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(Affaire d'avril 1834.)

Hugon, n'étiez-vous pas membre de comité secret de la Société des Droits de l'homme ?

L'accusé Hugon. Lorsque, quelques jours avant l'ouverture de ce procès, je me constituai volontairement prisonnier avec Albert et Martin, c'était, et personne de bonne foi, je ne dis pas parmi vous, parce que les passions politiques Vous égarent, mais la France ne peut en douter, c'était pour en accepter franchement les débats; mais nous voulions des débats tels que les comprenaient la gravité des faits qui nous étaient imputés, ainsi que le radicalisme de nos opinions et la droiture de nos principes; des débats enfin tels que les veut la justice, non cette justice qui ressort de ces lois presque aussitôt mortes qu'écrites, faites pour un certain temps et seulement pour quelques hommes, invoquées dans un pays, et pour l'observance desquelles on serait puni dans un autre; justice qui, après avoir accusé de complot et réuni sur un seul point des hommes qui étaient séparés par des distances de deux cents lieues, les fait comparaître ensuite à sa barre, et les y entend les uns sans les autres, et à des intervalles de plusieurs mois; qui, les ayant placés sous le poids d'une accusation capitale, non seulement ne fait pas comparaître tous les témoins, mais encore leur refuse la liberté de se faire défendre par ceux-là seuls qui peuvent les comprendre, et dont un procureur général peut bien vanter à l'avance la mansuétude et la clémence future, malgré qu'elle ait des antécédents néfastes présents à la mémoire de

tous.

Mais cette justice véritable dont les lois sont aussi éternelles que le monde, saintes comme nos doctrines, parce qu'elle tend à la fraternité; universelle, parce qu'elle est gravée dans le cœur de tous les hommes, même dans celui des méchants, bien qu'ils ne la pratiquent pas : Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fût fait. Avec elle nous aurions fait jaillir la vérité du sein des ténèbres dont l'accusation l'entoure; nous aurions désigné les pensées qui, profitant de l'exasperation produite par des lois anti-sociales, ont fait éclater la conflagration d'avril, et déchiré le sein de la patrie par les mains de ses enfants; la responsabilité du sang serait retombée sur ceux qui nous accusent. Vous ne l'avez pas voulu parce que vous saviez que nous étions trop bien placés pour le faire. Eh bien, en attendant des temps meilleurs, que, pour aujourd'hui, votre volonté soit faite ! Vous nous avez bâillonnés à moitié, pour que nous ne fassions entendre que des sons mal articulés; nous nous tairons tout à fait, mais nous saurons bien avant peu élever la voix, et la faire entendre forte et véridique à tous.

Je finis; jevous déclare que vous n'êtes pas des juges; et pour l'honneur du parti auquel j'appartiens, et pour le mien, je ne me défendrai pas devant vous.

M. le Président (à l'accusé Ravachol). Accusé Ravachol, n'étiez-vous pas chef de section de la Société des Droits de l'homme?

L'accusé Ravachol. Je ne répondrai à aucune question, que je ne sois assisté de mon conseil, M. Raspail.

M. MARTIN (du Nord) procureur général. Les accusés Martin et Albert ont fait l'observation qu'ils avaient demandé un certain nombre de témoins, et que ces témoins n'ont pas été appelés. A la vérité, une liste de vingt-deux témoins a été

(Vingt-huitième audience.)

envoyée au parquet; on a tout de suite répondu aux accusés que leur demande serait accueillie lorsque l'un de leurs défenseurs serait venu confèrer sur les témoins qui devraient être entendus. Aucun défenseur ne s'est présenté, et les témoins n'ont pas été assignés. Vous savez comment nous nous sommes conduits relativement aux autres accusés, toutes les fois qu'une demande semblable nous a été adressée.

