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ne laisse que le choix ou d'épouser cette personne, qui souvent ne convient pas, ou de renoncer à la libéralité.

On devrait, cependant, regarder comme non écrite, d'après l'art. goo du Code, la condition qui serait apposée à un donataire, héritier institué ou légataire, de ne pas épouser, soit une personne de la ci-devant caste nobiliaire, soit une personne de la classe ci-devant roturière; car une pareille condition serait évidemment contraire à la loi du 19 juin 1790, qui abolit l'ancienne noblesse.

Pour l'application de ces diverses législations, aux actes entre-vifs ou à cause de mort, faits sous l'empire de chacune d'elles, il faut également suivre les principes que nous avons établis aux §. I et II du présent article.

§. IV.

De la condition de ne pas se marier.

Il y eut, sur cette matière, des variations dans la législation romaine.

Il paraît que, dans l'ancien droit, la condition de ne pas se remarier, était réprouvée ; on en tire l'induction de la loi 22, ff. de cond. et dem.

La loi 62, §. 2, au même titre, annonce que le jurisconsulte Julien l'avait ainsi décidé, lors même que le legs était fait par un mari à sa femme, et quoiqu'il y eût des enfans. Cum vir uxori, si a liberis ne nupserit, in annos, singulos aliquid legavit, quid juris est? Julianus respondit posse mulierem nubere, et legatum capere.

Cependant, on trouve aussi dans la même loi que, si la condition était que la femme ne pût se remarier, ses enfans étant au-dessous de l'âge de puberté, elle devait être exécutée, parce qu'en ce cas elle avait moins pour objet la prohibition d'un second mariage, que la crainte que les enfans n'en souffrissent. Quod si ità scriptum esset, si à liberis impuberibus ne nupserit, legem locum non habere; quia magis cura iberorum, quàm viduitas injungeretur.

La loi 14, ff. de leg. 3o., dit encore, d'une manière absolue, que la condition était valable. Non dubium est quin, si uxori legatum sit, si non nupserit, idque alii restituere rogata sit, cogenda est, si nup serit, restituere.

Ce droit fut changé par la loi Julia Miscella, que l'empereur Justinien attribue à Julius Miscellus.

Cette loi qui n'avait pour but que la procréation des enfans, permettait aux femmes, nonobstant la condition de viduité qui leur avait été imposée par leurs maris, de se remarier dans l'année, mais faisant serment qu'elles ne se remariaient que pour avoir des enfans, et, en ce cas, elles profitaient des libéralités qui ne leur avaient été faites cependant qu'à la condition de viduité.

Après l'année, depuis le décès du mari, elles ne pouvaient obtenir les libéralités, qu'en donnant caution de ne pas passer à de secondes noces, ce qui fut introduit, non par Julius Miscellus, mais par Quintus Mutius Scevola, auteur de la caution mutienne.

L'empereur Justinien ayant reconnu que les femmes s'exposaient aux parjures, pour se soustraire à la condition de viduité, abolit la disposition de la loi Julia Miscella, et la caution mutienne, par la loi 2, Cod. de indictá viduitate tollendá. Tale igitur juramentum conquiescat, et lex Julia Miscella cedat cum mutianá cautione super hoc introductá, a nostrá republicá separata.

Mais, dans la suite, l'empereur Justinien abolit lui-même cette loi; et par sa Novelle 22, chap. 44, il disposa que la condition de ne pas se remarier serait licite, et que l'inexécution de la condition entraînerait la privation de la libéralité.

Cette Novelle servait de règle en France, non- seulement dans les pays de droit écrit, comme l'attestent M. Maynard, liv. 8, chap. 93, et M. d'Olive, liv. 5, chap. 17, mais encore dans les pays coutumiers, où il était permis de s'avantager par disposition testamentaire, comme l'attestent plusieurs arrêts que rapportent Mornac et Charoudas.

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C'est aussi ce qu'atteste l'arrêt de la cour de cassation, du 20 janvier 1806, précédemment cité.

Considérant, est-il dit dans cet arrêt, que la condition de ne point se remarier n'était pas même rejetée dans les actes de dernière volonté ; que la la Novelle 22, chap. 44, voulait que personne gratifiée s'abstînt du second mariage, ou renonçât à la libéralité; que cette novelle formait le droit commun de la France, les cours en ayant uniformément adopté les dispositions; et que l'art. 25 de l'ordonnance de 1747, lequel érigéait en loi générale les dispositions du droit ancien, relatives à la

condition de ne point se marier, apposée dans les contrats, supposait, à plus forte raison, la validité de la condition de ne point se remarier. » Cette condition a-t-elle été abolie par les lois des 5 septembre 1791, 5 brumaire an 2 et 17 nivose suivant?

Elle l'a été textuellement par les deux dernières lois, puisqu'il y est dit que toute clause impérative ou prohibitive, qui tend à gêner la liberté de se marier, ou remarier, même avec des personnes désignées, est reputée non écrite.

Mais la loi du 5 septembre 1791, ne répute non écrite que la clause impérative ou prohibitive, qui tend à gêner la liberté de se marier, même avec telle personne : elle ne parle pas de la condition de ne pas se remarier, et, en conséquence, il a été décidé, par trois arrêts de la cour de cassation, des 22 nivose an 9, 20 janvier 1806, et 20 octobre 1807, que cette condition ne se trouve pas comprise dans la disposition de la loi du 5 septembre 1791.

