du pays; souffrez qu'elles fassent publiquement acte de fidélité ou d'adhésion à un gouvernement dont elle ne voudra jamais; souffrez ainsi ce que n'a jamais souffert aucun pays libre, et comptez bien que la vie de la société ne sera qu'une longue crise révolutionnaire. L'ordre miné peu à peu tombera par lambeaux; on doutera bientôt qu'il y ait un gouvernement le respect des lois et la crainte qui supplée le respect auront disparu. Grâce à l'effroi des faibles, au dégoût des sages, la société, abandonnée du pouvoir, périra de langueur, ou, n'espérant qu'en sa propre énergie, méprisant à son tour des lois impuissantes à la protéger, fera elle-même ap

pel à la force. Mais auparavant les hommes ardents et pervers auront chaque jour ajouté à l'audace de leurs espérances; ils auront dechaîné dans leurs cœurs toutes ces passions haineuses contre lesquelles les lois sont faites. Bientôt, enivrés des promesses corruptrices des partis, entraînés par leurs exhortations perfides, ils commenteront avec leurs passions des conseils passionnés, et traduiront en crimes de criminels enseignements.

Tels sont les maux qui nous attendraient, Messieurs, si nous ne les étouffions dans leurs germes; ou plutôt ne sommes-nous pas condamnés à dire qu'ils sont déjà en partie réalisés? N'est-il pas vrai que jamais gouvernement n'a été attaqué dans son principe, dans sa forme, dans son chef, avec plus d'acharnement, avec plus d'impunité que le gouvernement de la Charte de 1830? N'est-il pas vrai que le parti de la dynastie déchue ose effrontément revendiquer pour elle la France comme un domaine, et qu'au lieu d'expier son passé d'absolutisme par le respect de l'ordre, il pousse à la contrerévolution par l'anarchie, et se déclare en état de rébellion contre toute puissance dont le titre est national, et qui gouverne la France en France?

N'est-il pas vrai que le parti de la République, encore noirci de la fumée du combat, se maintient l'arme au bras en face du gouvernement qu'il nie et qu'il insulte, et embauche hardiment les citoyens sous le drapeau du pouvoir révolutionnaire dont il salue d'avance l'avènement? Enfin, n'est-ce pas un fait écrit désormais en traits de sang sur le pavé de nos rues que sous le feu de la presse ennemie, sous l'influence de eette explosion continuelle de théories barbares et d'affreuses calomnies, il s'est formé au fond de la société, là où se rencontrent ces passions grossières et ces intelligences violentes qui ne savent ni supporter ni comprendre l'ordre, une milice obscure d'hommes capables de toutes choses, fanatiques et pervers tout ensemble, où tous les partis peuvent chercher des recrues pour la révolte, où le parricide politique trouve des bras prêts et tout armés?

Ce tableau est trop véritable, Messieurs, et ce n'est pas sans douleur que nous le retraçons devant vous. Il nous en coûte de dire tout cela; mais nous parlons devant une nation courageuse, qui, depuis cinq ans, oppose avec une énergie croissante, aux attaques et aux embûches des partis, la puissance de sa raison et de sa volonté. Plus ils ont osé, plus elle a grandi; et nous ne savons pas d'époque où la France ait eu lieu d'être plus fière d'elle-même. Sa sagesse a de quoi confondre les gouvernements les plus habiles.

Assurés de la volonté publique, confiants dans votre haute prudence, nous ne craignons rien, Messieurs. Nous voyons le mal, et nous croyons savoir le remède. Le remède est tout entier dans les principes et les forces du gouvernement constitutionnel. Vous vous rappelez le programme du système de politique que nous nous glorifions de soutenir, la Charte et la paix. » Il est temps de l'accomplir sans réserve.

Par un contraste bien étrange, tandis que le gouvernement s'est attaché scrupuleusement à se maintenir dans le cercle constitutionnel, les partis n'y sont jamais entrés. Invoquant la Charte contre le pouvoir, ils ne l'ont jamais reconnue pour eux. La Charte devrait être la loi commune des partis sous la Restauration

même, elle paraissait l'être. Aujourd'hui, la Charte est le frein du pouvoir et le jouet des factions. Le mépris de la Charte, le néant de la Charte est leur commun mot de ralliement. Défendons-la, Messieurs, rendons-lui ses droits, rétablissons son inviolabilité. Ramener tous les partis à la religion de la Charte, c'est revenir au principe même de notre révolution.