Une autre circonstance a été invoquée, et nous devons y répondre. Ou a prétendu que lors de la suspension des travaux, en février 1834, on avait attendu longtemps pour exercer les poursuites dirigées contre les mutuellistes. C'est là une grave erreur. La suspension a eu lieu le 13 février, la reprise a eu lieu le 20; ces faits ont été dénoncés au procureur du roi, le 22, par un rapport qui lui fut adressé par M. le maire de Lyon. Dès le 22, l'instruction a commencé par le réquisitoire de M. le procureur du roi; l'affaire s'est suivie comme elle devait se suivre, les témoins ont été entendus; l'audition a été terminée le 14 du mois de mars, et le procureur du roi a fait son réquisitoire définitif.

Il n'y a donc aucun reproche à adresser à M. le procureur du roi.

Maintenant, puisque les accusés ne croient pas devoir répondre aux questions, nous demanderons à M. le président qu'il veuille bien ordonner la lecture de l'un des interrogatoires des accusés; je dis l'un des interrogatoires, parce que les questions sont les mêmes relativement aux accusés qui sont inculpés comme membres de la Société des Droits de l'homme, et que ces questions mentionnent toutes les charges qui pourraient exister contre ces accusés. Nous croyons que ce préliminaire est indispensable pour que l'audition des témoins produise ses fruits, et que les circonstances qui résulteront de ces mêmes dépositions soient bien comprises et appréciées par les magistrats qui les entendront.

L'Accusé Albert. D'après les renseignements qui m'ont été donnés, et que j'ai écrits relativement à la mise en accusation des mutuellistes, les travaux avaient été suspendus le 15 et repris le 20. Les premiers actes de comparution adressés aux accusés furent lancés seulement le 5 mars. A partir de cette époque, les poursuites furent suspendues et reprises seulement vers le 20, et ce ne fut que le 4 avril que les mutuellistes furent prévenus que les débats commenceraient

le 9.

M MARTIN (du Nord), procureur général. C'est

une erreur.

L'accusé Martin. C'est un fait qui sera établi. Nous avons présenté une liste de vingt-deux témoins qui sont essentiels à notre défense. Des faits qui remontent à plus d'une année nous sont reprochés; nous avons besoin d'un ceriain nombre de personnes qui puissent venir dire la vérité sur ces faits.

La liste de ces témoins a été formée à l'époque où nous nous sommes constitués prisonniers. Nous savions comment le ministère public avait procédé vis-à-vis de nos camarades; nous savions qu'à tel qui avait demandé trois témoins on en avait refusé un.

Nous n'avions pas à venir discuter l'appel des témoins, nous les demandions tous, ils devaient tous nous être accordés. Qu'on dise maintenant que c'est notre faute, s'ils ne sont pas assignés;

(Affaire d'avril 1834.)

il n'en est pas moins vrai qu'ils ne sont pas présents. C'est encore une circonstance qui nous empêcherait d'accepter les débats. Mais il n'y a pas de notre faute, la faute est au ministère public qui n'a pas voulu les appeler.

Me MARTIN (du Nord) procureur général. L'accusé se trompe sur les droits des accusés et les obligations du ministère public. Les accusés ont le droit de demander au ministère public l'audition de tel ou tel témoin, le ministère public peut d'après les circonstances, accueillir ou ne pas accueillir la demande. Le ministère public a prouvé combien il voulait préparer et faciliter la défense des accusés, puisque pour Lyon seulement plus de 160 témoins demandés par les accusés ont été assignés à notre requête.

Puisque c'est un droit dont le ministère public peut user, il était bien naturel d'entendre les accusés donner les motifs pour lesquels les témoins doivent être entendus. C'est une obligation à laquelle se sont soumis tous les accusés.

Les membres du comité auraient dû suivre la même marche que leurs camarades; on aurait assigné les témoins indiqués par eux, pour peu qu'il eût paru que des témoins étaient utiles à la défense; mais ils n'ont pas répondu à notre invitation, et de là pas d'assignation.

L'accusé Martin. Nous pourrions citer un grand nombre de nos camarades qui ont donné des raisons pour qu'on fit appeler des témoins qu'ils désignalent, et auxquels on a refusé ces témoins.

