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Il suffit de faire remarquer que, sous l'empire du Code Napoléon, comme sous l'empire de l'ordonnance de 1731, les donations déguisées sont valables, en quelque forme qu'elles aient été faites, à quelques personnes qu'elles aient été consenties, lorsque les biens donnés étaient disponibles, et que les donataires avaient capacité de les recevoir.

Nulle part, le Code ne réprouve les donations indirectes ou tacites, lorsqu'elles ne sont pas faites en fraude de ses dispositions.

Ses articles 893 et 931 sont absolument semblables aux articles I et 2 de Fordonnance de 1751, et doivent être conséquemment interprétés de la

manière.

D'ailleurs, l'art. 911 du Code, en disant que toute disposition au profit d'un incapable, sera nulle, soit qu'on la déguise sous la forme d'un contrat onéreux, soit qu'on la fasse sous le nom de personnes interposées, laisse nécessairement supposer que, hors les cas de simulation ou de fraude pratiquées pour éluder la loi, on ne peut attaquer des actes revêtus de formes légales, sous le prétexte qu'ils renferment des libéralités déguisées ou indirectes.

Il eût été inutile de dire particulièrement à l'égard d'une disposition faite au profit d'un incapable, qu'elle serait nulle, lorsqu'elle aurait été déguisée ou sous la forme d'un contrat onéreux ou par interposition de personnes, si toute disposition ainsi déguisée, se trouvait annulée Code, lors même qu'elle était faite au profit d'une personne capable de

recevoir.

par le

Tel est l'avis de M. Grenier, dans son Traité des Donations et des Testamens, tom. 1, pag. 392.

DONATIONS EN FAVEUR DES ÉPOUX, OU DE LEURS DESCENDANS, PAR LEUR CONTRAT DE MARIAGE,

S. Ir.

Quelle était la nature d'une donation de biens présens, ou de biens présens et à venir, ou de biens à venir seulement, ou des biens que le donateur aurait à son décès, lorsqu'elle avait été faite en faveur des époux, ou de l'un d'eux, ou de leurs descendans, par › par leur contrat de mariage? Etait-elle, dans tous les cas, irrévocable, s'il n'y avait pas eu stipulation contraire?

Par quelle loi doit-elle étre régie, lorsqu'elle est antérieure à la publication de la loi du 3 mai 1803 ( 13 floréal an 11), et que le donateur est décédé postérieurement à cette publication?

I. Il était de principe, dans l'ancien droit romain, qu'il n'y avait de véritable donation entre-vifs, que celle où le donateur se dépouillait actuellement de la propriété de la chose donnée, et la transférait irrévocablement au donataire : liberalitas, nullo jure cogente, in accipientem collata.

Ce principe fut un peu altéré par le nouveau droit; mais il fut entièrement rétabli par l'ordonnance de 1731.

Ainsi, depuis cette ordonnance, la donation entre-vifs ne put comprendre que les biens présens du donateur, puisque les biens présens sont les seuls dont la propriété puisse être actuellement transmise. Si elle comprenait des biens présens et des biens à venir, elle était nulle pour le

tout,

Il fallait, en outre, que la propriété fût transmise d'une manière irrévocable, c'est-à-dire, que le donateur s'en fût dessaisi entièrement et définitivement, en faveur du donataire, sans pouvoir ni la reprendre, ni en disposer à aucun titre, ni la grever d'aucunes charges ni conditions dont l'exécution dépendît de sa volonté.

De là vint cette maxime des pays coutumiers, donner et retenir ne

vaut,

Il ne pouvait donc y avoir qu'une disposition à cause de mort, dans tous les cas où le donateur ne se dépouillait pas actuellement et irrévocablement. Cette disposition même était nulle, si elle avait été faite dans la forme d'une donation entre-vifs: elle n'était valable que dans la forme du testament ou du codicille, et conséquemment toujours révocable.

Cependant l'ordonnance de 1731 admit, en faveur des mariages, plusicurs exceptions à ces règles générales.

