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Les notes que nous avons ajoutées à notre traduction de l'Histoire des Orpélians, nous ont fait faire beaucoup de recherches longues et pénibles. Nous ne nous sommes pas bornés à consulter les seuls écrivains Arméniens; pour ne rien laisser à desirer, nous avons parcouru les meilleurs ouvrages des Arabes et des Persans, et nous les avons comparés tous avec ce qui se trouve dans les écrits des Byzantins et des Syriens, aussi bien qu'avec les relations modernes, pour les éclaircir les uns par les autres.

Pour ajouter à l'utilité de notre ouvrage, nous avons joint à nos Mémoires et à l'Histoire des Orpélians, divers monumens littéraires qui intéressent la géographie ancienne ou celle de l'Aiménie, ou bien qui sont relatifs à divers points de l'histoire civile et religieuse du même pays.

Nous avons encore eu, dans le cours de nos travaux, l'occasion d'expliquer plusieurs passages assez embarrassans de divers écrivains anciens. Par les rapprochemens que nous avons faits, nous

grand nombre de villes et de régions mentionnées dans Strabon, dans Pline, dans Ptolémée, et dans d'autres auteurs Grecs et Latins, que les savans illustres qui se sont occupés de la géographie ancienne, n'avoient pu, jusqu'à présent, placer sur aucune de leurs cartes, parce qu'ils ne pouvoient faire usage de tous les renseignemens dont nous nous sommes servis, ni des ouvrages que nous avons consultés.

HISTORIQUES ET GÉOGRAPHIQUES

SUR

L'ARMÉNIE.

LA

AVANT-PROPOS.

vaste contrée connue sous le nom de Grande Arménie, dont les Turcs, les Persans et les Russes se partagent la domination, et qui s'étend, l'espace de trois cents lieues, de Poccident à l'orient, depuis les bords de l'Euphrate jusqu'à l'émbouchure du Kour dans la mer Caspienne, et, du nord au sud, depuis la Géorgie et le mont Caucase jusqu'aux limites méri dionales du Diarbekr, dans une étendue de deux cent cinquante lieues, n'a pas d'autre idiome que la langue Arménienne, à l'exception cependant de celle des Turcs, qui n'est communément en usage que parmi les musulmans; encore même beaucoup de ces derniers, fixés dans les campagnes éloignées des grandes villes, ont-ils adopté l'arménien vulgaire, qui n'est qu'un mélange de l'arménien littéral un peu altéré et du turc. Il en est de même pour toute la partie orientale de l'Asie mineure, connue sous le nom de Petite Arménie, pour la Cilicie et le Schirwan,

L'usage de la langue Arménienne n'est pas borné à ces seules contrées; les Arméniens, en se répandant dans les diverses parties de l'Asie et de l'Europe orientale, y ont porté leur lan

gage. Ils forment en effet une portion très considérable de la population dans toute l'Anatolie, dans les parties septentrionales de la Syrie, dans la Mésopotamie, dans tout l'Aderbaïdjan, qui, dans les temps anciens, fit partie presque entièrement de la province Arménienne nommée Vasbouragan, dans l'Irak Persan, dans le Ghilan et le Mazanderan, dans les environs d'Ispahan, dans la Géorgie, qui s'est accrue des débris de l'Arménie, et même jusque dans la Circassie, à Astracan, sur les bords du Don, dans la Crimée, dans la Pologne, et enfin dans les diverses contrées de la Turquie Européenne. Non-seulement ils habitent ces pays comme marchands ou négocians, mais encore une grande partie d'entre eux exerce la profession d'artisan ou celle d'agriculteur. Comme négocians seulement, ils se sont répandus dans l'Italie, dans les Etats Autrichiens, dans la Moldavie et dans beaucoup d'autres parties de l'Europe. On en trouve aussi un grand nombre en Égypte, en Syrie, à Baghdad, dans la Perse et jusque dans l'Inde.

Quand on considère le grand nombre et la grande étendue des pays où les Arméniens se sont établis et où ils ont porté la connoissance de leur langue, on ne peut révoquer en doute l'utilité dont elle peut être pour favoriser les relations commerciales des Européens avec ces pays, sur-tout si l'on fait réflexion que, maintenant, les spéculations de banque et de commerce de la Turquie et de la Perse, aussi bien que nos rapports avec ces états, ne se font presque que par leur entremise.

Il est bon cependant de faire observer que, pour cet objet, il est fort utile de joindre à la connoissance de la langue Arménienne, des notions assez étendues de l'arabe, du persan et du turc; car, depuis que l'Arménie est entièrement soumise au joug des musulmans, les Arméniens ont admis, dans le langage dont ils se servent ordinairement pour leurs correspon

dances et dans quelques-uns de leurs livres modernes, un grand nombre de mots de ces diverses langues. Comme ces mots ne se trouvent pas, au moins pour la plupart, dans les dictionnaires que nous possédons ou dans ceux qui ont été publiés par les Arméniens, on sent qu'il est absolument impossible de les interpréter, lorsqu'on les rencontre au milieu d'un texte, si l'on n'a pas d'avance la connoissance des langues dont nous avons parlé.

Quant aux avantages que l'histoire et la philologie peuvent retirer de l'étude de la langue et de la littérature Arméniennes, sans vouloir tomber dans l'excès d'enthousiasme manifesté pa quelques Arménistes, dont il seroit à desirer que les lumières égalassent le zèle, et sans vouloir lui sacrifier la littérature de toutes les autres nations Orientales, je crois que son importance, sous ce dernier point de vue, ne sauroit être contestée. La suite non interrompue d'écrivains de tous les genres que l'Arménie a produits depuis le commencement du quatrième siècle de notre ère jusqu'à nos jours, et l'empressement que les Arméniens ont montré pour établir des imprimeries dans tous les lieux où ils se sont fixés en grand nombre, pour mettre au jour les écrivains de leur nation, prouvent leur zèle ardent pour la culture des lettres. Ils ont en effet des imprimeries à Amsterdam, à Leipsic, à Venise, à Livourne, à Leopol en Pologne, à Constantinople, à Smyrne, dans diverses villes de la Russie, à Edchmiadzin, résidence du chef de leur église, à Madras et dans plusieurs autres endroits. Ils en eurent même autrefois à Djoulfa, près d'Ispahan, et à Marseille. Sur les représentations du clergé de France et de la congrégation de la propagande, cette dernière fut supprimée, parce qu'elle servoft, disoit-on, à publier des livres qui contenoient des opinions hérétiques.

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