L'accusé Baune. Deux témoins étaient nécessaires à ma défense, ils pouvaient prouver mon innocence; on me les a refusés, parce qu'ils étaient membres de la Société des Droits de l'homme; comme si cette qualité les mettait pour ainsi dire hors du droit commun.

L'accusé Martin. Il fallait nous faire juger à Lyon, au milieu des citoyens qui ont vu les événements; nous aurions eu un nombre plus considérable de témoins, et la vérité eût pu ressortir beaucoup mieux. Nous n'avons pas voulu contribuer à la ruine d'hommes qui seraient obligés de quitter leurs affaires pour venir vous apporter leur témoignage.

M. le Président. Vous dites que vous eussiez préféré être jugé immédiatement dans la ville de Lyon, au milieu des scènes qui avaient ensanglanté cette ville. Nous nous souvenons qu'à une autre époque et dans un cas pareil, les accusés ont instamment demandé qu'on les jugeât dans une autre localité. Je ne prétends nullement vous faire un reproche de cette espèce de regret que vous éprouvez de n'être pas jugé sur le lieu où s'est commis le crime dont vous êtes accusé; je vous fais seulement cette observation pour vous faire remarquer qu'en vous envoyant devant la Cour suprême devant laquelle vous vous trouvez, devant un tribunal placé si loin du théâtre des attentats qui sont poursuivis, et placé au-dessus de toutes les passions qui pouvaient environner ces attentats, le pouvoir, la justice n'a rien manifesté en cela qui fùt contraire aux intérêts des accusés, et surtout rien qui put contribuer à leur ôter les moyens de faire connaître la vérité.

Au surplus, je me prêterai à réparer les torts qu'ont eus les accusés de ne pas répondre à Finvitation de M. le procureur général, lorsqu'il leur a demandé d'envoyer leurs défenseurs pour. examiner avec lui la liste des témoins par eux

(Vingt-huitième audience.)

indiqués, comme cela avait été fait pour les autres accusés. Donnez-moi la liste des témoins que vous désirez faire entendre, et en vertu de mon pouvoir discrétionnaire je les ferai appeler.

L'accusé Albert. Notre liste a été présentée à temps; ce ne fut que quatre ou cinq jours après que M. Chegaray nous invita à envoyer nos défenseurs pour s'entendre avec lui. Si l'on n'a pas donné suite à notre demande, c'est qu'il se trouvait plusieurs témoins dont les dépositions eussent été fâcheuse à quelques-uns de Messieurs du parquet.

M. le président vient de parler d'une circonstance dans laquelle des accusés demandèrent que leur procès fût jugé ailleurs; j'ignore à quel fait ces paroles se rapportent. Ce que nous savons, c'est que nous étions tellement sûrs de nos moyens de défense, que nous n'aurions pas mieux demandé que d'être jugés au milieu de la société lyonnaise.

M. le Président. Dans tous les cas, vous ne pouvez ignorer que les accusés ont toujours le droit de faire assigner en leur nom les témoins dont l'audition leur paraît utile; au surplus, je le répète, je ne me refuse pas à faire appeler ces témoins, en vertu de mon pouvoir discrétionnaire.

L'accusé Martin. Il est trop tard, nous n'acceptons pas les débats; il serait inutile de ruiner ces témoins.

M. le Président. Accusés Albert, Baune, Hugon, Ravachol, voulez-vous qu'on appelle les témoins?

(Les quatre accusés déclarent que cela est inutile, qu'ils n'acceptent pas les débats.)

L'accusé Hugon. Notre présence est inutile ici; nous y sommes par la contrainte, que cette contrainte cesse.

M. le Président. Vous resterez ici comme vous y êtes, par la contrainte.

M. MARTIN (du Nord), procureur général. Monsieur le président veut-il faire donner lecture de l'un des interrogatoires?

M. le Président. On va donner cette lecture. M. CAUCHY, greffier en chef, lit l'interrogatoire suivant, qui est celui de l'accusé Martin devant M. le comte de Portalis.

"D. Avez-vous fait partie de la Société des Droits de l'homme de Lyon, depuis son organisation?

