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hibitifs. Il y en a d'autres qui sont tout ensemble un obstacle à la célébration et une cause d'annulation: de lå on les appelle dirimants.

§ I. De la parenté et de l'alliance.

No 1. PRINCIPES GÉNÉRAUX.

347. La parenté est un lien qui unit deux personnes par des rapports dérivant de la nature ou de la loi. On la divise en naturelle, civile et mixte.

La parenté naturelle unit les enfants naturels et leurs descendants à leurs père et mère. En règle générale, cette parenté ne s'étend pas aux parents des pêre et mère. La loi fait exception à ce principe en matière de mariage, pour des motifs d'honnêteté et de moralité publiques. La parenté naturelle est simple quand elle dérive du commerce de deux personnes qui pourraient se marier; elle est adultérine quand elle dérive du commerce de deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens d'un mariage antérieur; elle est incestueuse quand elle résulte du commerce entre deux personnes qui ne pourraient se marier parce qu'elles sont parentes ou alliées au degré prohibé par la loi.

La parenté civile résulte de l'adoption, elle est l'ouvrage de la loi seule; elle a lieu entre l'adoptant, l'adopté et les descendants de celui-ci; elle ne s'étend pas aux parents de l'adoptant.

La parenté mixte est tout ensemble naturelle et civile, on l'appelle aussi légitime parce qu'elle naît du mariage; elle existe entre les enfants, leurs père et mère et tous les parents de ces derniers.

348. La parenté n'est un empêchement au mariage que jusqu'à un certain degré, quand il s'agit de parents collatéraux; tandis qu'elle est un empêchement pour tous les parents en ligne directe. De là la nécessité de distinguer les degrés et les lignes. Le code lui-même définit les degrés, les lignes et la manière de compter les degrés en ligne directe et en ligne collatérale. Nous renvoyons aux articles 735-738. C'est au titre des Successions que nous

examinerons les difficultés auxquelles ces dispositions donnent lieu.

349. L'alliance est aussi un empêchement au mariage. C'est le lien qui unit l'un des époux aux parents de l'autre époux. Il n'y a pas, à proprement parler, de degrés ni de lignes dans l'alliance, puisque les degrés résultent de la génération, ainsi que les lignes, et, entre alliés, il n'y a pas de génération. Mais il a fallu appliquer la distinction des degrés et des lignes à l'alliance, puisque le mariage n'est prohibé qu'entre certains alliés. Comme l'alliance dérive de la parenté et en est pour ainsi dire l'image, on a étendu aux alliés les principes qui régissent les parents.

350. Telles sont les notions élémentaires. Elles donnent lieu à de grandes difficultés en ce qui concerne la parenté naturelle et l'alliance. Il faut que la parenté soit prouvée pour qu'elle constitue un empêchement légal. La parenté légitime se prouve par le mariage; le code traite de la preuve du mariage; nous y reviendrons. La preuve de la parenté naturelle repose sur des principes particuliers. Elle résulte de la reconnaissance des enfants naturels; cette reconnaissance se fait volontairement, par acte authentique, ou elle est forcée quand l'enfant recherche son père et sa mère. En règle générale, la recherche de la paternité est interdite; la loi permet la recherche de la maternité, mais elle la soumet à des conditions rigoureuses. Le code prohibe toute reconnaissance des enfants adultérins et incestueux. Il suit de là que les enfants naturels simples ont seuls une filiation; mais ils n'en ont que par la reconnaissance volontaire ou forcée. Ces principes reçoivent-ils leur application au mariage? N'y a-t-il d'empêchement résultant de la parenté naturelle que si la parenté est constatée, soit par un acte authentique de reconnaissance, soit par un jugement? La question est très-controversée.

Nous décidons, sans hésiter, que les règles établies par les articles 334 et suivants doivent être appliquées en matière d'empêchements au mariage. Le code civil a un titre sur la Filiation; il y établit comment se prouve la filiation des enfants légitimes, et comment se prouve la

filiation des enfants naturels. L'on n'a jamais songé à contester que les règles sur la preuve de la filiation légitime ne soient générales; il est évident qu'elles s'appliquent à toutes les matières de droit; quand la loi veut se relâcher de la rigueur des principes qu'eile établit, elle le dit. Pourquoi en serait-il autrement des règles que le code pose sur la preuve de la filiation naturelle? Y a-t-il une raison pour que les unes soient générales et pour que les autres ne le soient pas? Le texte des articles 334 et suivants est conçu dans les termes les plus généraux. Y a-t-il quelque motif dans l'esprit de la loi pour ne pas l'appliquer au mariage? On en chercherait vainement. Le code pose le principe que la filiation des enfants naturels résulte de leur reconnaissance volontaire ou forcée; d'où suit que les enfants naturels non reconnus n'ont pas de filiation. Il pose ce principe pour éviter des procès scandaleux, qui jettent le trouble dans les familles sans jamais produire une certitude complète. Voilà des motifs qui par leur nature même ne comportent pas d'exception. Ainsi le texte est général et les raisons sont générales; la question est par cela même décidée.