Le but des lois qui vont vous être successivement présentées est de faire rentrer tous les partis dans la Charte, par prudence du moins ou par crainte, si ce n'est par conviction. La Charte établit la liberté politique, mais sous quelle forme ? sous celle de la monarchie constitutionnelle. Tous les partis sont libres dans l'enceinte de la monarchie constitutionnelle. Dès qu'ils en sortent, la liberté ne leur est pas due; ils se mettent eux-mêmes hors de la loi politique; ils ne doivent plus rencontrer que la foi pénale et les pouvoirs qu'elle arme pour sa défense.

La liberté de la presse ne domine pas les autres institutions. Elle est elle-même limitée par la Constitution dont elle fait partie. C'est un principe fondamental de la Charte, c'est-à-dire de la monarchie constitutionnelle, que sa propre inviolabilité; c'est un principe fondamental de la monarchie constitutionnelle, que le monarque est au-dessus de toute atteinte, au-dessus de toute discussion. La monarchie, le roi, sa dynastie sont dans la Charte, et, comme elle, inviolables. Les attaquer, les nier publiquement, c'est un acte de révolte et au milieu des passions qui nous entourent, après les crimes de juin et d'avril, après ceux de novembre 1832 et de juillet 1835, c'est un attentat manifeste à la sûreté de l'Etat.

Telles sont, Messieurs, les idées qui ont présidé au choix des mesures que nous allons vous Soumettre. Ne craignez pas que, pour réprimer les partis, nous les ayons imités, et que, voulant rétablir la sainte autorité de la Charte, nous ne l'ayons pas nous-mêmes respectée. Nous ne vous demandons d'affaiblir aucune garantie, de suspendre aucune liberté. Point de lois d'exception, point de mesures temporaires. Sans doute, les circonstances nous avertissent de nos devoirs et en rendent l'accomplissement plus pressant et plus facile. Mais ce n'est pas pour les circonstances actuelles seulement que sont faites les lois que nous proposons. Elles seront justes, utiles, politiques, tant que la monarchie constitutionnelle sera debout.

Les partis hostiles n'ont, ce me semble, que trois garanties principales à invoquer ; la liberté individuelle, la liberté de la presse et l'ordre constitutionnel des juridictions. Nous respectons ces trois garanties. La liberté individuelle restera telle qu'elle est. Quant à l'ordre des juridictions, nous lisons dans la Charte que les crimes et délits politiques sont jugés par les cours d'assises et, dans certains cas, par la Chambre des pairs. C'est d'après cette règle que nos lois sont conçues, et nous ne demandons aucune jaridiction extraordinaire. Quant à la liberté de la presse, nous la voulons franche et complète, mais constitutionnelle. Nous ne concevons pas de limites à la discussion des actes du gouvernement; nous en concevons, mais uniquement puisées dans un juste sentiment d'égards et de convenance à la discussion de la personne publique des dépositaires et des agents de l'autorité. Nous n'admettons pas la discussion sur le roi, sur la dynastie, sur la monarchie constitution

nelle. La presse, Messieurs, ne saurait avoir plus de droits que cette tribune. Le roi, la dynastie, la monarchie constitutionnelle sont placés dans cette enceinte sous la sauvegarde de vos respects et de votre sévérité vigilante; hors de cette enceinte, ils doivent être placés sous la sauvegarde de peines sévères si celles que le Code pénal a prévues ne suffisent point, il faut en instituer d'autres, que l'humanité ne réprouve pas, mais qui cependant impriment aux criminels un effroi proportionné à la grandeur même du crime. Il faut armer les juridictions régulières qui demeureront chargées de les appliquer, de moyens réguliers eux-mêmes, mais prompts, directs, efficaces, pour atteindre les fins de la justice. Il faut donner sécurité aux magistrats et aux citoyens qui la dispensent; il faut que désormais la révolte, bannie de la place publique, ne trouve plus son refuge dans le sanctuaire des lois avant d'y trouver son châti

ment.

L'esprit des mesures que nous vous annonçons est, vous le voyez, conforme à la politique que nous avons toujours soutenue, à celle qui a prévalu depuis 1830, à celle que vous et vos prédécesseurs avez tant de fois déclarée la seule politique nationale.

Les événements ne font que nous confirmer davantage dans la conviction qu'elle est le salut de la France et l'étoile de la monarchie de 1830. L'abandonner, ce serait tout perdre; l'affaiblir, ce serait chercher des périls. Tant que la confiance du roi nous maintiendra au poste où nous sommes, tant que la vôtre nous rendra possible l'exercice de l'autorité, nous resterons inébranlablement fidèles à des principes tant de fois éprouvés, et nous porterons dans l'accomplissement de nos devoirs toute la fermeté, toute la sévérité que la situation réclame.

