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contrats de mariage, une exception que la généralité des expressions de la loi repoussait textuellement.

Mais le Code Napoléon, art. 959, dispose, au contraire, que les donations en faveur de mariage, ne seront pas révocables titude.

pour cause d'ingra

Pourrait-on soutenir, en vertu de cet article, que les donations entrevifs, faites par contrats de mariage, antérieurement à la publication de la loi du 3 mai 1803, ne seraient pas révocables pour faits d'ingratitude postérieurs à cette loi?

Mais il est évident que ce serait altérer l'essence, la nature et les effets de ces donations, que ce serait les soustraire à l'empire de la loi sous laquelle elles ont été faites, que ce serait violer les conventions des parties qui ont traité sur la foi de cette loi, et qu'enfin ce serait donner au Code Napoléon un effet rétroactif sur des contrats qui étaient définitivement et irrévocablement consommés avant sa publication.

Il ne s'agit pas ici d'une forme de procéder, qui puisse être changée par une loi, nouvelle : il s'agit d'une cause de révocation qui tient à l'essence même du contrat.

En un mot, la donation ayant été dès son origine, et en vertu de la loi sous l'empire de laquelle elle a été faite, révocable pour cause d'ingratitude, elle doit conserver constamment ce caractère : autrement, elle est dénaturée, et elle n'existe plus telle qu'elle a été convenue par les parties. 4o. Nous prouverons, par la suite, que les autres causes de révocation, les rapports, les retours, les retranchemens et réductions, doivent être également réglés par la loi en vigueur au moment de la donation. (Voyez les articles Rapport à succession, Réduction, Retour, Révocation.)

II. Tout ce que nous avons dit à l'égard de la loi qui doit constamment régir les donations entre-vifs, s'applique-t-il également aux donations irrévocables à cause de mort?

On a vu que les principes que nous avons invoqués à l'égard des donations entre-vifs, portent tous sur l'irrévocabilité de la convention ; ils sont done tous également applicables aux donations à cause de mort, qui sont irrévocables de leur nature.

Tous les effets de ces donations doivent donc être régis, comme ceux des donations entre-vils, par la loi existante au moment où elles ont été consentics, et non par la loi existante aux décès des donateurs.

Sous ce rapport, les donations irrévocables à cause de mort, toujours assimilées aux donations entre-vifs, et l'on en trouve la dans toutes les législations.

furent

preuve

L'ordonnance de 1731, après avoir établi, sur divers points, des règles nouvelles à l'égard des donations entre-vifs, et particulièrement par l'art. 3, à l'égard des donations à cause de mort, prévit, quant aux donations antérieures à sa publication, la même question qui nous occupe, en ce moment, sur les donations antérieures à la promulgation du Code Napoléon il s'agissait alors, comme aujourd'hui, de savoir si les donations antérieures à la loi nouvelle, scraient jugées conformément à cette loi, ou suivant les règles établies par les lois en vigueur au moment où ces donations avaient été consenties.

:

Or, voici comment l'ordonnance décida la question.

« Abrogeons, porte l'art. 47, toutes ordonnances, lois, coutumes, statuts, usages différens, ou qui seraient contraires aux dispositions y contenues; sans néanmoins que les donations faites avant ladite publication, puissent être attaquées, sous prétexte qu'elles ne seraient pás conformes aux règles par nous prescrites, notre intention étant qu'elles soient exécutées ainsi qu'elles auraient pu et dú l'étre auparavant, et que les contestations nées et à naître sur leur exécution, soient décidées suivant les lois et la jurisprudence qui ont eu lieu jusqu'à présent dans nos cours à cet égard.»

On trouve le même principe établi et proclamé dans l'art. 55 de l'ordonnance de 1747, qui prescrivit expressément que les contestations nées ou à naître sur la validité ou l'interprétation des actes portant substitution, ou sur l'irrévocabilité de celles faites par contrats de mariage, ou autres actes entre-vifs, seraient jugées suivant les lois et la jurispru– dence qui étaient observées auparavant dans les cours, lorsque ces substitutions avaient des dates antérieures à la publication de l'ordonnance.

Le même principe a encore été solennellement consacré par l'art. 1o. `de la loi du 18 pluviose an 5.

Il était question de régler le rapport de l'effet rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2, qui avaient annulé toutes les donations, même irrévocables, soit entre-vifs, soit à cause de mort, consenties avant leur publication, depuis et compris le 14 juillet 1789, quoique les dispositions à titre gratuit n'eussent été prohibées que par la loi du 7 mars 1795,

en ligne directe, et par celle du 5 brumaire an 2, en ligne collatérale, ou entre individus non parens.

Que fit la loi du 18 pluviose an 5?

Elle distingua entre les dispositions qui étaient irrévocables de leur nature, et celles qui étaient purement révocables; et abrogeant, à l'égard des premières, l'effet rétroactif des lois des 5 brumaire et 17 nivose, elle maintint, non-seulement dans les successions échues, mais encore dans les successions à échoir, toutes les dispositions irrévocables consenties, en ligne directe, avant la publication de la loi du 17 mars 1793, et en ligne collatérale, ou entre individus non parens, avant la publication de la loi du 5 brumaire an 2.

Elle ordonna, de plus, que toutes ces dispositions irrévocables, définitivement maintenues, auraient leur plein et entier effet, conformément

aux anciennes lois.

Et il faut bien remarquer que la loi du 18 pluviose, ne fit pas de distinction entre les dispositions irrévocables qui étaient entre-vifs et les dispositions irrévocables qui étaient à cause de mort; elle les maintint toutes également, conformément aux lois sous l'empire desquelles elles avaient été faites, et désigna même expressément les institutions contractuelles qui ne sont que des donations irrévocables à cause de mort.

