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supérieurs qui furent créés depuis; elle ne fit donc pas loi dans une grande partie de la France.

On observait dans les pays qu'elle ne régissait pas, les dispositions du droit romain, ou de statuts locaux qui permettaient les avantages entre concubinaires, avec beaucoup de modifications.

Au parlement de Paris, l'ordonnance de 1629 fut enregistrée sans délibération libre, dans un lit de justice, et en conséquence elle tomba dans un discrédit absolu.

Ce parlement n'avait pas de jurisprudence fixe sur la matière. Plusieurs fois il maintint des donations faites entre personnes qui vivaient ensemble dans le concubinage: souvent il les annula, ou les réduisit à de simples alimens.

Cependant on peut remarquer qu'il maintenait généralement celles faites entre personnes qui vivaient dans un concubinage simple, surtout lorsque ces donations n'étaient pas excessives et qu'elles avaient pour objet, ou d'assurer des alimens aux donataires , ou de récompenser des

services rendus.

Presque tous les autres parlemens de la France en étaient venu à modifier de la même manière, la disposition de l'art. 132 de l'ordonnance de 1629.

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C'est sur cette jurisprudence, que la cour de cassation a motivé un arrêt du 1. fructidor an 13, et il est utile de le faire connaître, ainsi que l'espèce sur laquelle il est intervenu.

Le 2 floréal an 10, le sieur Fayard d'Heudicourt qui vivait en concubinage, depuis 1789, avec Victoire Halatte, et qui avait eu d'elle un enfant naturel, qu'il reconnut le 17 du même mois, fit un testament par lequel il légua, en toute propriété, à cette fille, divers biens meubles et immeubles.

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Après son décès, qui arriva le 1°, messidor an 10, Victoire Halatte demanda la délivrance du legs.

Les héritiers légitimes contestèrent. Ils soutinrent que, d'après l'art. 132 de l'ordonnance de 1629 qui n'avait pas été abrogée par les lois nouvelles, la légataire ne pouvait recueillir ce qui lui avait été donné, parce qu'elle était la concubine du testateur, soit à l'époque du testament, soit au moment du décès.

La fille Halatte invoqua l'ancienne jurisprudence, et dit que la vo

lonté évidente du testateur avait été de la récompenser des soins qu'elle lui avait donnés constamment jusqu'à son décès, et qu'au surplus la donation n'était pas excessive, puisqu'elle n'excédait pas la portion de . biens, déclarée disponible par la loi du 4 germinal an 8, sous l'empire de laquelle était mort le testateur.

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Par arrêt du 6 floréal an 12, la cour d'appel d'Amiens déclara le legs valable. Voici ses motifs:

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« Considérant qu'il résulte d'une jurisprudence constante, avant la loi du 17 nivose an 2, que les dispositions particulières faites au profit des concubinaires libres, ont toujours été maintenues, surtout lorsqu'elles n'étaient pas excessives; qu'il résulte aussi de cette jurisprudence, que l'art. 132 de l'ordonnance de 1629 n'a jamais reçu d'exécution; que les lois des 17 nivose an 2 et 4 germinal an 8, dont les dispositions sont relatives à la transmission des biens par successions ou donations, n'ont établi aucune incapacité contre les concubinaires; qu'en fait, le legs dont il s'agit, n'excède pas la quotité disponible, d'après la loi du 4 germinal an 8; - considérant que les droits de Victoire Halatte étant ouverts et acquis dès le 1. messidor an 10, ne peuvent être attaqués comme contraires à la loi du 13 floréal an II, sans donner à cette loi un effet rétroactif; considérant d'ailleurs qu'il résulte des circonstances de la cause, que la volonté du testateur a été de récompenser person-nellement Victoire Halatte, des soins qu'elle lui avait donnés constamment jusqu'à son décès. »

Les héritiers légitimes se pourvurent en cassation, mais leur requête fut rejetée par arrêt de la section des requêtes, du 1o. fructidor an 13, ainsi motivé.

