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Qu'il en résulte que la simulation entre personnes qui sont capables de donner et de recevoir, ne vicie pas la donation des choses disponibles, mais que sculement elle fait annuler la donation des choses indisponibles; Et qu'il est évident que cette distinction qui frappe uniquement sur les choses, doit être admise pour le même acte qui comprend tout à la fois des choses disponibles et des choses indisponibles, comme elle serait admise pour deux actes distincts dont l'uu nè comprendrait que les biens de la première espèce, et l'autre ne comprendrait que des biens de la seconde,

D'autre part, on peut répondre qu'il faut considérer et juger l'acte dans son ensemble et dans l'intention de son auteur, que lorsqu'un acte comprend, sous les apparences d'un contrat onéreux, une donation réelle de biens disponibles et de biens indisponibles, il est évident que le donateur a eu l'intention de déguiser, par une voie indirecte, une disposition faite en fraude de la loi, et qu'il a eu pour objet d'éluder la prohibition légale ; qu'ainsi la donation qu'il a faite en masse et sans aucune distinction des biens, doit être jugée telle qu'elle a été faite, comme ne formant qu'une seule et même donation, et que se trouvant en masse, atteinte d'une simulation frauduleuse, on ne peut la juger que comme ayant été faite toute entière, suivant l'intention de son auteur, pour éluder la loi.

On peut ajouter encore à l'appui de cette opinion, que, suivant l'ordonnance de 1731, les donations étaient indivisibles, qu'elles ne pouvaient être nulles quant à une partie des biens donnés, et valables quant aux autres biens, et qu'en effet cette ordonnance, après avoir permis de comprendre, dans une donation entro-vifs, tous les biens présens et disponibles du donateur, et avoir défendu d'y comprendre les biens à venir, déclare nulle, pour le tout, et même quant aux biens présens, une donation qui comprend tout à la fois des biens présens et des biens à venir, Art. 15.)

De ces deux opinions, la première est celle qui nous semble se concilier le mieux avec les principes que nous avons adoptés, au paragraphe précédent..

Suivant ces principes, un acte qui, sous la forme d'un contrat onéreux, contient une donation réelle de choses disponibles, entre personnes capables de disposer et de recevoir, doit être jugé comme un contrat onéreux, et il est valable avec les formes propres à cette espèce de contrat.

Contractus simulatus, a dit le président Faber, valet secundùm id quod actum est, si eo modo valere possit.

S'il fallait juger cet acte comme une donation, il serait soumis aux formalités particulières aux donations, et conséquemment il serait nul, lorsqu'il ne serait pas revêtu de toutes ces formalités; mais nous avons vu dans le paragraphe précédent, qu'il a été décidé, par plusieurs arrêts de la cour de cassation, et notamment par celui du 13 vendémiaire an 11, que l'acte dont il s'agit, n'était pas sujet aux formalités des donations. Ainsi, dans un acte qui, sous la forme d'un contrat onéreux, contient donation de biens disponibles et de biens indisponibles, entre personnes capables, il y a réellement deux dispositions très-distinctes, l'une relative aux biens disponibles, qui doit être jugée conformément aux règles des contrats onéreux, et l'autre relative aux biens indisponibles, qui doit être jugée conformément aux règles des donations.

Tous les jours, on voit des actes qui contiennent deux espèces différentes de conventions, dont chacune doit être jugée séparément par les règles qui lui sont particulières.

On ne peut done appliquer à l'acte que nous examinons en ce moment, l'article 15 de l'ordonnance de 1731, puisque, dans le cas prévu par cet article, il s'agit d'un acte qui ne renferme pas deux espèces différentes de contrats, mais deux donations véritables, l'une des biens présens, l'autre des biens à venir, et que le législateur, en les proscrivant l'une et l'autre, ́ a eu, sans doute, l'intention de renforcer la prohibition qu'il faisait de disposer des biens à venir, par acte entre-vifs, autrement que par contrat de mariage, intention qui ne peut recevoir aucune application à notre espèce.

