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tions et des testamens, qui détermine la quotité disponible et la réserve légale, est un recueil de statuts réels,

On trouve, dans l'art, 5 du Code, un exemple de ces deux espèces de statuts.

Le second paragraphe qui dispose ainsi, « les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française, » est un statut réel; le troisième paragraphe ainsi conçu, « les lois concernant l'état et la capacité des personnes, régissent les Français, même résidant en pays étranger, » est un statut personnel,

Quelques auteurs avaient distingué une troisième espèce de statuts qu'ils appelaient mixtes, savoir ceux qui concernaient, tout à la fois, personne et les biens.

la

Mais, de cette manière, presque tous les statuts seraient mixtes; car il n'est presque point de cas où le statut personnel et le statut récl n'exercent une influence réciproque l'un sur l'autre, et n'atteignent, en même tems, les biens et la personne.

Ainsi, par exemple, le statut qui met le mineur en puissance de son père ou de sa mère, le rend par là-même inhabile à régir, et, à plus forte raison, à vendre ses biens : le statut qui réserve une partie de la succession aux héritiers légitimes, frappe, par contre-coup, le testateur, d'une espèce d'interdiction qui l'empêche de disposer de cette portion

réservée.

Il ne pourrait y avoir de statut réellement mixte, que celui qui serait autant réel que personnel; mais il n'en existe pas de cette nature, parce qu'il n'y en a pas qui n'ait un objet principal, soit réel, soit personnel, et c'est cet objet qui détermine la qualité du statut,

Il n'y a a pas même d'autre moyen de distinguer entre elles les deux espèces de statuts, au milieu de l'influence réciproque qu'elles ont l'une sur l'autre, et cependant il est nécessaire de les distinguer avec soin, puisqu'elles produisent, presque toujours, des effets différens.

Il faut donc, pour bien connaître la nature et la qualité du statut, examiner attentivement quel a été le but direct et immédiat, l'objet principal de la loi qui l'a établi: il faut voir s'il a directement en vue la personne, ou les biens.

Dans le premier cas, c'est un statut personnel: dans le second, est réel,

il

On trouve l'application de cette règle invariable, dans la disposition qui veut que l'enfant soit en puissance jusqu'à sa majorité ou son émancipation. Il importe peu que, par suite de cette incapacité, l'administration des biens soit confiée aux père et mère ; son objet immédiat était de régler l'état de la personne du mineur.

On trouve encore l'application de la règle, dans les dispositions relatives à la légitimité de l'enfant. Peu importe que, par suite de l'illégitimité, l'enfant soit incapable de succéder; l'objet immédiat de ces dispositions a été d'empêcher que l'enfant ne soit placé dans une famille à laquelle il n'appartient pas.

Le législateur veut-il, au contraire, que telle chose soit meuble, telle autre, immeuble? Peu importe encore que le mineur émancipé devienne, par l'effet de cette distinction, capable ou incapable d'aliéner telle ou telle chose : l'unique but de la loi était de distinguer les biens.

C'est donc toujours à la cause immédiate qu'il faut s'en rapporter, et jamais à l'effet qu'elle produit ; autrement l'accessoire l'emporterait sur le principal.

Encore une fois, s'il ne fallait juger les statuts, que par les rapports qu'ils ont avec les biens, il ne faudrait reconnaître que des statuts réels, puisqu'il n'en est pas qui n'exercent sur les biens une influence directe.

Voici comment s'expliquait à cet égard M. le chancelier d'Aguesseau, dans ses observations préparatoires sur l'ordonnance des testamens.