Voudrait-on faire admettre des principes différens sous l'empire du Code Napoléon? Comment supposer que le Code n'ait pas également voulu respecter toutes les donations irrévocables, antérieures à sa publication? Comment supposer qu'il ait eu l'intention de les atteindre et de les régir par des dispositions qui seraient évidemment rétroactives, lorsqu'il a pris soin, au contraire, de déclarer, par son art. 2, que la loi ne dispose que pour l'avenir, et n'a point d'effet rétroactif? Cette déclaration n'est-elle pas une proclamation solennelle, mais générale et absolue, du principe que l'ordonnance de 1731, celle de 1747, et la loi du 18 pluviose an 5, n'avaient eu besoin de rappeler qu'à l'égard des dispositions à titre gratuit?

On peut ajouter que la jurisprudence des tribunaux fut constamment uniforme sur ce point, et il serait facile de citer une foule d'arrêts; mais nous nous bornerons à en citer quatre qui ont particulièrement statué sur des donations à cause de mort.

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Le premier se trouve déjà rapporté, à l'article Conditions concernant les mariages.

On y a vu que, par un contrat de mariage, du 21 novembre 1789, le sieur Luciot fit donation à sa future épouse, de mille livres de rente annuelle et viagère, exemptes de toutes impositions, pour, de la part de ladite future épouse, en jouir sa vie durant, seulement à compter du décès dudit sieur futur époux, soit qu'il y eut des enfans, ou non, dudit mariage, et sous la condition expresse qu'elle ne convolerait pas en secondes noces, et qu'en cas de convol, ladite rente demeurerait éteinte et amortie;

Que le sieur Luciot décéda le 18 pluviose an 5, et que sa veuve se remaria, le 11 floréal an 6;

Qu'alors s'éleva entre les héritiers du sieur Luciot, et sa veuve remariée, la question de savoir si la condition de viduité, apposée à la donation, devait être jugée conformément à la loi qui était en vigueur au moment du contrat de mariage, et qui déclarait cette condition valable, ou suivant la loi du 17 nivose an 2, encore existante au moment du décès du sieur Luciot et du second mariage de sa veuve, et qui réputait cette condition non écrite

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Qu'un jugement du tribunal d'appel de Paris, du 1. fructidor an 8, déclara la condition étant contraire à la liberté et aux bonnes mœurs,

que

suivant la loi du 17 nivose an 2, ne pouvait valoir en aucun tems, à quelque époque qu'elle cút été stipulée;

Mais que ce jugement a été cassé par un arrêt de la cour de cassation du 20 janvier 1806, qui a décidé expressément que la condition dont il s'agit, étant une convention, devait être jugée suivant la loi existante au moment de la donation.

« Considérant, porte l'arrêt, que l'effet rétroactif qui commence là où l'on dépasse la limite de la publication dans l'exécution d'une loi, laquelle contraric un système de législation qui a été en vigueur jusqu'alors, s'at, tache nécessairement à une disposition législative ainsi reportée aux époques antérieures, et que l'effet rétroactif étant rapporté, il ne peut plus servir de motif pour appliquer la loi aux conventions faites avant sa publication....; que, suivant les termes mêmes de la réponse à la huitième question insérée dans la loi du 9 fructidor an 2, la validité des dons entre époux est une opération des conventions, et non de la nature; qu'ainsi étant

faites par acte public devant notaires, l'effet doit en être régi par les lois qui les régissaient au moment où elles ont été faites, à la différence des testamens et des codicilles pour lesquels on ne considère que le tems de la mort du testateur, etc. »

Un autre arrêt rendu par la cour de cassation, le 7 ventose an 13, a décidé formellement, à l'égard d'une disposition irrévocable à cause de mort, que la disponibilité des biens devait être réglée par la loi en vigueur au moment de la donation, et non par la loi existante au moment de la mort du donateur ; c'est-à-dire, que le donataire devait avoir tous les biens donnés, qui étaient disponibles de la part du donateur, au mo¬ ment où la donation avait été consentie, quoique ces biens fussent tous ou en partie, devenus indisponibles suivant la loi en vigueur au moment du décès du donateur; et, vice versa, que le donataire ne devait pas avoir ceux des biens donnés, qui étaient indisponibles au moment de la donation, quoique ces biens eussent été déclarés disponibles, par la loi sous l'empire de laquelle était décédé le donateur.

Cette dernière décision a été critiquée par de célèbres jurisconsultes; mais, après y avoir mûrement réfléchi, nous sommes restés convaincus qu'elle était fondée sur la nature même de la convention, qu'elle était une conséquence nécessaire du principe inviolable de la non rétroactivité des lois ; et nous allons essayer de l'établir, en répondant aux objections qui ont été faites.

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Et, d'abord, on ne peut disconvenir que, si la donation à cause de mort est de nature irrévocable, les droits du donataire ne soient fixés et déterminés, à l'instant même de la donation. Dès cet instant même, les droits qui lui ont été donnés, lui sont définitivement acquis; il en est même irrévocablement saisi, sauf l'exercice et la jouissance qui demeurent suspendus jusqu'à la mort du donateur.

Ces droits ne peuvent donc varier; autrement, ils ne seraient pas réellement irrévocables.

Ils ne peuvent donc être mi augmentés, ni diminués, par une loi postérieure qui ne peut exercer aucun empire sur les conventions irrévocables, antérieures à sa promulgation.

La quotité des biens que le donataire recueillera, peut bien varier, si le donateur a conservé la faculté d'aliéner, s'il n'a donné que les biens dont il se trouverait propriétaire au moment de son décès; mais la quo

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