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droits à y exercer: il y est considéré comme un étranger; et comme il est habile à recevoir lui-même de ses père et mère, la totalité de leur portion disponible, de même son existence, non légalement reconnue, ne peut empêcher que ses père et mère ne se fassent entr'eux le même avantage.

D'ailleurs, lorsqu'un enfant naturel n'est pas reconnu, comment pourrait-on contester la donation, comme ayant été faite entre les père et mère de cet enfant? Il faudrait donc être admis à prouver la paternité ou la maternité ? Mais la recherche de la paternité est expressément interdite par l'art. 340 du Code, et la recherche de la maternité n'est permise, par l'art, 341, qu'à l'enfant lui-même.

Et enfin, puisque le fait du concubinage n'est plus, d'après le Code, un moyen d'incapacité en matière de dons, il s'ensuit nécessairement que l'incapacité ne peut résulter de l'existence d'un enfant issu du concubinage, lorsque cet enfant n'est pas reconnu, lorsqu'il n'a d'ailleurs aucuns droits à exercer sur les biens de ses père et mère, et qu'il n'est pas même recevable à demander des alimens.

C'est précisément pour éviter les inquisitions odieuses et les procès scandaleux que renouvelleraient encore les recherches de cette nature, que le conseil d'état n'a pas voulu admettre, pour cause d'incapacité, les habitudes criminelles entre le défunt et le donataire.

IV. Il sora facile maintenant de résoudre les diverses questions que nous avons proposées.

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Suivant les principes que nous avons établis, à l'article Donations, §. III, n°.1, toute donation entre-vifs doit être entièrement régie par la loi qui était en vigueur au moment de sa confection, et non par la loi existante au moment du décès du donateur.

Les dispositions entre-vifs faites entre concubinaires, avant la publication de la loi du 3 mai 1803, ne doivent donc pas être jugéés conformément à cette loi: elles sont restées entièrement soumises aux règles établies par la jurisprudence antérieure.

Elles ne doivent donc pas être jugées indépendamment de toute considération du concubinage, et comme s'il n'existait aucune espèce d'incapacité entre les concubinaires, ainsi que l'a voulu le Code pour les donations faites postérieurement à sa publication; mais elles doivent être

jugées suivant les règles anciennes qui établissaient entre les concubinaires, une incapacité relative.

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C'est-à-dire, qu'il faut examiner aujourd'hui, comme on l'aurait fait avant le Code, les circonstances et les considérations qui militaient pour ou contre les donataires, notamment si les dons étaient modiques, s'ils ont eu pour cause la récompense de services reudus, et pour objet d'assurer des alimens, s'ils ont été faits entre des personnes libres, etc.

En un mot, les tribunaux doivent avoir aujourd'hui, comme ils l'avaient autrefois, le pouvoir discrétionnaire d'annuler, de confirmer, ou de réduire ces espèces de dons, d'après la réunion des faits et des circonstances; mais ils doivent toujours diriger leurs décisions sur l'ancienne jurisprudence, et non pas sur la nouvelle législation établie par le Code.

V. L'existence d'enfans issus du concubinage, reconnus ou non, ne serait pas toujours un moyen suffisant pour annuler les donations de cette espèce, lorsque le donateur n'est mort qu'après la publication de la loi du 3 mai 1803.

Cette proposition exige quelques développemens.

Suivant la législation antérieure à la révolution, il n'était permis de faire que des libéralités modiques à son enfant naturel, et comme on ne pouvait lui donner, par le moyen de personnes interposées, ce qu'on ne pouvait lui donner directement, et que les père et mère étaient générale-. ment considérés comme personnes interposées, il en résultait que les dons faits par le père d'un enfant naturel à la mère de cet enfant, se trouvaient indirectement prohibés, et vice versa.