« Le véritable principe dans cette matière, est qu'il faut distinguer si le statut a directement les biens pour objet, ou leur affectation à certaines personnes, ou leur conservation dans les familles, en sorte que ce ne soit pas l'intérêt de la personne dont on examine les droits ou les dispositions, mais l'intérêt d'une autre dont il s'agit d'assurer la propriété ou les droits réels, qui ait donné lieu de faire la loi ; ou si, au contraire, toute l'attention de la loi s'est portée vers la personne, pour décider, en général, de son habileté ou de sa capacité générale et absolne, comme lorsqu'il s'agit de mineurs ou de majeurs, de père ou de fils légitime ou illé itine, d'habile ou inhabile à contracter pour des causes personnelles. Dans le premier cas, le statut est réel; dans le second, il est personnel. »

De cette distinction il résulte évidemment que les dispositions relatives à l'autorisation maritale, ou à la dispense de cette autorisation, étaient deg statuts personnels.

«Quel est, en effet, l'objet du statut de l'autorisation, dit M. Merlin, dans son nouveau répertoire de jurisprudence? A quoi tend-il principalement, directement, immédiatement ? Quel en est le but essentiel? Est-ce de conserver les biens dans les familles, d'assurer la propriété ou les droits réels d'un tiers, de rendre la femme inhabile à disposer de certains biens?

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» Sans doute, puisque le statut de l'autorisation ne permet point à la femme de contracter sans l'autorité de son mari, tous les contrats qu'elle aura faits sans cette autorité, toutes les ventes, toutes les aliénations seront nuls; les biens rentreront dans sa main: ou dans la main de ses héritiers; les immeubles seront conservés dans la famille. Ce sont là des conséquences du statut de l'autorisation.

» Mais ces conséquences sont-elles ce qué la loi a eu directement et principalement en vue?

ni

>> Les coutumes ne se sont pas contentées de dire que la femme mariée ne pouvait pas, sans l'autorité de son mari, disposer de tels et tels biens ou qu'elle ne pouvait en disposer, que jusqu'à une telle quotité. Elles ont déclaré la femme mariée absolument incapable de rien faire, sans l'autorité de son mari: sans l'autorité de son mari, elle ne peut ni vendre, donner, ni contracter. Qu'elle ait des biens ou qu'elle n'en ait pas, que ces biens soient meubles, immeubles, acquêts, propres, situés dans un pays ou dans un autre, elle est toujours dans la même impuissance ; toujours ce qu'elle fait sans l'autorité de son mari, est radicalement nul.

>> Le statut de l'autorisation n'a donc aucune relation directe aux biens; il ne se réfère qu'à la personne. Il n'établit point, dans la personne, une incapacité relative à certains biens; il y établit une incapacité générale et absolue ; il affecte l'état tout entier de la personne, pour toutes sortes de biens, dans toutes sortes d'actes, envers toutes sortes de personnes ; donc persona magis quàm res respicitur, imò persona tantùm, nullo modo res conspicitur.

>> Et comment douter de sa personnalité, sans donner le démenti le plus formel aux coutumes? Les statuts réels n'ont d'effet que sur les biens qui sont situés dans leur territoire: ils n'en ont aucun au dehors. Supposez maintenant le statut de l'autorisation, réel. Une femme mariée à Paris ne pourra, sans l'autorité de son mari, vendre, aliéner, hypothéquer, engager les immeubles qu'elle possède à Paris ; mais pour les immeubles qu'elle

possède dans les pays de droit écrit, où le statut de l'autorisation cst inconnu, qui l'empêchera de les vendre, de les engager, de les hypothéquer, sans l'autorité de son mari? Sera-ce le statut parisien, qui, dans ses dispositions réelles, ne peut avoir aucune autorité sur des immeubles de droit écrit ? Les contrats que fera la femme, sans l'autorité de son mari, ne seront donc pas nuls; ils seront tout à la fois nuls et valables, efficaces et inefficaces: efficaces pour les biens qui sont en pays de droit écrit; inefficaces pour les biens de Paris. La femme sera en partie capable, en partie incapable: et ce n'est point là ce que veut la coutume de Paris ; elle veut absolument, impérieusement, que, si la femme fait aucun contrat sans l'autorité de son mari, tel contrat soit nul; donc soutenir le statut de l'autorisation, réel, c'est aller directement contre le texte de la coutume; donc ce statut est essentiellement personnel.