En effet, Messieurs, au milieu du grand désordre d'idées, contre l'audace et le cynisme des partis, il faut, non pas des lois terribles, mais des lois fortes, pleinement exécutées. La mollesse, la complaisance du moins, sont permises peut-être au pouvoir absolu; il peut toujours les compenser par l'arbitraire. Mais le pouvoir constitutionnel doit imiter l'impassibilité de la loi. Plus la liberté est grande, moins l'autorité doit fléchir. Le gouvernement avait à cœur de prendre devant vous l'engagement de déployer toute la force que la Constitution lui donne. Il ne faut pas que de timides ménagements enhardissent les mauvais citoyens. Le temps est venu de leur rappeler qu'ils sont une minorité malfaisante et faible, que la générosité de nos institutions protège à la condition qu'ils s'arrêtent devant elles.

Ainsi, Messieurs, nous espérons répondre au vœu éclatant du pays. Partout le sentiment national se déclare; et dans cette Chambre, où nous aimons à l'interroger et à l'entendre, nous avons reconnu qu'il était d'accord avec nos intentions, qu'il nous offrait à la fois un guide et un appui. C'était notre devoir de prendre l'initiative et de rouvrir vos délibérations.

Prononcez, Messieurs; vous avez aussi votre part de responsabilité dans le gouvernement du pays. La protection divine a veillé sur ce trône, qu'illustrent le courage et la sagesse. Votre sagesse et votre courage, en désarmant les factions qui le menacent, achèveront ce que la fortune de la France a commencé.

(Ce discours est suivi de marques nombreuses et très vives d'approbation.)

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(Affaire d'avril 1834.)

le gouvernement conviera la France entière à des réjouissances publiques; la France entière! les uns seront dans l'exil, les autres dans les cachots. Ah! je sais bien un moyen de mettre un terme à ce procès, de réconcilier tous les partis; un moyen de faire de cette fête une fête nationale. Vous le savez mieux que moi. Allez, Messieurs, dans le sein de votre délibération, mais entendez la France qui vous crie: union oubli.

Me MENESTRIER. Pour mes trois accusés, je m'en réfère à votre omnipotence toute nationale; elle ne sera pas sévère, elle marchera dans les voies de la justice, et surtout de la liberté.

L'accusé Carrier. A une époque où le ministère public abandonnait, en quelque sorte, l'accusation à mon égard, je n'attachais pas beaucoup d'importance à la déposition des témoins que j'avais appelés pour éclairer la Cour sur ma conduite à la Croix-Rousse, dans deux circonstances différentes. Le ministère public ayant repris l'accusation contre moi, je voudrais pouvoir faire parvenir à la Cour de nouveaux témoignages.

Me DE BELLEVAL. Dans l'état de choses, la défense ne pourrait parler sur l'application de la peine que dans une hypothèse qu'elle ne peut pas admettre; l'hypothèse d'une déclaration de culpabilité. En supposant, ce que je ne puis admettre, que les faits argués contre l'accusé Genets fussent regardés comme constants, il serait couvert par l'article 100 du Code pénal.

Me CRIVELLI. Aux yeux de la défense, il n'y a parmi les accusés que des innocents et des hommes égarés; aux yeux du ministère public, hors six accusés, il n'y a que des coupables. La Cour appréciera mieux la conduite et les intentions de ceux sur lesquels elle a à prononcer un jugement; elle n'y apportera pas la même sévérité que celle du ministère public.

Quant à nous, Messieurs, comme l'a fort bien dit l'avocat qui a pris la parole avant moi, il nous est impossible de pouvoir parler sur l'application de la peine, lorsque nous ne savons pas quels sont ceux qui seront déclarés coupables. Nous avons la conviction que la question de culpabilité devrait être soumise au jugement de la Cour, avant celle qui a pour objet l'application de la peine. Si elle nous avait designé ceux qu'elle croyait coupables, nous aurions répondu Ce n'est pas ici un tribunal de police correctionnelle, c'est une Haute-Cour, et quoiqu'elle connaisse à la fois et du fait et du droit, elle doit cependant mettre la défense dans la possibilité de déterminer la limite dans laquelle elle doit se circonscrire.

Il y a un fait qui est complexe; si vous détachez de ce fait les circonstances qui l'environnent, il perd bien de sa gravité. Placez-vous donc dans la position où se trouve la défense.

