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Ces cenobites jadis si bien rentés, si puissants comme corporation, si influents par leurs richesses & leurs talents, maintenant chassés de leurs couvents, privés de leurs ressources & isolés, avaient bien autre chose à faire qu'à songer à leurs passe-temps littéraires; il fallait pourvoir aux strictes nécessités de la vie matérielle. C'est dans cette dure extrémité que dom Soulaire prit le parti de s'expatrier au delà des mers; il s'embarqua pour Saint-Domingue, & il ne tarda pas à y trouver un tombeau. Quant à dom Malherbe, il ne quitta point Paris. Lors de la création du Tribunat par la constitution consulaire de l'an VIII (1800), il en fut nommé un des bibliothécaires; mais il perdit son emploi lorsque l'Empire, en 1807, eut détruit ce corps politique. Il retomba dans la position précaire dont il était momentanément sorti. Il végétait dans la capitale, vivant de la faible rétribution de sa messe quotidienne & du produit de sa plume.

En 1808, le gouvernement ayant résolu de faire dresser la statistique de la France, M. d'Alphonse, préfet du Gard, lui proposa d'entreprendre celle de ce département, s'en remettant à sa discrétion pour ses honoraires, ou bien de lui communiquer les matériaux dont il était détenteur'. La réponse de l'ex-bénédictin, dans laquelle il dépeint ses malheurs & la triste fin de son confrère, a quelque chose de cruel & de navrant'. Il déclina poliment l'offre d'un travail qui était au-dessus de ses forces & prêta obligeamment les manuscrits demandés. M. d'Alphonse les garda pendant quelques années; mais dans l'intervalle, étant parti pour une mission en Hollande, & le loisir lui ayant manqué, il renvoya en 1813 ces manuscrits sans en avoir fait usage. Nous en possédons l'inventaire rédigé par dom Malherbe. Si par la lecture des titres détaillés que cet inventaire contient nous essayons de nous former un jugement sur la nature des recherches & le caractère de l'érudition de l'auteur, nous y reconnaîtrons les habitudes laborieuses & patientes d'un compilateur plutôt que l'originalité spontanée & féconde d'un véritable érudit, & nous constaterons une sensible infériorité par rapport aux savants dont il était chargé de continuer la tradition.

En 1823, il céda ses papiers & tous ceux des Bénédictins, relatifs à l'Histoire de Languedoc, restés en sa possession, à la bibliothèque royale 3; ils sont conservės aujourd'hui sous le titre de Fonds de Languedoc, parmi les richesses du département des manuscrits.

Dom Malherbe mourut à Paris le 1er février 1827 il comptait par conséquent quatre-vingt-quatorze ans 4.

Notre esquisse serait incomplète, si nous négligions d'y faire figurer l'un des religieux de Saint-Maur, qui, sans avoir participé à l'œuvre de dom Vaissete, entreprit par ordre des États des recherches se rattachant à l'objet de ce livre.

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Ce religieux est dom Joseph Pacotte qui vit le jour à Montpellier en 1736 '. L'archevêque de Narbonne, M. Dillon, avait eu l'idée de réunir tous les documents épars de divers côtés, ayant trait à l'histoire, à la religion & à l'administration du Languedoc & de les concentrer dans un vaste dépôt, qui serait mis au service de la science ou des intérêts publics. Par délibération des États des 16 février 1786 & 11 janvier 1787, un fonds de cinq mille six cents livres 2 fut voté pour couvrir les frais de ces recherches, & dom Pacotte investi de la mission de les exécuter. Le dépouillement auquel il se livra produisit une collection de documents en douze volumes in-folio qui enrichirent les archives de la Province, à Montpellier, & que la Révolution a fait passer dans celles du département de l'Hérault. M. Eug. Thomas a donné dans son Introduction. bibliographique 3 l'indication sommaire du contenu de chaque volume. Une compilation du même genre, qui paraît provenir aussi de dom Pacotte, existe à la bibliothèque nationale en onze volumes in-folio ; les textes y sont en général transcrits peu correctement. L'estimable archiviste que nous venons de citer nous a fourni sur la vie du bénédictin, son compatriote, quelques détails intimes qui ne manquent pas d'intérêt, mais que le caractère tout spécial de notre Introduction nous dispense de rapporter. Nous nous contenterons d'y consigner ceux que nous avons obtenus nous-même & que M. Eug. Thomas a ignorés.

La Révolution le fit sortir de l'abbaye Saint-Germain des Prés & le jeta sur le pavé de la capitale; il y vécut quelques années, à la grâce de Dieu, dans la pénurie sans doute, puisqu'il se résigna à vendre à la bibliothèque nationale le recueil dont il était question tout à l'heure. Nous le perdons de vue depuis cette époque jusqu'en 1809 où il reparaît à nos yeux fixé dans le diocèse de Meaux, d'abord en qualité de desservant de la paroisse de Sivry, canton de Châtelet, & âgé de soixante-treize ans; en 1814, il était curé de Saint-Jean les Deux-Jumeaux, poste plus important, mais qu'il dut échanger au bout de six ans, comme trop pénible pour sa vieillesse déjà très-avancée, contre celui d'Aulnoy, près Coulommiers. Ce fut sa dernière paroisse; il y mourut le 18 mars 1824, à l'âge de quatre-vingt-sept ans & quatre mois, & fut enterré dans l'ancien cimetière, voisin de l'église.