» Dira-t-on que le statut de l'autorisation est tout à la fois réel et personnel, réel en ce qui concerne l'aliénation des immeubles situés à Paris, personnel en ce qui touche les femmes domiciliées à Paris, de manière qu'une femme parisienne ne puisse contracter aucune obligation, sans l'autorité de son mari, et qu'une femme de pays de droit écrit ne puisse sans l'autorité de son mari, engager ses immeubles parisiens?

» Mais il n'est pas concevable que la même loi, dans la même disposition, n'ait pas eu pour objet principal, direct et immédiat, ou les choses, ou les personnes. Or, on l'a déjà dit, c'est par cet objet principal, direct et immédiat, qu'il faut juger du caractère du statut.

» Une femme mariée n'est incapable de contracter, que parce qu'elle est sous la puissance de son mari. Quelle est la loi qui la place, qui la tient sous la puissance de son mari, sinon la loi de son domicile ? C'est donc à la loi du domicile, à elle seule, qu'il appartient de fixer les bornes et l'étendue de cette puissance, de régler la manière d'en dégager la femme, et de faire cesser son incapacité. Nihil tam naturale est, quàm unum quodque eodem genere dissolvi, quo colligatum est. (Loi 35, D. de regulis juris ). Aussitôt que la loi du domicile a prononcé que la femme est libre, émancipée de la puissance maritale, aucune loi n'a droit d'examiner, de contredire; elle entreprendrait sur l'autorité d'une autre loi qui lui est égale : elle ferait comme le juge de la situation des immeubles, qui viendrait critiquer la mainlevée de l'interdiction prononcée par le juge du domicile. Il est donc impossible que le statut de l'autorisation soit en partie

réel, en partie personnel: il ne peut être que personnel, parce qu'il n'a trait qu'à l'état de la personne.

» En un mot, il était dans l'esprit des lois, dans la nature des choses, que le statut de l'autorisation fût personnel; c'était le seul moyen de tenir la femme dans la dépendance, et il eût été absurde que la femme dût plus de respect à son mari, comme propriétaire de tel immeuble, que comme propriétaire de tel autre bien.

>> Ce que les coutumes devaient faire, elles l'ont fait; elles n'ont pas prononcé contre les femmes mariées, une incapacité relative à certains biens, et qui ait sa cause dans la qualité des immeubles: elles ont prononcé une incapacité générale, absolue, qui prend sa source dans les mœurs de chaque province. Elles ont mis la femme dans une interdiction totale, indépendante des biens; elles ont fait une loi pour les personnes, non pour les choses.

» Du reste, ajoute M. Merlin, la jurisprudence n'a jamais varié sur ce point. >>

Il cite trois arrêts des 26 juillet 1679, 30 mars 1697, et 20 décembre 1779, par lesquels les parlemens de Paris et de Douai, ont successivement jugé que le statut de l'autorisation maritale était personnel et non réel.

Ce point établi, il sera maintenant facile de prouver que le Code Napoléon a pu faire cesser, dès le moment de sa promulgation, toutes les anciennes dispositions relatives à l'autorisation maritale.

C'est, en effet, un grand principe de droit, proclamé dans le pacte social de tous les peuples, que le législateur est le maître absolu de tout ce qui concerne la capacité des personnes, et qu'il peut changer leurs qualités civiles, suivant que des raisons politiques, ou l'intérêt commun, exigeront ce changement.

Le législateur ne peut être invariable dans ses décrets; il est toujours commandé par les événemens; il se décide toujours d'après l'ordre dés choses et les besoins de la société : mais cet ordre varie, une révolution s'opère; les mœurs et les passions changent, et la loi qui était sage et salutaire, lorsqu'elle a été établie, donne lieu, en d'autres circonstances, à une foule d'abus qu'il est du devoir du législateur d'arrêter prompte

ment.

Les institutions sociales, par exemple, n'étaient pas assez favorables à

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