Images de page
PDF
ePub

croire, d'après le témoignage de la chronographie de Samuel Anetsi (1), que l'Histoire de Berose existoit encore en arménien vers la fin du douzième siècle; cependant il est probable que cet écrivain ne la cite que sur l'autorité de Moyse de Khoren et de la Chronique d'Eusèbe, qu'il connoissoit.

La destruction du royaume d'Arménie et les ravages des Persans ne ralentirent pas chez les Arméniens l'étude de la langue Grecque: pendant les cinquième et sixième siècles, ils traduisirent un grand nombre d'ouvrages relatifs à la théologie et à l'histoire ecclésiastique. Vers la fin du septième siècle, Nersèh Kamsaragan, patrice et gouverneur d'Arménie, fit traduire, par le vartabied Philon, l'Histoire ecclésiastique de Socrates (2), dont nous possédons plusieurs morceaux à la bibliothèque royale. Vers le commencement du huitième siècle, l'un des prélats les plus distingués de l'église Arménienne, Étienne, archevêque de Siounik'h, qui avoit étudié le grec à Constantinople, traduisit les ouvrages attribués à S. Denis l'Aréopagite, ceux de S. Grégoire de Nysse, et d'autres livres encore (3). Le goût que les Arméniens avoient pour la littérature Grecque se conserva pendant les siècles suivans, comme le prouve le grand nombre d'écrivains de tous les genres qu'ils ont traduits à des époques plus récentes, et qu'il seroit trop long d'énumérer. Vers le milieu du onzième siècle, Grégoire Makisdros, prince Arménien, issu de la race des Arsacides, célèbre par son savoir et ses talens militaires, traduisit plusieurs ouvrages mathéma

(1) Ms. Arm. de la bibl. du Roi, n.o 96, fol. 1 vers., 3 rect. et 7 rect. (2) Histoire d'Arménie, de Michel Tchamtchean, tom. II, liv. 111, chap. 57, p. 375; en arménien, 3 vol. in-4.o, Venise, 1785. - Abrégé de l'histoire de Tchamtchean, par Mekhithar Dzaghigean, p. 191; en arménien, 1 vol. in-8.o, Venise, 1811.

tiques Grecs (1). Au milieu du dix-septième siècle, Siméon Dchoughaietsi, fameux docteur qui vivoit à Ispahan, corrigea la version Arménienne des œuvres du philosophe Proclus, qui avoit été faite long-temps avant lui, sur une traduction Géorgienne, par un prêtre nommé, comme lui, Siméon (2).

La littérature Syriaque peut encore tirer de grands secours de celle des Arméniens, tant pour l'histoire politique, que pour T'histoire ecclésiastique et la patristique. Lors de l'introduction du christianisme en Arménie, il s'y établit beaucoup de Syriens qui vinrent y prêcher la doctrine évangélique, y fonder des monastères et y ériger des siéges épiscopaux (3). Le fameux monastère de Sourp Garabied (S. Jean Précurseur), dans la province de Daron, fut élevé sur les ruines d'un temple consacré aux anciens dieux de l'Arménie, par un Syrien nommé Zénob, contemporain du patriarche Grégoire, apôtre de ce pays (4). Tous ses successeurs, jusque vers la fin du sixième siècle, furent Syriens (5). Toute la partie du sud-ouest de l'Arménie, entre le Tigre et l'Euphrate, les environs d'Amid et de Miafarekin, la province de Sophène et les contrées voisines devinrent, pour ainsi dire, des dépendances de la Syrie, au moins

(1) Hist. d'Armén. par Tchamtchean, tom. II, liv. VI, chap. 39, P. 928.

(2) Histoire des événemens arrivés en Arménie, dans les provinces d'Ararat et de Koghthen, depuis 1605 jusqu'en 1666, par Arak'heal de Tauriz, chap. XXIX, p. 395; en arménien, I vol. in-8.o, Amsterdam, 1669.

(3) Histoire du pays de Daron, par Zénob, p. 47.

(4) Agathang. Hist. de S. Grégoire, p. 363, 364 et 365. — Zénob, Hist. de Daron, p. 63, 64.

(5) Jean, évêque des Mamigoneans, Histoire de Daron, p. 94, 95, et supplément, p. 15, imprimée avec l'histoire du même pays, par Zénob; en arménien, Constantinople, 1719, 1 vol. in-12.

sous les rapports religieux et littéraires. Tous les évêques de ces provinces étoient Syriens et dépendans du patriarche d'Antioche (1); tous les moines et les écrivains ne se servoient, dans l'office divin ou dans leurs ouvrages, que de la langue Syriaque. Les prêtres Syriens établis en Arménie y étoient si puissans, qu'ils tentèrent, au commencement du cinquième siècle, de s'emparer de la dignité patriarchale; plusieurs d'entre eux, soutenus par le roi de Perse et les commandans militaires Persans, parvinrent à faire exiler le patriarche légitime et à s'asseoir sur le trône de S. Grégoire (2). Ces diverses tentatives inspirèrent aux Arméniens une très-grande haine pour les Syriens, comme on peut le voir dans la plupart de leurs ouvrages; et quoiqu'ils aient, en matière de religion, une très-grande ressemblance d'opinions, ils n'en ont pas moins un très-grand éloignement les uns pour les autres.