D'ailleurs, il n'est pas vrai de dire que, par une donation déguisée de biens disponibles et de biens indisponibles, le donateur ait eu pour objet, ' dans l'ensemble de l'acte, et pour les biens de la première espèce, comme pour ceux de la seconde, d'éluder une prohibition légale et d'agir en fraude de la loi.

Il ne pouvait avoir cet objet à l'égard des biens disponibles, puisqu'à l'égard de ces biens il n'existait aucune prohibition légale, puisque la loi lui permettait d'en disposer librement, en faveur de qui bon lui semblait. Ce n'est donc qu'à l'égard des biens indisponibles seulement, qu'il peut avoir eu l'intention et l'objet d'éluder la prohibition légale et de substituer à la volonté de la loi sa volonté personnelle.

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En un mot, quant aux biens disponibles, il n'a pas violé la loi, lorsqu'il en a fait donation: il n'a violé la loi, qu'en disposant à titre gratuit, de biens indisponibles à ce titre.

On ne peut donc confondre ces deux espèces bien différentes de dispositions gratuites, quoiqu'elles soient comprises dans le même acte, puisque P'une était permise par la loi, et que la seconde était formellement prohibée.

Quoiqu'elles soient faites conjointement, elles ne sont pas indivisibles, puisque l'une peut aisément subsister sans l'autre, et que rien n'est plus facile que de laisser au donataire les biens qui étaient disponibles, et de restituer aux héritiers du donateur, les biens dont il ne pouvait être légalement disposé à leur préjudice.

Le moyen qui a été pris pour les déguiser l'une et l'autre, ne doit pas avoir, à l'égard de l'une et de l'autre, le même résultat, puisqu'il est convenu, d'après les principes que nous avons adoptés, que ce moyen de simulation ne vicie pas la donation des biens disponibles, et que seulement il doit faire annuler la donation des biens indisponibles, attendu qu'il ne peut être considéré comme frauduleux que dans le second cas.

Si les deux dispositions avaient été faites par des actes séparés, il n'y aurait pas la moindre difficulté à juger l'une valable, puisqu'elle ne violerait pas la loi, et l'autre nulle, comme faite en fraude de la prohibition légale ; mais il doit en être évidemment de même, quoiqu'elles se trou vent comprises dans le même acte, parce qu'elles sont nécessairement distinctes et par leur nature et par leur objet, et parce que les choses ne sont indivisibles.

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Et enfin la distinction et la division doivent avoir lieu pour cet acte, comme elles avaient lieu pour une donation excessive qui blessait la légitime fixée par la loi.

Cette donation n'était pas anéantie, parce qu'elle comprenait une portion de biens dont il n'avait pas été permis de disposer au préjudice des légitimés; mais on opérait le retranchement de cette portion en faveur des héritiers ayant droit à la légitime, et l'on maintenait la donation, quant aux autres biens dont le donateur avait eu la libre disposition.

Il devait en être de même à l'égard d'un acte qui contenait, tout à la fois, donation de biens disponibles et donation de biens indisponibles. On devait retrancher cette dernière espèce de biens, dont la disposition n'était pas permise, et l'acte n'en restait pas moins valable pour les autres biens dont la loi existante autorisait la donation.

§. III.

La donation déguisée sous la forme d'un contrat onéreux, était-elle affranchie de la révocation pour cause de survenance d'enfans?

La négative ne peut être douteuse.

Toute donation étant soumise à la révocation pour cause de survenance d'enfans, dans le cas prévu par l'art. 39 de l'ordonnance de 1731, il ne pouvait être permis d'éluder cette disposition de l'ordonnance, en déguisant la donation sous la forme d'un contrat onéreux.

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Le droit de révocation appartient aux enfans qui surviennent après la donation : c'est un droit qu'ils tiennent de la nature, et que la loi n'a fait que consacrer; leur père n'a donc pu les priver de ce droit, les priver de ce droit, en pratiquant

une fraude.