« Attendu que, dût-on se référer aux dispositions de l'ordonnance de 1629, il faudrait les prendre telles qu'elles avaient été modifiées par la jurisprudence des ci-devant cours de parlement qui admettaient, rejetaient, ou modifiaient les donations de l'espèce de celle dont il s'agit, selon les circonstances et d'après les considérations qui militaient pour ou contre les donataires; que les donations de cette espèce ont été, le plus souvent, maintenues, soit lorsqu'elles étaient modiques et qu'elles avaient pour cause la récompense de services rendus, et pour objet d'assurer des alimens aux donataires, soit lorsqu'elles étaient faites entre des personnes libres ; Attendu que la donation dont il s'agit, est de

cette espèce, puisque la cour d'appel a reconnu et déclaré, en fait, qu'il résultait des circonstances de la cause, que la volonté du testateur avait été de récompenser personnellement la demoiselle Halatte, des soins qu'elle lui avait donnés constamment jusqu'à son décès, que l'un et l'autre étaient libres et non engagés dans les liens du mariage, et enfin que le legs n'excédait pas la quotité disponible d'après la loi ; d'où il suit que les vices reprochés à l'arrêt, n'existent pas, rejète, etc. >>

C'est donc un point de fait constant que, même pendant l'existence de l'ordonnance de 1629, lés dons entre concubinaires n'étaient pas généralement prohibés, qu'ils étaient, au contraire, maintenus dans plusieurs et qu'ainsi la nullité de ces dons n'était absolue, mais seulement relative et dépendante des circonstances.

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II. A-t-il été dérogé à cette jurisprudence, par les lois des 17 nivose an 2, et 4 germinal an 8.

Voici comment M. Merlin répond à cette question, dans ses questions de droit, au mot concubinage.

« Pour la validité d'une donation, dít ce magistrat, le concours de trois conditions est nécessaire : la première que la chose donnée soit' disponible; la seconde, que le donateur soit capable de donner; la troisième, que le donataire soit capable de recevoir.

» De ces trois conditions, il n'y a que la première dont les lois des 17 nivose an 2 et 4 germinal an 8, se soient occupées : ces lois n'ont parlé ni de la deuxième, ni de la troisième ; elles ont donc laissé subsister, sur la seconde et sur la troisième, toutes les dispositions des anciennes lois. >> » Prétendre qu'elles ont aboli la troisième, par cela seul qu'elles n'en ont pas dit un mot, c'est prétendre, en d'autres termes, qu'elles ont aussi aboli la seconde ; c'est par conséquent prétendre que, sous l'empire de ces lois, un mineur, un interdit pouvaient donner entrevifs, c'est-à-dire, aliéner sans retour la portion d'immeubles déclarée disponible par les lois des 17 nivose an 2 et 4 germinal an 8; c'est, par conséquent, prétendre que, sous l'empire de ces lois, un homme mort civilement pouvait, par un testament, ou par codicille, disposer de cette même portion, et en faire l'objet, soit d'une institution d'héritier soit d'un legs universel ou particulier.

» L'absurdité de ces conséquences est sensible; le principe dont elles dérivent, ne peut donc être vrai. »>

Cependant nous venons de voir que la cour d'appel d'Amiens a donné, pour l'un des motifs de son arrêt du 6 floréal an 12, que les lois des 17 nivose an 2 et 4 germinal an 8, dont les dispositions sont relatives à la transmission des biens par successions ou donations, n'ont établi aucune incapacité contre les concubinaires; et l'on trouve encore dans les motifs d'un arrêt rendu, le 19 germinal an 12, par la seconde section de la cour d'appel de Paris, que les lois nouvelles portées pendant la révolution, n'avaient pas déclaré les incapacités entre concubinaires.