Par l'article 5, elle permit de faire des donations à cause de mort, au profit des époux, ou de l'un d'eux, et même de leurs descendans, par leur contrat de mariage, quoique généralement les dispositions à titre gratuit ne pussent être faites que dans la forme des donations entre-vifs, ou dans celle des testamens ou des codicilles.

Elle permit encore, par l'art. 17, de faire au profit des époux, ou de l'un d'eux, ou de leurs descendans, par leur contrat de mariage, dos donations de biens présens et de biens à venir conjointement, quòique

dans les autres actes, on ne pût comprendre les biens présens et les biens à venir, dans la même disposition.

Suivant l'art. 18, les donations de biens présens, consenties aux époux, ou à l'un d'eux, ou à leurs descendans, par contrat de mariage, purent être faites aux conditions que les donataires paieraient indistinctement toutes les dettes et charges des successions des donateurs, même les légitimes indéfiniment, et sous d'autres conditions dont l'exécution dépendrait de la volonté des donateurs.

Et il résulte de ces dernières expressions, que le donateur en contrat de mariage, pouvait même se réserver la propriété pendant sa vie, des biens présens qu'il donnait, ou déclarer qu'il ne donnait que ceux de ses biens présens qu'il aurait au moment de son décès, quoiqu'en géné– ral les biens présens ne pussent être valablement donnés qu'avec tradition réelle et dessaisissement actuel de la part du donateur.

Mais la donation contractuelle qui contenait, à l'égard des biens présens, cette réserve de la propriété, n'était qu'une donation à cause de mort, parce qu'elle se référait à la mort du donateur, qu'elle ne produisait son effet qu'à cette époque, et qu'enfin, dans tous les cas et sans exception, il était de l'essence de la donation entre-vifs, qu'elle contint dessaisissement actuel de la part du donateur. ( Voyez l'art. Donations.)

Enfin, l'irrévocabilité qui n'appartenait en général qu'aux donationsentre-vifs, fut encore attachée aux dispositious de biens à venir et à toutes les autres dispositions à cause de mort, faites aux époux, ou à l'un d'eux, ou à leurs descendans, par leur contrat de mariage, de même qu'elle ́ était attachée aux institutions contractuelles.

Ces dispositions étaient irrévocables en ce sens, que les donateurs ne pouvaient pas les révoquer ad nutum, comme les anciennes donations à cause de mort, ou comme de simples dispositions testamentaires; qu'ils ne pouvaient en changer ni en aggraver les conditions; et que les donataires avaient un droit acquis, à compter de leur contrat de mariage, et non pas seulement à compter du décès des donateurs..

Cette irrévocabilité tenait à la nature même de l'acte. Les contrats de mariage qui sont les actes les plus importans de la société civile, jouirent constamment de la plus grande faveur. Ils étaient susceptibles de toutes sortes de stipulations au profit des conjoints ou de leurs descendans : il était permis d'y insérer toutes les clanses qu'on voulait adopter, pourvu qu'elles ne fussent pas expressément prohibées par les lois, ou contraires,

aux bonnes mœurs, et toutes les conventions que l'on y consignait au profit des époux, ou de leurs descendans, étaient incommutables, comme le mariage même en faveur duquel elles étaient faites.

Cependant les donateurs pouvaient aussi se réserver la faculté entière de révoquer à leur gré, les donations de biens à venir et toutes autres dispositions à cause de mort, consenties en contrats de mariage; mais lorsque la réserve n'en avait pas été faite expressément, l'irrévocabilité était de droit.

Telles étaient les règles particulières établies à l'égard des donations faites en contrats de mariage, et il est facile, en les appliquant, de déterminer quelle était la nature de chacune de ces donations qui pouvaient être diversement stipulées.