Il suffisait donc qu'il fût prouvé que le contrat à titre onéreux renfermait une donation réelle, pour que le principe de la révocation lui fùt applicable. Cette décision n'a rien de contraire aux principes établis dans les précédens paragraphes.

Suivant ces principes, la donation déguisée sous la forme d'un contrat onéreux, était bien valable dans cette forme, quoiquelle ne fût pas revêtue des formalités particulières aux donations ; mais il n'en résulte pas qu'elle dût avoir, au fond, des effets plus étendus que la donation pure et simple, lorsqu'il était jugé qu'elle était réellement une donation déguisée. Il y aurait eu simulation en fraude de la loi, si on avait donné à la donation la forme d'un contrat onéreux, pour la soustraire à la révocation, en cas de survenance d'enfans, et tout ce qui a été dit dans les précédeas paragraphes, tend à prouver qu'il n'y avait de simulations permises, que celles qui n'avaient pas pour objet d'agir et de disposer en fraude de la loi.

§. IV.

La donation qui avait été déguisée par interposition de personnes, c'est-à-dire, qui avait été consentie, non au vé itable dona'aire, mais à une personne interposée, était-elle nulle, lorsque la totalité des biens donnés était disponible en faveur du donataire véritable? Etait-elle nulle pour le tout, lorsqu'une portion des biens donnés était indisponible?

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Il est évident que tous les principes et tous les motifs que nous avons développés dans les deux premiers paragraphes, en faveur de la donation

déguisée sous la forme d'un contrat onéreux, s'appliquent, dans les mêmes cas, à la donation déguisée par interposition de personnes, et qu'en conséquence ces deux espèces de donations doivent également valɔır, quant aux biens qui étaient disponibles en faveur du donataire.

On a vu dans l'arrêt de la cour de cassation, du 6 pluviose an 11, que, 'suivant les dispositions des lois romaines, et l'avis des auteurs les plus célèbres, les simulations, en général, ne sont pas frappées de l'anathème de la loi, parce qu'elle permet tout ce qu'elle ne défend pas, et qu'en matière de simulation de contrat, pour qu'elle soit jugée frauduleuse, il faut que celui qui en fait usage, ait eu principalement pour objet d'éluder, par cette voie indirecte, la prohibition légale qui ne peut tomber

la chose ou la personne.

que sur

Il n'y a donc pas de simulation frauduleuse, lorsque les biens donnés sont disponibles en faveur du donataire, quoique le nom du donataire ait été déguisé, et que la donation lui ait été faite sous le nom d'une personnes interposée, pas plus qu'il n'y aurait simulation frauduleuse, si la donation lui avait été faite dans la forme d'un contrat à titre onéreux. Dans l'un ni l'autre cas, il n'y avait próhibition légale : dans l'un ni l'autre cas, la loi ne s'opposait à une donation directe, et conséquemment on ne peut pas dire que le donateur ait eu l'intention d'éluder ou de 'violer la loi, en prenant une voie indirecte.

Peu importe donc quels ont été les motifs de l'interposition de personne. Il suffit qu'il n'ait rien été fait en fraude de la loi, au préjudice des héritiers du donateur, pour que ces héritiers n'aient pas le droit de se plaindre.

§. V.

Les dispositions à titre gratuit, antérieures au Code Napoléon, qui avaient été déguisées ou sous la forme de contrats à titre onéreux, ou par interposition de personnes, ont-elles été annulées par la loi du 3 mai 1803, lorsque les donateurs ou testateurs sont décédés sous l'empire de cette loi?

Pour la décision de cette question, il est inutile de distinguer, conformément aux principes établis à l'article Donations, §. III, entre les dispositions qui étaient irrévocables, comme celles consiguées dans des contrats, et celles qui étaient révocables, comme des legs faits à des personnes interposées.

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