Nous avons tous la conviction que les accusés, ou sont innocents, ou ont été entraînés par un égarement qui provoque l'indulgence, la clémence de la Cour; et nous ne voyons dans aucun de ces cas qu'il y ait lieu à application de peine. M BOUSQUET. Il me semble que le ministère public, en revenant faire des requisitions de peine contre les accusés, que M. le président en nous demandant si nous n'avons à nous expliquer sur la peine, ont implicitement rendu hommage au Code d'instruction criminelle.

Nous ne sommes pas devant une cour d'assises, où la peine n'est requise que lorsque le

(Quarante-deuxième audience.)

jury est rentré avec un verdict de culpabilité. Ici nous ne savons pas s'il y a des coupables, et devant le jury il y a un coupable dès l'instant que les jurés sont rentrés, et ont dit: L'accusé est coupable. C'est un hommage rendu au Code d'instruction criminelle; mais vous avez prouvé vous-mêmes par votre arrêt que vous ne pouviez marcher avec le Code d'instruction criminelle; et aujourd'hui nous venons vous dire: Vous voulez nous faire expliquer comme devant une cour d'assises; vous êtes des juges, vous êtes ensuite des hommes politiques. Sous ce rapport d'hommes politiques, vous aurez à peser l'intérêt politique qui pourra jaillir de la condamnation des hommes que nous avons défendus.

Si nous avions à nous expliquer sur la question d'indulgence, nous vous dirions qu'il n'y a rien d'utile dans la sévérité; l'indulgence est peut-être pour vous, hommes politiques, pour vous, pairs de France, je ne dirai pas un devoir, mais quelque chose qui y touche de bien près. La sévérité n'a jamais ramené des hommes aux gouvernements; et, sous ce rapport, j'ai confiance dans votre justice, et dans les sentiments nobles qui peuvent animer vos cœurs. Je m'en rapporte entièrement à vous.

L'accusé Poulard. Je viens vous adresser quelques paroles, non pas en ma faveur, mais en faveur de mes enfants. Je ne sais pas jusqu'à quel point les preuves produites devant vous établissent que je suis coupable; mais enfin j'ai entendu le réquisitoire de M. l'avocat général, et je suis rangé au nombre de ceux qu'il regarde comme coupables.

Un enfant est venu dire qu'il m'avait vu mettre en joue, je viens vous dire que le fait n'est pas vrai. Cet enfant dit oui, je dis non; il faut un troisième témoin, où est-il? Je ne crois pas qu'on puisse en induire de cette déposition que je suis coupable.

J'ai souri à la Révolution de 1830, j'y suis demeuré fidèle. Dans les événements d'avril, je n'ai pas tiré un coup de fusil je ne me suis servi de cette arme que pour traverser les barricades, je m'en suis même servi pour aller chercher de l'eau; des témoins auraient pu l'attester.

L'accusé Marigné. C'est avec joie que nous avons vu l'accusation abandonnée à l'égard de Corréa et de quelques autres de nos co-accusés; je ne vois pas pourquoi on continue à soutenir l'accusation contre les autres accusés de la même catégorie, après les nombreux témoignages que Vous avez entendus.

Me MENESTRIER. L'accusé Marigné désire vous remettre un certificat.

M. le Président. Déposez-le.

L'accusé Genets. Je n'entrerai pas dans des questions de jurisprudence; je dirai seulement que l'homme que le ministère public n'a pas craint de présenter comme un fauteur de désordres, cet homme montait la garde auprès de votre palais pour assurer la sûreté et l'indépendance de vos délibérations.

Au dehors de cette enceinte, j'ai une femme et un enfant qui attendent que vous les réduisiez au désespoir ou que vous leur rendiez leur unique appui.

M. le Président. Les débats sont fermés, la Cour en délibérera.

(L'audience est levée à six heures quarante minutes et continuée au jour qui sera ultérieu

rement indiqué pour la prononciation de l'arrết.)(1).

CHAMBRE DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE BARON PASQUIER.

Séance du mercredi 29 juillet 1835.

La séance est ouverte à deux heures. M. le président du conseil, les ministres de la marine et de la justice sont présents.

M. le secrétaire archiviste donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 9 juillet, dont la rédaction est adoptée.

