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si jeune encore, &c., ( même scene) doit fournir un air de la plus tendre mélodie. Eh! quoi, diroit l'impiété, &c., ( même scene) peut fournir un dialogue; et ces deux Israélites qui chantent cette belle priere : O Dieu! que la gloire couronne, &c. forment un duo du caractere le plus noble et le plus majestueux. Le Choeur qui finit la Tragédie est le Cantique d'alégresse le plus parfait que l'on puisse offrir à l'art du Musicien. Toutes les circonstances les plus touchantes s'y trouvent réunies, et les images sont par-tout à côté du sentiment.... Quel style! quels vers! C'est certainement la Poésie Françoise dans toute sa beauté. C'est-là, sur tout, qu'elle peut être opposée à la belle Poésie des Grecs et des Latins. Elle en à la variété flexible, les mouvemens l'effet, la magie. Le Poëte y est véritablement I'homme inspiré. Il voit les objets, nous les fait voir, nous transporte avec lui par-tout où il veut ; et, de la hauteur de son génie, il domine le Ciel et la terre.... Quoi de plus touchant, quoi de plus riche, quoi de plus imposant et de plusmajestueux que la fin de ce Choeur et comme le rhythme s'y plie à tous les tons et à tous les effets!

« M. de Voltaire a dit, dans une Épître adressée à Horace, et digne de lui:

«Est-ce assez, en effet, d'une heureuse clarté, >> Et ne pêchons-nous pas par l'uniformité ? »

« Malheureusement ce reproche n'est que trop souvent fondé. Je n'y connois pas de meilleure réponse que les Choeurs de Racine. »

Le sujet d'Esther avoit déja été traité en Tragédie et mis sur la scene plusieurs fois avant que Racine s'en occupât. Nous avons cité, dans le second volume de nos Essais historiques sur l'origine et les progrès de l'Art Dramatique en France une Tragédie, intitulée Aman, que fit imprimer, à Poitiers, chez Jean Logerois, en 1567, André de Rivaudeau, Gentilhomme Poitevin. On ne sait si cette Piece fut représentée; mais on sait que le sujet en est pris de l'Ecriture-Sainte, au septieme chapitre d'Esther, où Racine a également puisé.

Beauchamps, dans ses Recherches sur les Théatres, cite, d'après la Bibliotheque Françoise de La Croix du Maine, une Tragédie d'Esther, manuscrite, par Antoine Le Devin, mort en

1570; mais ne la fait pas connoître davantage. Pierre Mathieu étant Principal du Collège de Verceil, en Piémont, y composa et y fit représenter, en 1578, une Piece intitulée Tragédie de l'histoire tragique d'Hetter. Il la fit imprimer à Lyon, chez Jean Stratins, en 1985, sous le titre d'Esther, Tragédie, en cinq actes, sans distinction de scenes et avec des Chaurs. Histoire tragique, en laquelle on représente la condition des Roys et des Princes sur le Théatre de fortune, la prudence de leur conseil, les désastres qui surviennent par l'orgueil, l'ambition, l'envie et la trahison; combien est odieuse la désobéissance des femmes : finalement combien les Reynes doivent amollir le courroux des Roys endurcis sur l'oppression de leurs sujets. I joignit à cette Piece une Pastorale, quelques Pieces fugitives et une Préface, et il dédia le tout à Madame de La Villeneuve, de la maison de Gronvelle, et à Madame d'Achey, de la maison de Peloux.

Quelque tems après, « l'envie de rimer le pos sédant toujours, faute de nouveaux sujets, il prit la résolution de refondre son Poëme d'Esther et d'en composer deux Tragédies, l'une sous le

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nom de Vasthi, et l'autre qu'il intitula Aman, » disent les freres Parfaict, dans leur Histoire du Théatre François.

Ces deux Pieces parurent imprimées ensemble, en 1589, à Lyon, chez Bénoît Rigaud.

La premiere, avec ce titre : Vasthi, Tragédie en cinq actes en vers, sans distinction de scenes et avec des Chaurs, en laquelle outre les tristes effets de l'orgueil et désotéissance, est démontrée la louange d'une Monarchie bien ordonnée, l'office d'un bon Prince pour heureusement la commander, sa puissance, son ornement son exercice, éloigné du luxe et dissolution, et la belle harmonie d'un mariage bien accordé, avec un petit abrégé de l'histoire des Roys de Perse, dédiée au Sérénissime Prince Monseigneur le Duc de Nemours et Genevois, Gouverneur de Lyon.

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La seconde, sous le titre d'Aman, Tragédie en cinq actes, sans distinction de scenes et avec des Chœurs ; de la perfidie et trahison, des pernicieux effets de l'ambition et envie; de la grace et bienveillance des Roys, dangereuse à ceux qui en abusent; de leur libéralité et récompense, mesurée au mérite, non à l'affection; de la protection de Dieu sur son peuple, qu'il garantit des conjurations

et oppressions des méchans : dédiée au prudent, noble et grave Consulat de la ville de Lyon.

Voici, à-peu-près, réunis en un, les trois extraits que les freres Parfaict donnent de ces trois Tragédies, dans leur Histoire du Théatre François.

«La premiere est une mauvaise Piece, qui comprend toute l'histoire d'Esther, depuis la répudiation de Vasthi jusqu'à la mort d'Aman. >>

« Le premier acte de la seconde (qui n'est que le premier démembrement de la premiere ) contient les louanges que se donne le Roi Assuére ( Assuérus), et les complimens qu'il reçoit des Seigneurs de sa Cour, dans lesquels ils lui représentent les qualités qui doivent orner la vie d'un grand Prince. Au second acte, le Roi ordonne les préparatifs d'un festin magnifique, et dit, à cette occasion :

Que nul aye en buvant l'appétit dissolu,

Vin sur vin entassant, et verre dessus verre, Pour en son chef mouvoir un tout tournant tonnerre, &c. >>

« Pendant le repas, la conversation tombe sur les femmes. Les Princes en disent beaucoup de mal;

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