Mais si ces deux cours n'ont pas entendu parler d'incapacités nou velles, et différentes de celles qui étaient établies par la jurisprudence antérieure, si elles ont voulu décider que, dans tous les cas, et indépendamment de toutes circonstances, les concubinaires avaient, sous les lois des 17 nivose et 4 germinal, la capacité générale et indéfinie de s'avantager, il est certain qu'à cet égard elles ont commis une erreur.

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Aussi la cour de cassation n'a pas fondé sur ce motif, son arrêt da 1°r fructidor an 13. Elle n'a, au contraire, considéré comme valable le legs fait à la fille Halatte, qu'à raison des circonstances de la cause, parce que le legs était une récompense, parce que le testateur et la légataire étaient libres et non engagés dans le mariage, parce que l'ancienne jurisprudence autorisait les dons de cette espèce; et ce dernier motif surtout prouve bien clairement que la cour de cassation ne pensait pas que les lois des 17 nivose et 4 germinál, sous l'empire desquelles avait été fait le legs en faveur de la fille Halatte, eussent relevé les concubinaires de toute espèce d'incapacités de se faire entr'eux des avantages. III. Mais le Code Napoléon a introduit sur la matière, une législation différente qu'il est important de bien connaître.

<«< Toutes personnes, porte l'art. 902 du Code, peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre-vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables. >>

Or, parmi les personnes que le Code déclare incapables de donner et de recevoir, ne se trouvent pas dénommées celles qui vivent ensemble dans un état de concubinage.

La prohibition n'existe donc pas à leur égard.

Et ce qui prouve encore qu'elle n'existe pas, c'est qu'elle avait été proposée dans le premier projet du Code, et qu'elle a été rejetée dans la discussion du conseil d'état:

M. Bigot Préameneu en a dit les motifs, dans son discours au Corps Législatif.

« Nous n'avons pas jugé convenable, a-t-il dit, d'étendre davantage les causes d'indignité. Il ne faut pas, sous le prétexte spécieux de remplir la volonté présumée du défunt, autoriser des inquisitions qui pourraient être également injustes et odieuses: c'est par ce motif, que nous avons cru ne devoir pas admettre quelques causes reçues cependant dans le droit romain, romme, par exemple, celles qui seraient fondées sur des habitudes criminelles entre le défunt et l'héritier, etc. »

Mais, d'autre part, il résulte des art. 908 et 911 du Code Napoléon, qu'il n'est pas toujours permis aux concubinaires de s'avantager, même sur la portion disponible.

Et, en effet, le premier de ces articles déclare les enfans naturels reconnus, incapables de rien recevoir au delà de ce qui leur est dû au titre des successions, et le second frappe de nullité toute disposition au profit d'un incapable, faite sous le nom de personnes interposées, et répute personnes interposées, les père et mère de la personne incapable.

Les père et mère d'un enfant naturel reconnu, ne peuvent donc se faire entr'eux aucunes libéralités, parce qu'elles seraient considérées comme faites indirectement en faveur de leur enfant, et dans le dessein d'augmenter sa portion, en fraude de la loi; ou, du moins, ils ne peuvent s'avantager que sur la portion même qui est attribuée par la loi à cet enfant, et en opérant la réduction, d'une manière expresse, conformément à l'art. 761 du Code.

Dans ce dernier cas, il est évident que les héritiers légitimes n'auraient pas d'intérêt à se plaindre, et ne seraient pas fondés à réclamer, puisqu'il leur est fort indifférent que l'enfant naturel reconnu retire seul la totalité de la portion qui lui est conférée par la loi, ou qu'elle soit divisée entre lui et son père, ou sa mère.

Il faut remarquer encore que les art. 908 et 911 du Code, ne peuvent s'appliquer, comme les art. 757 et 761, qu'aux enfans naturels légalement reconnus, et qu'en conséquence les père et mère qui n'ont pas reconnu leur enfant naturel, peuvent se donner respectivement la totalité de la portion disponible.

L'existence d'un enfant naturel non reconnu, est absolument indifférente, en matière de successions et de donations cet enfant n'a aucuns

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