1o. Si la donation ne transférait pas, à l'instant même, au donataire, la propriété des choses données, si elle ne devait avoir son effet qu'après la mort du donateur, ou que sur les biens que le donateur aurait à son décès, elle n'était qu'une donation à cause de mort, même à l'égard des biens présens, quelle que fût la dénomination qu'on lui eût donnée, et cependant elle était de nature irrévocable, lorsqu'il n'y avait pas eu de stipulation contraire insérée dans le contrat de mariage qui contenait la disposition. 2o. Si la donation comprenait cumulativement et des biens présens, avec dessaisissement actuel de la part du donateur, et des biens à venir qui n'étaient pas susceptibles de ce dessaisissement, il y avait réellement deux dispositions distinctes; l'une des biens présens, qui était une véritable donation entre-vifs, l'autre des biens à venir, qui était une douation à cause de mort; mais la seconde disposition était irrévocable comme la première, s'il n'y avait pas eu de stipulation contraire.

II. Pour savoir maintenant par quelle loi doivent être régies les dispositions faites en contrats de mariage, il ne s'agit plus', d'après les principes que nous avons développés à l'article Donations, §. III, que d'examiner quelle était la nature de la disposition.

Avait-elle été stipulée purement et simplement révocable? Alors elle ne conférait aucun droit lors du contrat de mariage: elle n'était réellement qu'une disposition testamentaire qui n'est devenue définitive, qui n'a été consommée qu'à la mort du donateur, et conséquemment c'est par la loi existante à cette époque, qu'elle doit être régie dans tous ses effets, et non par la loi qui était en vigueur au moment du contrat de mariage.

Mais si la disposition était irrévocable, comme elle conférait, à l'ins

lant même, au donataire, un droit certain et inaltéra' le, lors même que l'exercice ne pouvait en avoir lieu qu'à la mort du donateur, elle doit être régie, sous tons les rapports et dans tous ses effets, par la loi existante at moment où elle a été consentie.

Ainsi, à l'égard de toute donation, soit entre-vifs, soit à cause de mort, mais irrévocable, faite au profit des époux, ou de l'un d'eux, ou de leurs descendans, il ne faut consulter que la loi qui était en vigueur au moment du contrat de mariage, pour savoir, 1o. dans quelle forme elle devait être faite ; 2o. quels étaient les biens et la quotité, qui étaient dis-ponibles et dont la donation peut valoir; 3°. si le donateur et le donataire avaient également la capacité nécessaire.

Peu importe donc, pour la validité de cette donation dans la forme, que des lois postérieures aient changé la forme de ces espèces de dispositions : elle a été et reste valable, si elle est revêtue de toutes les formalités qui étaient prescrites par la loi existante au moment du contrat de mariage.

Peu importe encore que des lois postérieures aient rendu disponibles des biens qui ne l'étaient pas au moment du contrat de mariage, ou indisponibles des biens dont la disposition était permise à cette époque, ou qu'enfin elles aient augmenté ou diminué la quotité de la portion disponible: la donation produira son effet pour la totalité des biens qui étaient disponibles, lorsqu'elle a été faite; mais elle ne comprendra, ni en espèces, ni en quotité, les biens qui ne sont devenus disponibles que postéricurement, et même avant la mort du donateur.

Peu importe, enfin, que des lois postérieures aient changé les principes sur la capacité de donner et de recevoir. Pour que la donation soit valable, il suffit que le donateur et le donataire aient eu capacité, suivant la loi en vigueur au moment du contrat de mariage; mais s'ils n'avaient pas alors cette capacité, et quoiqu'elle fût survenue postérieurement, la donation nulle dans son origine, ne pourrait être valable.

Quant aux autres effets des donations irrévocables en contrats de mariage, (Voyez les articles Donations, Rapport à succession, Réduction, Retour, Révocation.)

III. Tous les principes, toutes les règles que nous avons expliqués dans les deux précédens no., sur la nature et les effets des donations en contrats de mariage, ont été reconnus et consacrés par l'arrêt de la cour de cassation, du 7 ventose an 15, que déjà nous avons cité à l'article Ɖó

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