R. Elle était fondée depuis huit jours environ, lorsque j'y suis entré en octobre 1833. «D. A cette époque, Cavaignac n'était-il pas venu à Lyon, dans le but d'organiser cette société?

« R. Cavaignac est venu en juillet, il est tout à fait étranger à l'établissement de la société. «D. Il résulte cependant d'une lettre saisie chez le sieur Carrel, à Paris, et signée Petetin, que, lors du voyage de Cavaignac à Lyon, il y a établi un comité n'étiez-vous pas membre de ce comité?

«R. C'est à M. Petetin à répondre à cette question. Je ne faisais partie, à cette époque, que du comité pour la liberté de la presse, association dont les membres étaient connus.

D. Quand avez-vous été élu membre du comité des Droits de l'homme, à Lyon? «R. A la fin d'octobre 1833.

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R. Je vous représente une lettre datée de Lyon le 20 décembre 1833, commençant par ces mots :

(Affaire d'avril 1834.)

Citoyens, trois mois, finissant par les signatures Baune, Bertholon, Martin et Hugon. Il résulte de la première ligne que vous étiez, depuis environ trois mois, à la tête de la Société de Lyon; cette date paraît répondre à celle de la lettre de Petetin; il semble résulter de ce rapprochement qu'il y a identité entre le comité dont parle cette lettre et celui de la Société des Droits de l'homme.

R. Je m'en réfère à ma réponse sur mon entrée dans la Société et sur l'organisation de la Société des Droits de l'homme de Lyon.

་་

D. Le comité central de la Société de Lyon était-il affilié au comité central de la Société de Paris?

« R. Le comité de Lyon n'a jamais eu que des rapports d'amitié avec des membres du comité de Paris.

"D. Je vous représente une lettre datée du 6 décembre 1833, et imprimée, émanée du comité central de la Société des Droits de l'homme de Paris. Cette lettre, signée Cavaignac, président, et Avril, secrétaire, contient un passage où il est dit que la Société du Rhône s'est réunie à la Société parisienne des Droits de l'homme, en a adopté le règlement et le titre, et s'est affiliée à la direction de son comité central: ces termes ne semblent-ils pas indiquer des liens plus intimes que ceux dont vous venez de parler? « R. Je ne connais pas cette pièce; Cavaignac, s'il l'a écrite, répondra sur ses expressions; dès à présent, je dois dire que la Société de Lyon avait le titre qui lui est resté avant la Société de Paris.

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D. La pièce du 20 décembre 1833, que je viens de vous représenter, indique une réunion des sections de la Société; à l'effet, y est-il dit, de constituer l'association sur des bases militaires. L'objet de cette réunion n'était-il pas de modeler l'association sur celle de Paris, et de les lier toutes deux plus étroitement?

«R. Ce ne furent pas ces causes qui déterminèrent la réunion du 25 décembre; on fit, à peu près à cette époque, une rectification au premier règlement; mais ce ne fut pas le règlement de la Société de Paris qui en donna l'idée, car il me semble me souvenir qu'on ne connut ce dernier à Lyon qu'en 1834.

"

D. Dans cette réunion, ne procéda-t-on pas à l'élection des membres du comité?

« R. Oui, Monsieur.

"D. Le préambule du règlement, adopté par l'association de Lyon, déclare qu'elle prend pour point de départ la Déclaration des droits de l'homme présentée à la Convention en 1793; les principes de cette déclaration étant incompatibles avec une Constitution monarchique, comment la Société entendait-elle procéder pour les faire prévaloir?

« R. Par la simple propagation de ses idées.

« D. L'organisation de la Société avait cependant une apparence militaire, elle était divisée en sections, dirigée par des chefs, des sous-chefs, des quinturions; cette manière de distribuer les hommes semble indiquer qu'elle était destinée autant à l'action qu'à la propagande.

«R. Il n'a jamais été question d'organisation militaire dans la Société; le chef de section présidait les séances; en son absence, il était remplacé par le sous-chef; les deuxième et troisième quinturions n'avaient pour mission que d'aider le secrétaire dans les convocations, qui étaient toujours verbales.