« Considérant, dit l'arrêt du 20 janvier 1806, que la loi du 5 septembre 1791, ne fait aucune mention du second mariage, qu'ainsi elle n'avait changé en aucune manière la condition de ces sortes de dispositions, et que l'arrêt attaqué, en déclarant la clause dont il s'agit, proscrite par cette loi, en a évidemment étendu l'effet d'un cas à un autre. »

« Attendu, porte l'arrêt du 20 octobre 1807, que le sens de la loi, clair par les expressions dont le législateur s'est servi, l'est encore invariablement par celles des 5 brumaire et 17 nivose an 2, où il est fait mention, non-seulement de la liberté de se marier, mais encore de celle de se marier une seconde fois; ce qui démontre que la première expression n'était pas auparavant comprise par la seconde. »

Ainsi, jusqu'à la publication de la loi du 5 brumaire an 2, la condition de ne pas se remarier a dû être exécutée, à peine de privation de la libéralité à laquelle elle était attachée.

Il est vrai que l'art. I de la loi du 5 brumaire, et l'art. 12 de celle du 17 nivose, avaient étendu leurs dispositions aux actes passés méme avant le décret du 5 septembre 1791; mais nous avons déjà vu que cette extension avait été détruite par les décrets qui ont aboli les effets rétroactifs des lois de brumaire et de nivose.

Sous l'empire du Code Napoléon, la condition de ne pas se remarier ne se trouvant plus abolie, ni par les lois des 5 brumaire et 17 nivose,

qui ont cessé d'exister, ni par aucune disposition du Code, peut-on dire qu'elle se trouve encore prohibée, comme contraire aux bonnes mœurs?

M. Merlin, (dans son nouveau répertoire, au mot condition, sect. 2, 5, no. 4,) pense que la condition de ne pas se remarier, n'a rien de contraire aux bonnes mœurs, Il dit qu'aux preuves qu'en donne Sommereu, de jure novercarum, on peut ajouter que, pendant un grand nombre de siècles, elle a été regardée comme très-licite; que les lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2, sont les premières et les seules qui l'aient réprouvée; qu'il paraît donc que tout ce qu'on peut faire de mieux dans cette matière, est de s'en rapporter aux anciennes règles. M. Grenier, dans son traité des donations et testamens, tome 1o. pag. 361, semble donner la préférence à l'opinion contraire.

<< La Novelle 22, dit-il, ne devant plus actuellement être observée comme une loi, je ne pense pas qu'on doive suivre sa disposition conn e raison écrite. Une législation qui favoriserait des conditions qui détourneraient du mariage tout individu quelconque, célibataire ou veuf, serait impolitique et injuste; impolitique, en ce qu'elle tendrait à diminuer le nombre des citoyens: augeri etenim magis nostram rempublicam et multis hominibus legitimè progenitis frequentari volumus ; injuste, en ce qu'abstraction faite de l'intérêt public qui pourrait même ne pas se rencontrer, d'après l'âge des personnes qui voudraient se remarier, elle priverait plusieurs citoyens des douceurs ou des consolations qu'on a droit de chercher dans des affections pures. »

<«<Le scrupule, ajoute M. Grenier, pourrait, tout au plus, s'arrêter sur le cas où ce serait un mari qui, en faisant un don à sa femme, ayant des enfans de leur union, ou même d'un premier mariage, lui imposerait la condition de ne pas se remarier. On pourrait alors croire que le mari a eu de justes raisons d'imposer cette condition, et on serait fondé à invoquer le motif de la loi 62, ff. de cond. et dem., quia magis cura liberorum quàm viduitas injungeretur. ».

M. Grenier termine par dire que, pour éviter cette difficulté et les embarras qui se présenteraient, tout époux qui aurait la volonté que la disposition fût révoquée, dans le cas de secondes noces de la part de l'autre, ferait sagement de convertir le don en usufruit d'un immeuble, ou en une somme annuelle, pendant la viduité seulement, cette clause

ne pouvant éprouver de contradiction, quel que soit l'époux appelé à recueillir la disposition.

Ainsi M. Grenier ne se prononce pas d'une manière absolue, sur la question de savoir si la condition de se remarier est aujourd'hui contraire aux bonnes mœurs il admet une exception en faveur des enfans, qui devrait également s'appliquer au mari, comme à la femme, d'après la disposition générale de l'art. 900 du Code, et nous pensons que l'opinion de M. Merlin est préférable.

Il résulte de cette discussion, et des principes que nous avons établis dans les paragraphes pécédens, qu'on ne peut réputer non écrite la condition de ne pas se remarier, que lorsqu'elle a été imposée dans un contrat, sous l'empire des lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2; mais que, dans tout autre cas la condition a été valable, et est obligatoire sous l'empire du Code Napoléon, lors même qu'elle se trouve dans un acte à cause de mort, qui a été fait sous l'empire des lois de brumaire et de nivose, mais dont l'auteur a survécu à la publication de la loi du 3 mai 1803.

CONTRAT S.

Les contrats, soit purs et simples, soit conditionnels, doivent-ils étré toujours régis, et dans tous leurs effets, par la loi qui existait au moment de leur confection, lors même que les conditions ne s'accomplissent, que les effets ne se réalisent, et que l'exécution n'a lieu, que sous l'empire du Code Napoléon?

par

Nous entendons par contrat, la convention qui, suivant la définition donnée la loi I, S. I, ff. de pactis, renferme essentiellement le consentement de deux ou de plusieurs personnes dans une même chose : duorum vel plurium in idem placitum consensus ;

Ou, comme le dit Pothier, dans son excellent Traité des Obligations, une convention par laquelle deux personnes réciproquement, ou seulement l'une des deux, promettent et s'engagent ou de donner, ou de faire, ou de ne pas faire quelque chose.

La définition qui se trouve dans l'art. 1101 du Code Napoléon, est encore plus exacte: « le contrat est une convention par laquelle une ou

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