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Cependant cette prohibition ne s'exécutait pas à la rigueur, et on la jugeait toujours suivant les principes de la justice et de l'équité, parce qu'il n'y avait pas alors, comme aujourd'hui, de loi précise qui déclarât dans tous les cas, et sans exception, les père et mère de l'incapable, personnes interposées, mais que seulement leur interposition était considérée comme une présomption de don indirect et déguisé.

Ainsi, lorsque les dons faits à l'enfant naturel et à sa mère, étaient modiques, lorsqu'ils avaient pour objet d'assurer des alimens à l'enfant et à la mère, on les regardait comme l'acquit d'une dette naturelle, et non comme de véritables libéralités : toujours elles furent maintenues.

Et si ces dons avaient, en outre, pour cause la récompense de services,

rendus, c'était encore un nouveau motif qui les faisait maintenir, lors même qu'ils étaient plus considérables.

L'existence d'enfans issus du concubinage, ne suffisait donc pas pour faire annuler, sans autre examen et sous le seul prétexte d'interposition de personnes, le don fait le don fait par le père à la mère, ou par la mère au père. On examinait seulement si le don n'était pas trop considérable, et, dans ce cas, on le réduisait.

On examinait encore si, d'après les circonstances, le don ne devait pas être réputé avoir été fait par le seul motif de donner indirectement à l'enfant naturel, plus qu'il n'était permis de lui donner d'une manière directe, et, dans ce cas, on l'annulait.

Ainsi l'on ne réprimait que l'abus et la fraude; mais on respectait ce qui était fait de bonne foi, dans les principes de la justice, de l'humanité et de la saine morale.

En dut-il être autrement pour les dons faits entre concubinaires, depuis les lois des 4 juin 1795, 12 brumaire et 17 nivose an 2, et 4 germinal an 8?

Mais nous avons déjà vu que ces lois n'ont rien statué quant aux incapacités relatives aux libéralités entre concubinaires, lors même qu'il y avait des enfans..

La cour d'appel d'Amiens et la cour de cassation l'ont expressément décidé dans l'affaire de la fille Halatte, puisqu'elles ont jugé et déclaré valable, conformément à l'ancienne jurisprudence, la libéralité qui avait été faite le 2 floréal an 10, à une concubine, à une concubine, quoiqu'il y eût un enfant né du concubinage, et que le donateur eût légalement reconnu cet enfant, le 17 du même mois.

Il est vrai cependant que, d'une part, la loi du 12 brumaire an 2, avait déclaré successibles les enfans naturels reconnus, que, d'autre part, la loi du 17 nivose avait prohibé toutes libéralités en faveur des successibles, et que cette prohibition devant s'étendre aux personnes interposées, on pourrait en conclure qu'il n'était permis aux père et mère d'un enfant naturel reconnu, de se faire entr'eux aucuns avantages.

Mais nous avons déjà dit qu'on ne considérait pas comme pure libéralité , ayant pour objet de déguiser une donation indirecte en faveur de l'enfant naturel, ce qu'un concubinaire donnait à l'autre, pour lui assurer des alimens, ou pour récompense de services rendus.

même

Et nous pensons qu'il serait excessivement rigoureux de juger autrement, pour un don fait depuis le Code, malgré la disposition générale de Part. 911.

D'ailleurs, ni la loi du 12 hrumaire an 2, ni celle du 17 nivose, ne peuvent s'appliquer à l'espèce particulière que nous examinons, et où il s'agit d'un don fait par une personne qui a survécu à la publication de la loi du 5 mai 1803.

En effet, la loi du 12 brumaire ne statua que sur l'état et les droits des enfans naturels, dont les père et mère étaient morts avant sa publication, et ce fut ces enfans qu'elle déclara successibles; mais elle renvoya au Code civil le règlement de l'état et des droits des enfans naturels dont les père et mère existeraient lors de la promulgation du Code, ( Voyez l'article Enfans naturels. )

Or, l'art. 756 du Code, porte que les enfans naturels, même reconnus, ne sont pas héritiers, et qu'ils n'ont rien à réclamer, en cette qualité, dans les successions de leurs père et mère, ouvertes postérieureinent à la loi du 19 avril 1805.

