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1731 n'y a point dérogé, puisque, d'une part, l'art. I. ne prescrit la nécessité de la rédaction devant notaire, que des enles donations entrevifs, et que, de l'autre, l'art. 3 qui assujettit la donation à cause de mort aux mêmes formes que les testamens et les codicilles, excepte nommément celles faites par contrats de mariage;

« Attendu 4°. qu'en considérant la donation comme irrévocable, et en la plaçant sur la même ligne que les institutions contractuelles, son sort, ainsi que les effets qu'elle a dû produire, ont été fixés à l'instant même où elle a été faite ; qu'en conséquence elle n'a pu comprendre que les seuls biens qui étaient alors dans la libre disposition du donateur; d'où il suit que les biens anciens ayant une autre destination déterminée par l'art. 427 de la coutume de Normandie, qui subsistait alors dans toute sa force, et qui défendait d'en disposer par donation à cause de mort, ou par testament, ne pouvaient ni ne devaient y être compris;

« Attendu 5o. qu'en le jugeant ainsi, la cour d'appel de Rouen s'est exactement conformée au texte et à l'esprit de ladite loi,

« Rejette ledit pourvoi, etc. »

Ainsi cet arrêt a expressément décidé :

1o. Qu'une donation de biens présens, faite au profit d'un époux, par son contrat de mariage, mais qui ne contenait pas dessaisissement actuel des choses données, et qui ne devait produire d'effet qu'à la mort du donateur, n'était pas une donation entre-vifs, et qu'en conséquence elle n'était pas assujettie aux formalités prescrites pour la validité des donations entre-vils;

2o. Qu'elle n'était, pour les biens présens, comme pour les biens à venir, qu'une véritable donation à cause de mort, et que cependant elle se trouvait dispensée par l'art. 3 de l'ordonnance de 1731, des formes prescrites pour les testamens et les codicilles;

3°. Qu'ayant été stipulée dans un contrat de mariage, en faveur de l'un des époux, elle était, comme une institution contractuelle, de nature irrévocable, attendu qu'il n'y avait pas de convention contraire;

4°. Qu'à raison de son irrévocabilité, son sort et les effets qu'elle devait produire, avaient été fixés à l'instant même où elle avait été faite ; qu'ils devaient être constamment régis par la loi lors existante, et non par la loi nouvelle qui se trouvait en vigueur au décès du donateur;

5o. Qu'en conséquence elle n'était valable que pour les biens qui étaient disponibles à titre gratuit, suivant la loi existante au moment de sa confection, et ne pouvait valoir, quant aux biens qui étaient indisponibles à cette époque, quoique ces biens eussent été postérieurement déclarés disponibles par une loi intervenue avant la mort du donateur. (Voyez l'article Donations, §. III.)

§. II.

Une donation faite en faveur des époux, ou de l'un d'eux, par leur contrat de mariage, de la part des ascendans, était-elle sujette à réduction, pour cause de légitime?

Est-elle sujette à la réserve, lorsque le donateur meurt sous l'empire du Code Napoléon?

(Voyez l'article Réduction, S. I, no. 4, et §. II et III.)

§.

DONATIONS ENTRE ÉPOUX, PAR LEUR CONTRAT DE MARIAGE.

Nous ne traiterons dans cet article, ni de la quotité des avantages que pouvaient se faire des époux qui avaient des enfans issus de précédens mariages, ni des effets que devaient produire à l'égard des enfans issus de lits différens, les dons et avantages faits entre les père et mère.

Nous renvoyons cette matière importante à l'article Secondes noces. Nous ne traiterons pas non plus, en ce moment, du droit qu'ont les enfans de demander la réduction des avantages faits entre leur père et mère. Nous en parlerons à l'article Réduction.

Ce sera donc indépendamment, et des exceptions qui peuvent résulter des secondes noces, et des droits que peuvent avoir entr'eux les enfans de lits différens, et du droit de réduction accordé aux enfans, que nous nous occuperons ici des donations faites entre époux, par leur contrat de mariage.

Quelle était la nature des donations, soit à titre singulier, soit à titre mutuel ou réciproque, faites entre époux, par leur contrat de ma riage?

Étaient-elles toutes irrévocables, s'il n'y avait pas stipulation contraire?

Quelle est la loi qui doit les régir, lorsqu'elles sont antérieures à la publication de la loi du 3 mai 1803 (13 floréal an 11), et que les donateurs sont décédés postérieurement à cette publication?

Il avait été admis en faveur des mariages, que les époux pouvaient se faire, par le contrat qui contenait leurs conventions matrimoniales, toutes espèces de dons et avantages, soit à titre singulier, soit à titre réciproque;

A titre singulier, lorsqu'un seul des époux donnait à l'autre ;

A titre réciproque, lorsque les deux époux se donnaient mutuelle

ment.

Dans l'un et l'autre cas, le don pouvait être

Ou des biens présens seulement,

Ou des biens présens et à venir,

Ou des biens que laisserait le premier mourant.

sens,

Chacun des époux pouvait, en outre, donner à l'autre ses biens présoit d'une manière pure et simple et sans condition, soit en forme de gain de survie, et pour le cas seulement où le donataire décéderait le dernier.

I. Nous allons examiner d'abord quelle était la nature de chacune de ces dispositions.

La donation pure et simple des biens présens, faite par l'un des époux au profit de l'autre, était évidemment une donation entre-vifs: elle dessaisissait le donateur : elle saisissait le donataire : elle était absolue, irrévocable, et aussi nous verrons qu'elle devait être insinuée, à peine de nul

lité.