Avant que le patriarche Sahag ou Isaac I et le savant Mesrob eussent fait traduire la Bible, du grec dans la langue de leur patrie, il n'y avoit en Arménie que des bibles Syriaques qui n'étoient point entendues du peuple, comme on peut s'en convaincre par le témoignage d'un disciple de S. Mesrob, nommé Gorioun, qui s'exprime en ces termes dans l'histoire de la découverte de l'alphabet Arménien, qu'il écrivit par l'ordre du roi Vrham-schabouh:

« Le vénérable Maschthots (Mesrob) fut soutenu par l'esprit » de la miséricorde divine et par la respectable perspicacité qu'il avoit reçue de Dieu, qui est rempli de prévoyance et >> de bonté; car ce saint homme étoit toujours dans la tris» tesse, en voyant les grands et pénibles travaux que les

[ocr errors]

(1) Lequien, Oriens christianus, tom. II, p. 990-1007.

(2) Mos. Khor. lib. 111, cap. 64, p. 318; cap. 65, p. 319, 320;

כל

כל

כל

[ocr errors]

jeunes-gens de l'Arménie étoient obligés d'entreprendre pour acquérir la connoissance des livres Syriens. Ils faisoient de » grandes dépenses, et ils consumoient leur vie dans des » voyages lointains, qui nécessitoient de longues absences; et » tout cela, parce que le culte divin et la lecture des écritures >> ne pouvoient se faire qu'en langue Syriaque, dans les églises » et les monastères de l'Arménie. On ne pouvoit donc, ni ins» truire, ni aider le peuple de ce vaste pays, qui ne comprend » pas le syriaque (1).

כל

Depuis fort long-temps les caractères alphabétiques des Syriens étoient en usage en Arménie, concurremment avec ceux des Grecs et des Persans, parce que les Arméniens n'avoient point encore de caractères particuliers propres à exprimer exactement les sons de leur langue (2). II paroit que les premiers y étoient déjà usités avant l'ère chrétienne, selon Diodore de Sicile et quelques autres historiens Grecs (3): il est vraisemblable que l'alphabet inventé par S. Mesrob en restreignit considérablement l'usage et qu'on les abandonna complètement bientôt

(:) Եւ այսպէս բազմաժամանակեայ մտածութիւնն՝ երանելըյ առւն Մաշթոցին ընկալեալ յամենախնամ` մարդասիրէն աստուծոյ, զօրացոյց զնա Հոգւով ողորմութեսն իւրոյ • քանզի Հոդացեալ յարաժամ՝ տրտմէր երա նելի այրն Մաշթոց . տեսանելով զմեծաջանն ծախս մանկանցն Հայաս տան աշխարհիս : Որք բազում՝ թոշակօք եւ Հեռադնաց ՃանապարՀօք, եւ բաղմաժամանակեայ դեգերմամբք՝ մաշէին զաւուրս իւրեանց ի դպրոցս Ասորի գիտութեան. քանզի՝ պաշտօն եկեղեցւոյ եւ կարդացմունք գրոց Ասորի ուսմամբ վարէին ի վանորայս եւ յեկեղեցիս Հայաստան Ժողովր դոցս • յորմէ ոչինչ Լիս կարօղ լսել եւ օգտել ժողվուրդքն` այսպիսի մեծաշխարհի , յանլըութենէ լեզուին Ասորոյ : Gorioun, dans Lazare P'harbetsi, p. 25, 26.

[ocr errors]

(2) Agathangelus, Hist. de S. Grégoire, p. 374, 375. — Mos. Khor. Hist. d'Arm. liv. 111, ch. 54, p. 299, 300.- Lazare P'harb. Hist. p. 25. (3) Diod. Siculton. II, lib. x 1X, p. 335, edit. Wess. — Poliæn. lib. IV, cap. 8, §.3..

après. Les Arméniens traduisirent, vers cette époque, en leur langue, les œuvres de S. Ephrem d'Édesse (1), les sermons de S. Jacques de Nisibe (2) et les ouvrages des principaux écrivains de la Syrie.

Vers le milieu du sixième siècle, les écrits des hérétiques Manès, Théodore de Mopsueste, Paul de Samosate, furent apportés en Arménie, avec un grand nombre d'ouvrages composés par des Nestoriens, et des livres apocryphes de l'ancien et du nouveau Testament, tels que l'Apocalypse de S. Pierre, la Pénitence d'Adam, l'Évangile de l'enfance, &c. et furent traduits en arménien par des prêtres hérétiques, qui, pour leurs opinions, étoient contraints d'abandonner la Syrie (3). Au com. mencement du neuvième siècle, un archidiacre nommé Nana s'attacha à l'église d'Arménie et se fixa à la cour de Pakarad, prince de Daron et gouverneur général de sa patrie pour les khalifes de Baghdad (4). Il traduisit encore d'autres ouvrages qui étoient relatifs à la théologie. Enfin nous possédons à la bibliothèque du Roi une traduction, faite l'an 1245 de J. C. et 694 de l'ère Arménienne, de l'Histoire universelle composée par le patriarche jacobite d'Antioche, Michel, qui mourut vers la fin du douzième siècle (5). Cette chronique, citée souvent avec éloge dans l'Histoire universelle écrite en

(1) On trouve plusieurs des sermons de S. Ephræm à la bibliot. royale, Mss. Arm. n.os 55, 56, 57 et 64.

(2) La traduction Arménienne des sermons de S. Jacques de Nisibe, a été publiée à Rome, avec une version Latine, par le cardinal Antonelli, 1 vol. in-folio, 1756.

(3) Samuel Anetsi, Chronogr. fol. 24 verso, ms. Arm. n.° 96.

(4) Tchamtchean, Hist. d'Arm. tom. II, liv. 111, ch. 69, p. 441; shap. 70, p. 451; liv. IV, chap. 1, p. 678, et chap. 2, p. 685.

(5) Cette chronique contient deux cent vingt pages in-folio du ms.

« PrécédentContinuer »