«D. Il résulte de l'article 26 de ce règlement,

(Vingt-huiième audience.)

que le comité pouvait agir et publier au nom de cette Société; comme membre du comité, avezvous pris part à des publications faites en son nom?

"R. Oui, Monsieur, la responsabilité des publications reconnues par le comité est acceptée par moi.

u

« D. Les écrits dont le comité a ordonné la publication n'étaient-ils pas pour la plupart émanés du comité de Paris?

R. Les poursuites auxquelles la publication populaire des écrits fut soumise par le parquet de Lyon nous contraignirent à ne faire que des réimpressions; les pièces originales venaient tantôt d'une ville, tantôt d'une autre, sans distinction d'auteurs.

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« D. Le comité n'a-t-il pas, dans les mois de décembre 1833, janvier et février 1834, fait vendre par des crieurs publics des imprimés et des pamphlets?

a R. Ce n'est que dans la seconde quinzaine de janvier que le comité de Lyon a pris pour son compte la direction de la vente de quelques écrits.

« D. Deux membres du comité ne se sont-ils pas eux-mêmes rendus crieurs publics pour ces distributions.

« R. Oui, Monsieur; ils l'ont fait pour arriver à vaincre plus sûrement la résistance illégale du pouvoir; s'il m'en souvient bien, ils n'ont vendu qu'une fois.

« D. Les brochures que l'on criait et vendait ainsi n'avaient-elles pas pour objet d'exciter au renversement du gouvernement?

« R. Non, Monsieur, leur but utile, suivant nous, était simplement d'instruire le peuple.

D. Je vous présente divers écrits intitulés : 1° Extrait du catéchisme républicain; 2° Discours du citoyen Desjardins sur la misère du peuple; 3° Publication républicaine à un sou; 4o La République, l'Empire, la Restauration;5° Réflexions d'un ouvrier tailleur sur la misère des ouvriers; 6o Réponse aux détracteurs du peuple; tous ces écrits imprimés à Lyon, chez Perret. Est-il à votre connaissance qu'ils aient été réimprimés à Lyon par ordre du comité?

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R. Ce sont des réimpressions faites la plupart par le comité. «D. Etes-vous l'auteur du catéchisme républicain?

« R. Oui, Monsieur; les articles qui le composent furent publiés dans la Glaneuse de Lyon, puis réunis en une brochure qui parut au mois de septembre 1833; je m'en déclarai alors l'auteur par une lettre adressée à M. le préfet du Rhône, et qui lui fut remise, en même temps que la déclaration de l'imprimeur; au mois de février 1834, je renouvelai cette déclaration devant M. Populus, juge d'instruction à Lyon; les deux chapitres publiés pour être vendus dans les rues avaient été imprimés dans la Glaneuse, et sont aussi compris dans ma brochure.

« D. Avez-vous fait publier les écrits imprimés dans les annexes du rapport fait à la Cour des pairs, et qui y sont insérés sous les numéros 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72 et 73, et que je vous repré

sente?

R. Le numéro 67 indique une publication qui n'a pas été faite par le comité de la Société des droits de l'homme; ce comité a fait réimprimer des écrits ayant les mêmes titres que ceux indiqués sous les numéros 66, 68, 69, 70, 71, 72 et 73, mais tous n'ont pas été vendus; il

(Affaire d'avril 1834.) en est qui l'ont été plus tard, mais sans sa participation.

D. Je vous représente une lettre saisie à Paris, et portant le numéro 263, deuxième liasse, revêtue de votre signature et datée du 23 novembre 1833; elle indique des relations établies entre l'association lyonnaise et l'association parisienne; il semble en résulter que l'association lyonnaise avait l'intention de reproduire ou de répandre des publications émanées de la Société des droits de l'homme de Paris.

R. L'association dont il est question dans le premier paragraphe de cette lettre est celle de fa liberté de la presse, dont j'étais en effet secrétaire; cette lettre était adressée à M. Marchais, comme secrétaire de la même société établie à Paris, société tout à fait distincte de celle des Droits de l'homme; M. Marchais n'était pris en cela que pour un intermédiaire obligeant entre le comité de Lyon et les libraires de Paris.

