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Les institutions contractuelles elles-mêmes ne furent considérées que comme des donations à cause de mort, parce que les instituans ne se dépouillent pas actuellement de la propriété de leurs biens. (Voyez l'article Institutions contractuelles.)

Les dons mutuels de survie entre époux, stipulés pendant le mariage, furent aussi considérés comme donations à cause de mort, lors même qu'ils étaient irrévocables et faits par actes entre-vifs, parce que la condition de survie empêchait qu'il y eût dessaisissement actuel des biens donnés. (Voyez l'article Don mutuel.)

En un mot, l'irrévocabilité de la disposition ne fut plus, dans les trois espèces d'actes dont il vient d'être parlé, le caractère distinctif de la donation entre-vifs, puisque l'irrévocabilité s'attachait également, dans ces actes, aux donations à cause de mort; mais ce qui distingua toujours la donation entre-vifs, de la donation à cause de mort, ce fut le dessaisisscment actuel, plein et entier, qui avait lieu dans la première, et qui n'avait pas lieu dans la seconde.

Cette distinction que nous aurons souvent occasion d'appliquer, est très-importante pour résoudre les diverses questions qui peuvent s'élever sar la nature des donations, faites en contrats de mariage, au profit des époux, ou de leurs descendans.

§. III.

Les dons irrévocables, soit entre-vifs, soit à cause de mort, consentis avant la publication de la loi du 3 mai 1803, ( 13 floréal an 11), mais dont les auteurs ne sont décédés que postérieurement à cette publication, doivent-ils être entièrement régis,

1o. Quant à la forme des actes;

2°. Quant à la capacité du donateur et à celle du donataire;

3o. Quant à l'espèce et à la quotité des biens disponibles;

4o. Quant aux divers effets qu'ils doivent produire,

Par les lois qui étaient en vigueur au moment où les dons ont été consentis,

Et non par la loi du 3 mai 1803?

I. Cette question ne présente pas la moindre difficulté, quant aux donations entre-vifs.

Il est bien évident que la donation entre-vifs étant accomplic, parfaite ct exécutée au moment de sa confection, puisqu'à cet instant même le donateur est dépouillé de la propriété des choses données, puisqu'à cet instant même le donataire est saisi, et qu'ainsi tout est définitivement consommé, la donation ne peut être régie que par la loi en vigueur à cette époque, et qu'il répugnerait qu'elle fût soumise à une loi postéricure qui ne peut exercer aucun empire sur des actes consommés, sur des droits définitivement acquis et délivrés avant sa promulgation.

Il est bien évident encore que la donation entre-vifs ne jouirait plus réellement du privilége de l'irrévocabilité, qui est cependant son caractère essentiel, si aucuns des effets qui lui étaient attribués par la loi en vigueur au moment où elle à été consentie, pouvaient être soumis aux changemens qu'aurait introduits une loi nouvelle.

Ce serait attaquer la convention dans son essence et réduire la donation entre-vifs à une simple disposition testamentaire, que de vouloir la faire régir par la loi existante au moment du décès du donateur.

Mais si l'on veut descendre dans les détails, et d'abord quant à la forme de l'acte, ne serait-il pas absurde de prétendre que la donation qui serait revêtue de toutes les formalités prescrites par la loi en vigueur au moment de sa confection, pût cesser d'être valable, parce qu'une loi nouvelle aurait exigé d'autres formalités pour cette espèce d'actes ? Quelle peut être la forme d'un acte quelconque, si ce n'est celle qui est actuellement réglée par la loi qui est en vigueur?

Ricard, part. 1, , part. 1, no. 791, demandait à quels tems il fallait avoir égard, pour établir les incapacités de donner et de recevoir; et voici quelle était sa réponse :

« Pour ce qui concerne la donation entre-vifs, cette question est fort facile à résoudre, parce que le donateur étant obligé de se dessaisir dans le même tems qu'il donne, et la tradition étant de l'essence de la donation, elle est exécutée sitôt qu'elle est accomplie en sa forme, si bien que -n'y ayant qu'un seul tems à considérer, il n'y a pas de doute qu'il est nécessaire que le donateur soit lors capable de donner, et le donataire capable de recevoir. >>

On décidait, en conséquence, dans la jurisprudence ancienne, que la donation qui avait été faite à une personne prohibée, ne devenait pas valable la cessation de l'empêchement.

par

Quod ab initio nullum est, non convalescit defectu incapacitatis. Reg. juris.

On décidait même que, dans ce cas, une ratification expresse ne pouvait valider la donation, à moins qu'elle ne fût elle-même revêtue des formalités de la donation entre-vifs, et qu'elle n'en eût le caractère.

Soefve, cent. -11, chap. 39, cite un arrêt qui déclara nulle une donation faite par une femme à la mère de son mari, dans une coutume qui défendait de donner au mari, quoique la femme eût ratifié après la mort de son époux, et par conséquent dans un tems auquel la donataire avait cessé d'être incapable.

Un arrêt de la section des requêtes de la cour de cassation, du 8 ventose an 13, a confirmé positivement cette doctrine.

Le sieur Lafaye attaquait un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux qui avait annulé une donation entre-vifs, sur le fondement qu'à l'époque où l'acte avait été passé, le donataire était incapable de recevoir, quoique l'incapacité eût cessé depuis.