On ne peut donc pas considérer comme successibles, en vertu de la loi du 12 brumaire, les enfans naturels reconnus, dont les père et mère sont morts après la publication de la loi du 19 avril.

On ne peut donc pas leur appliquer la disposition de la loi du 17 nivose, qui prohibe toutes libéralités en faveur des successibles;

Et conséquemment, on ne peut pas, non plus, l'appliquer aux pères et mères de ces enfans, pour les faire considérer comme personnes interposées à des incapables, pour faire annuler les dons faits en leur faveur, comme étant faits indirectement à des successibles,

De tout cela, il résulte évidemment que les dons entre-vifs faits entre concubinaires, après la loi du 12 brumaire an 2; et jusqu'à la publication de la loi du 3 mai 1803, doivent être, comme ceux faits avant la loi du 12 brumaire, tous également jugés conformément à l'ancienne jurisprudence, et conséquemment peuvent être valables, quoiqu'il y ait eu des enfans issus du concubinage, et même reconnus légalement avant ou après la loi du 12 brumaire, si les donateurs ne sont décédés qu'après la publication de la loi du 5 mai 1803.

Mais, au moins, ne peut-on pas appliquer à ces dons l'article 911 du Code, pour faire considérer, comme personnes interposées, les père et

mère de l'enfant naturel reconnu, puisqu'on applique à cet enfant Particle 908, pour l'obliger à rapporter ce qu'il a reçu avant le Code, et même à titre de don entre-vifs, au-dessus de la portion de biens, qui lui est attribuée par l'art. 757?

Il est aisé de reconnaître qu'il n'y a pas effet rétroactif dans le second cas, mais qu'il y aurait rétroactivité évidente dans le premier.

Le Code a pu réduire les dons excessifs faits aux enfans naturels reconnus, puisque déjà ces dons étaient réductibles d'après l'ancienne jurisprudence.

D'ailleurs, l'état et les droits de ces enfans ne se trouvant pas réglés par la loi du 12 brumaire an 2, lorsque leurs père et mère n'étaient pas décédés sous l'empire de cette loi, le Code a pu, en réglant l'état de ces enfans, et en fixant leurs droits à une portion de biens qu'il a déterminée, y mettre pour condition, que les dons qu'ils avaient reçus précédemment, seraient imputés sur cette portion de biens, et que même ils y seraient réduits, comme étant excessifs, s'ils étaient plus considérables. Il n'y a pas là d'effet rétroactif, puisqu'il n'y a rien de contraire ni aux lois ni à la jurisprudence anciennes, qui, loin de fixer la quotité des dons permis en faveur des enfans naturels, les avaient déclarés essentiellement réductibles, suivant les circonstances on peut même ajouter que la portion de biens, attribuée aux enfans naturels par l'art. 757 du Code, excède la mesure ordinaire des dons que l'ancienne jurisprudence maintenait en faveur de ces enfans, surtout lorsqu'il y avait des descendans légitimes. Mais il y aurait incontestablement effet rétroactif, si on appliquait la disposition générale et absolue de l'art. 911, aux dons entre-vifs, faits avant le Code, entre concubinaires qui avaient des enfans naturels reconnus, puisqu'avant le Code, les père et mère d'un enfant naturel, n'étaient pas toujours, et d'une manière absolue, déclarés personnes interposées, qu'ils pouvaient se faire des avantages modiques, soit pour alimens, soit pour récompense de services rendues, et qu'ils n'étaient considérés comme personnes interposées, que dans les cas où ils recevaient réellement pour leur enfant, au-dessus de ce qu'il était permis de lui donner directement.

Ce serait donc évidemment violer la législation sous l'empire de laquello aurait été fait le don entre-vifs, et qui le permettait avec quelques modi-fications, que de le soumettre à la disposition de l'art. 911 du Code, qui Pannullerait dans tous les cas et sans exception.

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