D. Est-il à votre connaisance que le comité ait fait imprimer et distribuer à Lyon la Déclaration des Droits de l'homme de 1793?

R. Non, Monsieur.

"D. Les membres du comité de la Société des droits de l'homme de Lyon n'étaient-ils pas en même temps rédacteur de la Glaneuse?

R. Non, Monsieur, j'étais un des rédacteurs de la Glaneuse.

• D. Etes-vous l'auteur des six articles de la Glaneuse, qui ont été incriminés par le ministère public, et qui sont à la date des 5 septembre 1833, 3 janvier, 4 et 11 février, 6 et 9 mars 1834?

R. La Cour, en renvoyant de l'accusation le gérant signataire des feuilles qui contiennent les articles, m'a semblé renoncer à toutes poursuites à leur sujet; s'il en était autrement, je m'expliquerai à l'audience.

Le comité central de Lyon n'a-t-il pas cherché à former des affiliations dans les départements de l'Ain, de la Drôme et de la Loire?

R. Si des sociétés se sont établies dans ces départements, le comité de Lyon est demeuré etranger à leur organisation.

.D. A la fin de décembre 1833, Beaune n'a-t-il pas fait un voyage à Valence et à Romans, dans ce but?

R. Le comité n'a pris aucune part à la détermination par suite de laquelle ce voyage été entrepris par Beaune; je crois savoir que le motif de sa présence dans le département de la Drôme avait pour cause des affaires privées.

D. Le comité de Lyon ne correspondait-il pas avec Caussidière, à Saint-Etienne? . R. Non, Monsieur.

.D. Le numéro du 2 février 1834 du journal la Glaneuse contient une protestation contre la loi sur les crieurs publics, cette protestation n'est-elle pas l'œuvre du comité?

R. Non, Monsieur; l'auteur a toujours été etranger à la Société des Droits de l'homme de Lyon.

D. Je vous représente une lettre datée du 30 janvier 1834, portant votre signature, adressée à M. Marrast, rédacteur en chef de la Tribune à Paris, signée: Pour les rédacteurs de la Glaneuse, membres du comité central lyonnais de la Société des Droits de l'homme. » Par cette lettre, vous envoyiez à Paris, pour y être publiée, la protestation dont je viens de vous parler; n'est-on pas en droit d'en conclure que c'était au nom du comité, dont elle était l'ouvrage, que vous en provoquiez l'insertion?

(Vingt-huitième audience.)

<< R. Plusieurs passages de ma lettre établissent le contraire; si je l'ai écrite, c'est que pressé par le temps, on n'a pu la faire faire par un autre; mais elle n'est, de ma part, qu'un acte de bonne volonté, comme rédacteur de la Glaneuse.

"D. Le comité central de la Société des Droits de l'homme de Lyon n'a-t-il pas pris une part active à la crise industrielle qui s'est manifestée au mois de février?

«R. En février 1835, le comité de Lyon a résisté aux excitations tentées contre la Société qu'il dirigeait; ses membres ont été assez heureux pour y réussir, et ce à leurs périls et risques; au reste, ce n'était pas seulement vis-à-vis de la Société des Droits de l'homme que les provocations d'hommes qui seront démasqués étaient employées; c'était contre toute la population ouvrière.

"D. Cependant il s'est trouvé deux ordres du jour de la Société des Mutuellistes, que je vous représente, des 15 et 17 février 1834, desquels on peut induire que la Société des droits de l'homme n'était pas étrangère, au moins par ses publications, aux manoeuvres employées pour soulever les ouvriers.

« R. La crise était tout industrielle, le comité de la Société des Droits de l'homme n'a pris, dans les faits de ces journées, que la part indiquée dans ma précédente réponse; si des écrits ont été distribués dans les loges mutuellistes, le comité est demeuré tout à fait étranger à cette distribution je le répète, nous n'avons pas cherché à soulever, nous ne nous sommes occupés qu'à pacifier.