J

Le pourvoi du sieur Lafaye fut rejeté, « attendu, porte l'arrêt de la cour de cassation, qu'en jugeant qu'un individu qui reçoit, à titre de donation entre-vifs, pour être capable de recevoir à ce titre, doit avoir la capacité au moment de la donation, et qu'il ne peut l'acquérir par la suite, la cour d'appel de Bordeaux s'est conformée aux principes de la matière et aux dispositions du statut local. >>

Les mêmes principes, les mêmes motifs veulent également que la disponibilité des biens et la quotité de la portion disponible soient réglées par la loi en vigueur au moment de la donation, puisqu'à cette époque le donateur devant se dessaisir de la propriété des choses données, il est bien évident qu'il ne peut se dessaisir, par donation, que des biens dont la libre disposition lui est alors permise, et qu'ainsi la donation ne peut valablement comprendre que les biens qui étaient alors disponibles.

En un mot, tous les effets d'une donation entre-vifs, doivent être constaniment régis par la loi qui était en vigueur au moment de l'acte, et lors même que cette loi a été abrogée, parce qu'il est hors de doute que les parties, en contractant d'une manière irrévocable sous son empire, ont youlu que leurs conventions fussent réglées par cette loi qui leur servait de règle ; qu'ainsi leur volonté serait violée, et que l'irrévocabilité du con,

trat serait rompue, si les conventions étaient réglées d'une manière dif férente, dans quelques-uns de leurs effets, par une loi nouvelle.

Il faut donc décider d'une manière générale, absolue, et sans aucune restriction, que , que la donation entre-vifs, consentie ayant la publication de la loi du 3 mai 1803, mais dont l'auteur n'est décédé que postérieurement à cette publication, doit être entièrement régie par la loi qui existait au moment de l'acte, et non par la loi du 3 mai 1803.

Nous allons appliquer cette décision à quelques cas particuliers.

1o. Suivant l'art. 39 de l'ordonnance de 1731, toute donation entrevifs faite par une personne qui n'avait pas d'enfans, ou de descendans, actuellement vivans, demeurait révoquée, de plein droit, par la légitimation d'un enfant naturel par mariage subséquent,

La disposition de cet article étant générale, il était indifférent que l'enfant légitimé par mariage subséquent, fût né avant qu après la donation: l'article ne faisait à cet égard aucune distinction.

Telle était l'opinion de Furgole, et elle a été consacrée par un arrêt de la cour de cassation, du 28 frimaire an 13, qui a rejeté le pourvoi de Louis-Casimir Lebrun, contre un arrêt de la cour d'appel de Dijon.

Mais le Code Napoléon contient, pour l'avenir, une disposition différente l'art. 960 n'accorde la révocation en faveur de l'enfant naturel légitimé par mariage subséquent, que dans le cas où cet enfant est né depuis la donation.

1

Faudrait-il donc suivre la disposition de cet article, à l'égard d'une donation consentie avant la publication de la loi du 3 mai 1805; si l'enfant naturel était déjà né avant la donation, et que le donateur ne soit mort que sous l'empire du Code?

La négative ne peut être douteuse. Il faut suivre la règle qui existait, la disposition qui était en vigueur, lorsque la donation a été faite. La loi du 5 mai 1805, ne doit régir que les donations faites sous son empire: elle ne pourrait, sans un effet rétroactif, soustraire une donation entre-vifs, faite avant sa publication, à une cause de révocation qui se trouvait admise par la loi alors existante.

2o. L'article 39 de l'ordonnance de 1731, exemplait formellement de la révocation pour cause de survenance d'enfans, les donations entre-vifs faites en faveur de mariage, par les conjoints ou les ascendans, et il résultait de ces expressions générales, par les conjoints, que les donations faites en

contrat de mariage, par les conjoints, ou par l'un d'eux, en faveur d'un ou plusieurs des enfans à naître du mariage, se trouvaient exemptées de la révocation, quoiqu'il survînt d'autres enfans.

Mais le Code Napoléon n'a pas admis cette dernière exception, puisque l'art. 960 n'exempte de la révocation pour cause de survenance d'enfans," que les donations entre-vifs faites, en faveur de mariage', par les ascendans aux conjoints, ou par les conjoints l'un à l'autre : il est clair que ces dernières expressions, absolument limitatives, ne permettent pas d'étendre l'exemption aux donations entre-vifs, faites par les conjoints, même dans leur contrat de mariage, en faveur d'un ou de plusieurs de leurs enfans à naître.

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Ces donations seront-elles donc révoquées, conformément à l'art. 960 du Code, si elles sont antérieures à la publication de la loi du 3 mai 1803, mais que le donateur ne soit décédé qu'après cette publication, ou si les enfans dont la survenance pourrait opérer la révocation, sont nés sous l'empire du Code?

Il résulte encore des principes établis, que ce n'est pas conformément à l'art. 960 du Code, que la question doit être décidée, mais suivant l'art. 39 de l'ordonnance qui était en vigueur au moment où les donations ont été faites, et qu'en conséquence ces donations ne seront pas sujettes à révocation par la survenance d'enfans, même de ceux qui seraient nés postérieurement à la publication de la loi du 3 mai 1803.

5o. Les donations entre-vifs faites par contrat de mariage, à l'un des conjoints, étaient, avant le Code Napoléon, sujettes à l'action révocatoire pour cause d'ingratitude.

Presque tous les auteurs étaient unanimes à cet égard, et une foule d'arrêts l'avaient ainsi jugé.

Et, en effet, la loi dernière, au Code de revocandis donationibus, qui avait été admise par la jurisprudence, même dans les pays coutumiers, disposait, d'une manière générale, sans aucune distinction, que l'ingratitude du donataire était une cause suffisante pour faire révoquer la donation. GENERALITER sancimus OMNES donationes, lege confectas, firmas illibatasque manere, si non donationis acceptor ingratus circà donatorem inveniatur.

C'eût donc été violer la loi, que d'adopter en faveur des donations par

i..

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