Le rédacteur de la note d'où sont extraites ces dates, relevées sur les registres de l'évêché de Meaux, M. Denis, chanoine capitulaire, ajoute 5 : « M. l'abbé Pruneau, mort doyen du chapitre de notre cathédrale en 1863, avait bien

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« connu dom Pacotte, & il racontait que ce religieux, malgré son grand âge,

« était encore un homme d'un esprit éminent. Les ecclésiastiques qui le fré

"

'Et non point vers 1740, comme le prétend M. Thomas, dans son Introduction bibliographique, P. 422. La date de 1736 est établie officiellement par les registres de l'évêché de Meaux. Voyez cidessous.

Compte-rendu des impositions & des dépenses générales de la Province de Languedoc, imprimé &

publié par ordre des États; in-4°. Montpellier, 1789. 3 Pages 426-427.

Bibliothèque nationale, département des manuscrits, fonds latin, nos 9173 à 9183.

5 Nous devons cette note à l'obligeante intervention de M. Carro, le savant bibliothécaire de la ville de Meaux.

quentaient lui conservaient, en témoignage de leur vénération affectueuse, « son nom de bénédictin. »

En lui s'éteignit cette forte génération de savants, la gloire de l'ordre de Saint-Benoît, qui ont légué à la postérité les plus beaux monuments qu'ait produits l'érudition française, & parmi lesquels s'élève dans sa majestueuse grandeur celui où dom Vaissete, un enfant de notre Midi, a inscrit son nom immortel, l'Histoire générale de Languedoc.

ÉDOUARD DULAURIER.

Paris, janvier 1872.

PREMIÈRE SÉRIE

PAPIERS PERSONNELS DE D. DEVIC ET D. VAISSETE

I.

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Extrait baptistaire de Claude Devic.

Registre des mariages, baptesmes & morts de la paroisse de Saint-Martin de Sorèze, diocèse de Lavaur. [15 janvier 1670.]

Estant curé Jean Cros, l'an mil six cent septante al quinziesme janvier fut baptisé dans l'église de céans par moy Jean Cros curé, Claude Devic fils de Jean Devic m chirurgien de Sorèze & de Jeanne Ranc, mariés; parrain Claude de S' Pierre, sieur de la Serre, habitant de Coffinal; marraine Jeanne Gasque, femme de Jacques Sauri, habitant de Revel. Le parrain a signé avec moy & Jean Carles escolier & Charles Brauge aussi escolier. — Cros, curé. De St Pierre. J. Carles. C. Brauge.

2.- Note écrite à la dernière page du quatrième volume des registres de la même paroisse, commençant en 1672. [12 octobre 1682.]

Le douzième d'octobre mil six cent quatre vingt deux fut fait l'établissement du seminaire de Saureze des enfans de noblesse du pays; estant visiteur dom Jean Reilles, son secrétaire dom François Laroche, le prieur dom Michel Meaux; où assista aussi le reverend Père de Tolose dom Jacques Hody, qui fut le premier qui fit commencer de bastir le dit seminaire, dont la première pierre avoit été posée par lui; où furent faites trois oraisons latines par les trois régens avec beaucoup d'éloquence & d'esprit, & ensuite fut chantée une messe du S' Esprit & le treizième du dit mois d'octobre commencèrent aller en classe Anthoine Cros, Pierre Basset & Claude Devic de cette ville. Dieu veuille qu'ils y profitent beaucoup pour la gloire de Dieu.

3. Extrait baptistaire de dom Vaissete. [4 mai 1685.]

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Cette pièce a été publiée dans l'Illustration du Midi, journal hebdomadaire, numéro du dimanche 23 juillet 1865. Nous la transcrivons ici avec la partie essentielle de la note dont elle est accompagnée dans ce recueil.

« Dom Vaissete fut baptisé à Gaillac dans l'église abbatiale de Saint-Michel; son acte <«<baptistaire se trouve dans l'un des registres paroissiaux conservés dans les archives de <«< la mairie; malheureusement cet acte a été atteint par l'humidité & plusieurs mots en <« ont disparu. » Le voici tel qu'on peut aujourd'hui le lire, avec la restitution entre crochets de ce qui est effacé :

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Joseph de Vaissette, fils à Me Iea[n]

& à damle Marie de Passe[mar]

de Bertoule est né le 4o [jour]

de may & a été baptisé [le dit jour ou le lendemain ?].

Parrin lean Iuilla & Ieane Sudre nos

parroissiens qui ont dit ne sçavoier signer;

présens Me Guilhaume de Vaissette
procureur du roy en sa iudicature
& pais d'Albigois & noble Iaques
de Passemar S de Bertoule & Me

Dauid Vaissette encien chainoine; Me
Pierre Vaissette prb & chainoine

de la presente eglisse & noble Guilhaume.

de Passemar S de Castelbrun.

Signé Vaissete, père; Vaissete;

Bertoule; Vaissete; Vaissete; Castelbrun;

& Iché prbe & vicaire'.

Extrait de l'acte de décès de Mire Guilhaume Vaissete, procureur du roi en sa judicature d'Albigeois. [11 janvier 1686.]

Le onzième janvier mil six cent huitante six est décédé Mtre Guilhaume Vaissete, procureur du roy, agé de huitante un an & a été enseveli par MM's du chapitre de l'église abbatiale S'-Michel, le douzième dudit. Présens M Dauzil & Me Delmas, prestres & prébendés de la dite église, signés avec moy à l'original. Dauzil, pre. Delmas, ptre. Austry, signés. (Communiqué par M. de Combettes Labourelie.)

5.- Diplôme de bachelier en droits civil & canon accordé à Joseph de Vaissete. [15 juillet 1707.]

Discretus vir Joannes Josephus Vaissete, Galliacensis, Albigensis dioecesis, pro consequendo juris utriusque baccalaureatu, juxta edictum regium primum quidem

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