"

D. Une lettre signée Marat (de l'Ardèche) a été saisie chez Caussidière; elle est datée de Lyon, le 17 février 1834, et semble indiquer que Baune et les amis de la Glaneuse prenaient une part active aux troubles de cette époque, et envoyaient des émissaires au dehors pour les favoriser.

«R. J'ignore quel est l'auteur de cette lettre; tous les faits qu'elle contient, en ce qui concerne notre comité et les rédacteurs de la Glaneuse, sont controuvés.

« D. Je vous représente une autre lettre également saisie chez Caussidière, et signée Nivose, reconnue par Tiphaine, de laquelle il résulterait que les sections de la Société des Droits de l'homme étaient prêtes à agir, et qu'elles attendaient l'ordre du comité.

«R. Je ferai observer que Tiphaine, auquel cette lettre semble être attribuée, ne faisait pas partie de la Société des Droits de l'homme. J'ignore de quelle action l'auteur de la lettre a voulu parler; je m'en réfère, d'ailleurs, à mes réponses précédentes.

D. Le numéro de la Glaneuse du 23 mars 1834 renferme une protestation contre la loi sur les associations; cette protestation paraît rédigée par le comité central; elle est signée de vous; on peut conclure de ses termes que la Société avait résolu de résister à l'exécution de la loi, même par la violence.

« R. Comme un bon nombre de députés et de citoyens, je voulais résister à la loi sur les associations, parce que j'adoptais les motifs de la protestation; mais il y a plusieurs modes de résistance; il y en a de très constitutionnels; je ne sais lequel j'aurais adopté.

« D. La Société des Droits de l'homme n'avaitelle pas des rapports intimes avec la Société des Mutuellistes ?

« R. Aucun.

(Affaire d'avril 1834.)

« D. Il résulte de l'instruction, qu'à la fin du mois de mars 1834, il fut formé à Lyon un comité d'ensemble dans le but de donner une impulsion commune aux associations politiques et industrielles; avez-vous concouru à la formation de ce comité, ou en avez-vous fait partie? « R. Non, Monsieur.

« D. Je vous représente une lettre signée Cavagnac et Astruc, datée de Paris, le 20 mars 1834, et qui contient des instructions aux comités des départements sur la manière d'agir à l'instant de la lutte, qui parait très rapprochée, à l'occa sion de la loi sur les associations, et dans laquelle on conseille à ces comités de prendre ou de se faire accorder un pouvoir discrétionnaire. Le comité de Lyon n'a-t-il pas reçu un exemplaire de cette lettre, et n'a-t-il pas pris des mesures en conséquence?

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R. Je ne connais pas cette lettre; aucune mesure qui puisse se référer à la question n'a été prise par le comité.

"

« D. Je vous présente une autre lettre, datée du 15 germinal an XLII (4 avril 1834); elle porte votre signature et celle des autres membres du comité central de Lyon: la reconnaissez-vous ? R. Oui, Monsieur.

« D. Dans quel but a-t-elle été écrite?

« R. Le but y est indiqué; j'ajouterai qu'à cette époque, des hommes qui seront démasqués jetaient le trouble dans l'association, et que le comité, dont je faisais partie, a voulu uniquement, en donnant sa démission, détruite l'ínfluence d'agents provocateurs qui existaient dans la Société.

« Cette circulaire prescrivait une réunion de toutes les sections pour le 6 avril; cette réunion a-t-elle eu lieu ?

« R. Qui, Monsieur; chaque section s'est réunie ce jour-là séparément, conformément à la circulaire.

« D. Les sections ont elles été convoquées de nouveau pour le lundi 7?

"R. Non, Monsieur.

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« D. Etes-vous l'auteur de cette circulaire? « R. Les membres du comité s'expliqueront à l'audience.

« D. Les meubres de la Société des Droits de l'homme qui se sont joints aux ouvriers le 6 au soir, lors de la cérémonie funèbre qui a occasionné un grand rassemblement, y étaient-ils par ordre du comité et pour fraterniser avec les mutuellistes?