Cependant le donateur pouvait stipuler, en contrat de mariage, que la donation même des biens présens n'aurait d'effet qu'après sa mort, et que, pendant sa vie, il conserverait la propriété et la jouissance de ces biens: il pouvait grever la donation de toutes les dettes et charges de sa succession: il pouvait la soumettre à toute condition dont l'exécution dépendît de sa propre volonté : il pouvait enfin la déclarer purement et simplement révocable. (Art. 18 de l'ordonnance de 1731.)

Dans tous ces cas, la disposition ne pouvait être une donation entrevifs; elle n'était qu'une disposition à cause de mort,

La donation des biens présens et à venir, faite cumulativement par l'un

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des époux au profit de l'autre, contenait deux dispositions distinctes l'une des biens présens, qui était donation entre-vifs, ou donation à cause de mort, suivant la distinction qui vient d'être établie; l'autre des biens à venir, qui ne pouvait être, dans tous les cas, qu'une disposition à cause 'de mort.

La donation faite par un des éponx au profit de l'autre, des biens qu'il laisserait à son décès, ne pouvait être aussi qu'une disposition à cause de mort elle était même nécessairement soumise à la condition de la survie du donataire, quoique cette condition n'eût pas été imposée, à moins qu'il n'y eût stipulation contraire, formellement exprimée. Toutes donations entre époux en contrat de mariage, lors même qu'elles avaient été qualifiées entre-vifs, étaient censées faites in casum supervitæ: telle était la doctrine professée par les auteurs et consacrée par la jurisprudence. (Voyez Furgole dans sa 49°. question sur les Donations.)

Cela était conforme à la loi 6, Cod. de donat. antè nuptias.

Il n'y avait exception qu'à l'égard des donations de biens présens, faites par un seul des époux au profit de l'autre, et qui étaient absolues, pures et simples, c'est-à-dire, qui n'étaient ni mutuelles, ni expressément soumises à la condition de la survie du donataire.

Cette exception a été adoptée par l'art. 1092 du Code Napoléon.

A l'égard des dons en cas de survie, faits à titre singulier, ou à titre mutuel, entre époux, par leur contrat de mariage, comme ils étaient tous subordonnés à un cas incertain, et que tous ils ne produisaient d'effet qu'au moment du décès du premier mourant des époux, on ne devait les considérer tous que comme de simples dons à cause de mort, quoiqu'ils fussent tous également irrévocables, lorsqu'il n'y avait pas eu de stipulation' contraire.

Cependant quelques auteurs sontenaient que les donations en cas de survie, qui avaient les biens présens pour objet, et lors même qu'elles avaient été faites à titre mutuel, étaient de véritables donations entrevifs, soumises à la formalité de l'insinuation, à peine de nullité.

Mais cette distinction ne peut se concilier avec les dispositions bien précises de la déclaration, en forme de lettres patentes, du 5 juillet 1769, rendue en interprétation de l'art. 20 de l'ordonnance de 1731.

Cet article de l'ordonnance avait prescrit que toutes donations, à l'exception seulement de celles faites dans les contrats de mariage en ligne directe, et

même celles qui étaient rémunératoires ou mutuelles, seraient insinuées suivant la disposition des ordonnances, à peine de nullité, et l'on en concluait que les donations, même mutuelles entre époux, ne se trouvant pas comprises dans l'exception, devaient être insinuées à peine de nullité, lorsqu'elles avaient pour objet des biens présens, qu'en conséquence elles étaient de véritables donations entre-vifs.

Mais la déclaration de 1759, décida que Part. 20 de l'ordonnance de 1731, ne devait avoir lieu que pour les donations absolues et des biens présens du mari à la femme et de la femme au mari, et par conséquent elle décida que les donations faites entre époux, même de biens présens, lorsqu'elles n'étaient pas absolues, mais seulement mutuelles et réciproques en faveur du survivant, n'étaient pas entre-vifs; et en effet, si elles avaient été entre-vifs, la déclaration interprétative les eût certainement assujetties à l'insinuation, du vivant des donateurs.

Nous ne dissimulerons pas que cette opinion, quant aux biens présens, a été fortement combattue par M. Bergier, en ses notes sur Ricard, pag. 186. Voici comment il s'explique, en parlant des lettres patentes du 3 juillet 1769;

« Le dispositif en est très-obscur, et l'on ne peut en pénétrer le vrai sens et l'esprit, qu'en le rapprochant du préambule.

» Au premier coup d'œil, on serait porté à croire que le législateur a voulu exempter de l'insinuation, du vivant du conjoint donateur, nonseulement les donations qui ne portent que sur les biens que le conjoint donateur aura à son décès, mais même celles qui ont pour objet les biens présens, pourvu que les unes et les autres ne soient faites que pour avoir lieu en cas de survie; qu'il n'a considéré, en un mot, que la condition de la survie, et qu'il a fait dépendre de cette seule condition, l'affranchissement de l'insinuation, sans s'arrêter à la nature ni à l'objet de la disposition.

» Cependant quand on y réfléchit plus particulièrement, on s'aperçoit bientôt que le législateur n'a pas eu l'intention de porter un coup aussi funeste à la sûreté publique.

>> Les donations en cas de survie, qui ont les biens présens pour objet, deviennent pures et simples, lorsque la condition de la survie arrive, et ont un effet rétroactif au moment du mariage, de manière que, si elles étaient valables sans insinuation, les créanciers postérieurs auxquels elles

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