M. le garde, des sceaux, ministre secrétaire d'Etat au département de la justice et des cultes, est introduit.

M. le Président. La parole est à M. le garde des sceaux pour une communication.

M. Persil, garde des sceaux, ministre de la justice et des cultes. Messieurs, le roi nous a ordonné d'apporter à la Chambre des pairs et de déposer sur son bureau l'ordonnance dont je vais avoir l'honneur de donner lecture :

ORDONNANCE DU ROI constituant la Chambre des pairs en cour de justice pour procéder au jugement de l'attentat commis le 28 juillet 1835, contre le roi et contre les princes de sa famille. LOUIS-PHILIPPE, roi des Français,

A tous présents et à venir, salut.

Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'Etat au département de la justice et des cultes, Vu l'article 18 de la Charte, qui attribue à la Chambre des pairs la connaissance des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'Etat;

Vu l'article 86 du Code pénal, qui met au nombre des crimes commis contre la sûreté de l'Etat l'attentat ou le complot contre la vie du roi ou la personne des membres de la famille royale;

un

Attendu, que dans le cours de cette journée, attentat a été commis contre notre personne et contre les princes de notre famille;

Que nous avons eu la douleur de voir atteindre par ce crime horrible les meilleurs citoyens, et notamment l'un des plus illustres guerriers dont la France s'honore,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit: Art. 1er. La Chambre des pairs, constituée en cour de justice, procédera, sans délai, au jugement de l'attentat commis cejourd'hui.

Art. 2. Elle se conformera, pour l'instruction, aux formes qui ont été suivies par elle jusqu'à ce jour.

Art. 3. Le sieur Martin (du Nord), membre de la Chambre des députés, notre procureur général près la Cour royale de Paris, remplira les fonctions de notre procureur général près la Cour des pairs.

Il sera assisté du sieur Franck-Carré, notre avocat général près la Cour royale de Paris, qui sera chargé de le remplacer en cas d'absence ou d'empêchement.

Art. 4. Le garde des archives de la Chambre des pairs et son adjoint, rempliront les fonctions de greffier près notre Cour des pairs.

Art. 5. Notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'Etat au département de la justice et des

(1) Cette audience a eu lieu le jeudi 13 août 1835.

cultes, est chargé de l'exécution de la présente ordonnance.

A Paris, le 28 juillet 1835.

LOUIS-PHILIPPE.

Par le roi :

Le garde des sceaux, ministre
de la justice et des cultes,
C. PERSIL.

M. le Président. La Chambre donne acte au ministre du roi de la présentation et de la reImise de l'ordonnance dont elle vient d'entendre la lecture.

La Chambre veut-elle se constituer séance tenante en cour de justice, auquel cas elle pourrait entendre sur-le-champ M. le procureur général? De toutes parts: Oui, oui !

M. le Président. Alors la Chambre va se constituer en chambre de justice.

La séance législative est levée. Huissiers, faites évacuer les tribunes.

(Il est deux heures un quart.)

COUR DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE BARON PASQUIER.

Attentat du 28 juillet 1835.

A trois heures, la Cour des pairs s'est réunie en séance secrète pour délibérer au sujet de l'affaire à laquelle se rapporte l'ordonnance du roi communiquée aujourd'hui à la Chambre en séance publique.

M. MARTIN (du Nord), procureur général du roi près la Cour des pairs, assisté de M. FranckCarré, faisant fonctions d'avocat général, a donné lecture à la Chambre de son réquisitoire, tendant à ce qu'il soit immédiatement procédé à une information sur les faits relatifs à ladite affaire. La Cour, après en avoir délibéré, hors de la présence du procureur général, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

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Vu l'article 28 de la Charte constitutionnelle, « Our le procureur général du roi en ses dires et réquisitions, et après en avoir délibéré,

"Donne acte au dit procureur général du dépôt par lui fait sur le bureau de la Cour d'un réquisitoire renfermant plainte contre les auteurs et complices de l'attentat contre la personne du roi, commis dans la journée d'hier;

« Ordonne que, par M. le président de la Cour, par tels de MM. les pairs qu'il lui plaira commettre pour l'assister et le remplacer en cas d'empêchement, il sera sur-le-champ procédé à l'instruction du procès, pour ladite instruction faite et rapportée, être par le procureur général requis et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra :

« Ordonne que, dans le cours de la dite instruction, les fonctions attribuées à la Chambre du Conseil par l'article 128 du Code d'instruction criminelle seront remplies par M. le président de la Cour, celui de MM. les pairs commis par lui pour faire le rapport, et

MM. le baron Séguier, le comte Siméon, le duc de Bassano, le président Boyer, le baron Thiénard,

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