«R. S'il y avait à ce convoi des membres de notre Société, ce n'était pas le comité qui les y avait envoyés.

D. Les chefs de section de la Société des Droits de l'homme ne se sont-ils pas réunis le 7 (lundi), sous la présidence du comité, et dans quel but ?

R. Cette réunion a eu lieu; son but était de constater le résultat des élections de la veille; je n'y assistais pas.

« D. Fùtes-vous réélu à cette époque ?

་་

« R. Je n'assistais pas à la séance, et n'en connais pas le résultat.

«D. Le lendemain, mardi 8, les chefs de section ne se sont-ils pas réunis de nouveau, et n'ont-ils pas reçu du comité l'ordre de tenir leurs

(Vingt-huitième audience.)

sections en permanence, à dater du mercredi 9, huit heures du matin ? N'ont-ils pas eux-mêmes été convoqués pour la même heure au cabaret de Ravachol?

« R. Non, Monsieur; aucune réunion n'a eu lieu.

« D. Le 9, au matin, les sections n'ont-elles pas reçu l'ordre de se rendre sur les places de la Préfecture, des Terreaux et de Saint-Jean, et de se préparer au combat?

R. Je ne rejette la responsabilité d'aucune des mesures prises par le comité; mais j'ignore tout à fait les circonstances que vous venez de m'indiquer.

« D. Le comité n'a-t-il pas donné le mot d'ordre: association, résistance, courage?

« R. Oui, Monsieur; il était dans les habitudes de l'association d'avoir un mot d'ordre que le comité changeait à sa volonté.

« D. Le comité s'est-il concerté avec les chefs de l'association Mutuelliste pour donner ce mot d'ordre ?

<< R. Comme la réponse à cette question a trait à l'accusation portée contre des personnes étrangères même à la Société des Droits de l'homme, je m'expliquerai à l'audience.

"

D. Avez-vous connaissance que deux imprimés, l'un intitulé Revue militaire, et l'autre commençant par ces mots: Citoyens, l'audace, et finissant par ceux-ci: première des nations 8 avril 1834, aient été imprimés et distribués par ordre du comité, soit aux soldats, soit aux sectionnaires, soit au public?

« D. Je reconnais le second de ces écrits quia dû être distribué seulement aux sectionnaires; mais je n'assistais pas à la distribution; j'étais, dans le moment où elle a dù avoir lieu, occupé à travailler dans mon étude, d'où je ne suis sorti qu'après les premiers coups de fusil, tirés dans le quartier Saint Jean, ainsi que je l'établirai si je le crois utile, dans l'intérêt général des accusés. Quant à l'écrit intitulé Revue militaire, on n'a pu en distribuer le 9 avril, l'édition précédemment imprimée par ordre du comité devant probablement être épuisée à cette époque.

"D. Avez-vous connaissance qu'il y ait eu une réimpression clandestine de la Revue militaire, par ordre du comité?

« R. Non, Monsieur.

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Je vous représente une minute de lettre saisie chez Perret (cotée 56), qui semble être un modèle de celle écrite par Sylvain Court au procureur du roi, pour revendiquer la responsabilité de la Revue militaire, que Perret avait déclaré avoir imprimé par votre ordre; reconnaissez-vous cette pièce pour être de votre main?

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R. Le comité entier accepte la responsabilité de cet écrit; s'il est besoin d'autres explications, je les donnerai à l'audience.

«D. Je vous représente l'original de la protestation de la Société des Droits de l'homme contre la loi sur les associations; vous en êtes le premier signataire; est-il de votre main (pièce 11)? « R. Oui, Monsieur.

D. Lors de la perquisition faite à votre domicile, ou a saisi un couteau-poignard; est-ce comme membre de la Société des Droits de l'homme que vous en étiez possesseur?

«R. Ce couteau ne m'appartenait pas; d'ailleurs, mon frère est marchand coutelier; c'est probablement lui qui l'avait déposé, comme marchandise, dans un tiroir.

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