On objecte que cette doctrine conduit à légitimer l'immoralité la plus affreuse. Le frère pourra épouser sa sœur naturelle, parce que la filiation naturelle ne sera pas légalement prouvée, bien qu'elle soit constatée par la possession d'état. A la rigueur, le père pourra épouser sa fille adultérine, car, la reconnaissance étant prohibée, jamais l'enfant adultérin ou incestueux ne peut avoir de filiation. Nous voudrions admettre cette objection, c'est malgré nous que nous la repoussons; mais les principes les plus élémentaires de droit nous y obligent. Le reproche s'adresse au législateur, et lui seul en peut tenir compte. Il a posé une règle générale sur la preuve de la filiation naturelle; y a-t-il lieu à faire une exception pour les empêchements au mariage? On peut le soutenir, mais si telle avait été la pensée des auteurs du code, ils auraient dû formuler l'exception et dire quelle preuve ils admettent. Quoi! Après avoir mis tant de rigueur à limiter la preuve de la filiation naturelle, le législateur l'abandonnerait à l'arbitraire du

juge, alors qu'il s'agit du mariage! Il interdit la recherche de la paternité dans les termes les plus absolus (art. 340); puis il l'admettrait sans dire comment elle se fera! Une exception pareille est-elle admissible sans texte? On invoque la moralité publique! On oublie que c'est aussi pour des raisons de moralité que le code prohibe la recherche de la paternité naturelle. C'était donc au législateur, et à lui seul, à voir si la moralité, qui a fait interdire en général la recherche de la paternité, exige qu'en matière de mariage cette recherche soit permise. Il ne l'a pas fait; ce silence est décisif.

On fait d'autres objections; nous les rapportons volontiers, parce que nous ne demanderions pas mieux que de nous convaincre qu'il y a un moyen légal de prévenir la honte et le scandale d'un mariage incestueux. Ecoutons Merlin. La cour d'appel de Lyon avait demandé que l'empêchement dérivant de la parenté naturelle fût limité aux enfants légalement reconnus, afin de prévenir les recherches souvent calomnieuses et toujours scandaleuses que la haine ou l'avidité pourrait faire d'une paternité ou d'une maternité ignorée ou supposée. » Cette distinction, dit Merlin, ne se trouve ni dans l'article 161, ni dans l'article 162. Pourquoi y a-t-elle été omise? Il n'est pas possible de supposer qu'elle l'ait été par inattention. Elle était d'une trop haute importance pour ne pas frapper tous ceux qui ont pris part à la rédaction définitive de ces articles. Elle ne peut donc avoir été omise qu'avec l'intention formelle de ne pas l'y insérer, parce qu'on a voulu que la parenté naturelle formât un empêchement au mariage, alors même qu'elle ne serait pas légalement constatée (1). Voilà un bien frêle fondement pour l'opinion que nous voudrions admettre, si nous le pouvions. Merlin est obligé de créer une exception par voie de supposition. Qui ne voit que la supposition contraire est tout aussi admissible? Il se peut, et c'est la supposition la plus probable, que l'observation de la cour de Lyon ait passé inaperçue; si, comme le dit Merlin, elle avait frappé les auteurs du code par sa

(1) Merlin, Répertoire, au mot Empêchements de mariage, § 4, article 4.

haute importance, n'en auraient-ils pas fait mention, soit dans le cours de la discussion, soit dans les discours et les rapports? Eh bien, il n'a pas été dit un mot sur la question. Ce silence absolu ne renverse-t-il pas toute l'argumentation de Merlin? Il se peut encore que les auteurs du code aient jugé inutile de formuler dans la loi l'observation de la cour de Lyon. En effet cela était inutile. Quand le législateur pose une règle générale, cette règle doit recevoir son application à tous les cas, à moins que lui-même n'admette une exception. Il suffisait donc que la loi eût dit, au titre de la Filiation, qu'il n'y a pas de parenté naturelle sans reconnaissance légale. Ce principe reçoit son application par cela seul que la loi n'y déroge pas.

Non, dit-on, ce n'est pas ainsi que procèdent les auteurs du code; quand ils veulent maintenir les règles sur la parenté naturelle, ils le disent. Voyez l'article 331; il porte: légalement reconnus. Même expression dans l'article 383, et dans l'article 756, et dans l'article 158; tandis que dans les articles 161 et 162, on ne la trouve pas. L'argument aurait quelque valeur si l'on pouvait prouver que c'est à dessein que cette expression y a été omise. Mais en l'absence d'une déclaration du législateur, il n'y a rien à conclure de ce que tantôt il ajoute une expression inutile et tantôt il l'omet.

Nous sommes heureux d'ajouter qu'il n'y a pas d'arrêts sur cette question dans les Recueils de jurisprudence, et les auteurs ne citent aucun exemple d'un mariage incestueux, qui aurait soulevé la conscience publique. Cela prouve que les mœurs sont le vrai supplément de la loi. Faut-il dire pour cela, avec M. Demolombe, que les magistrats n'hésiteraient pas à s'écarter de la rigueur des principes s'il s'agissait d'empêcher un abominable inceste? S'il est vrai, comme M. Demolombe l'avoue, que l'opinion que nous défendons est la plus rationnelle, la plus juridique, il est vrai, par cela même, que la loi la consacre; et faut-il encourager les magistrats à se mettre au-dessus de la loi (1)?

(1) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. III, p. 141, no 107. Dalloz, Répertoire, au mot Mariage, nos 246, 241.

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