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cet égard, le cas où il y avait des enfans et celui où il n'y en avait pas. Une autre variété entre les contumes consistait en ce que celle de Paris et plusieurs autres ne permettaient le don mutuel qu'en usufruit, tandis que d'autres autorisaient les conjoints à se donner mutuellement la propriété.

Il y en avait encore qui, sur ce point, distinguaient entre les différentes sortes de biens: les unes ne permettaient le don mutucl qu'en usufruit pour les propres, et l'autorisaient en propriété pour les meubles et acquêts; d'autres ne l'autorisaient en propriété, que pour les meubles.

d'enfans,

Suivant la coutume de Berry, les conjoints qui n'avaient pas pouvaient se donner en propriété le tiers de leurs meubles et l'usufruit de tous leurs conquêts.

Quelques autres, telles que celle de Blois, permettaient le don mutuel des meubles et des conquêts, lorsqu'il n'y avait pas d'enfans, et ne l'autorisaient qu'en usufruit, lorsqu'il y avait des enfans.

D'autres encore, et notamment celle de Paris, art. 280, exigeaient que les époux fussent en santé, au moment du don mutuel.

Dans quelques-unes, le don mutuel n'était permis entre les conjoints. qu'autant que l'àge de l'un était, à peu près, égal à celui de l'autre. La coutume d'Auxerre réputait les conjoints égaux en âge, lorsque l'un n'avait pas quinze ans de plus que l'autre. Suivant la coutume du Nivernais, l'égalité d'àge n'avait plus lieu, lorsqu'il y avait une différence de plus de dix ans entre l'âge de l'un et celui de l'autre des conjoints.

Le don mutuel n'était valable, suivant la coutume de Paris et plusieurs autres, que lorsqu'il y avait une égalité parfaite entre les choses que les conjoints se donnaient réciproquement.

D'autres coutumes, telles que celles d'Anjou et de Tours, n'exigeaient pas cette égalité. Il suffisait, dans ces coutumes, pour la validité du don mutuel, que chacune des parties eût des biens d'une même espèce, c'està-dire, que chacune eût des propres, lorsqu'on faisait entrer les propres dans le don mutuel, et que chacune eût des acquêts, lorsqu'on y faisait entrer les acquêts.

Au reste, il était de règle générale que, si l'un ou l'autre des conjoints, ou tous les deux ensemble, avaient compris dans le don mutuel, ce que la coutume ne permettait pas d'y comprendre, le don était nul,.de part et d'autre il était de l'essence de ce contrat, que le don que l'un des

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conjoints avait fait à l'autre, ne pût être valable, qu'autant que celui que ce conjoint avait reçu, était également valable.

Cependant la coutume de la Marche, après avoir exigé l'égalité dans le don mutuel, ajoutait que, s'il était inégal, il serait réduit à l'égalité, ce qui n'était pas l'annuler, mais le réduire.

La jurisprudence avait admis que les conjoints, même mineurs, pouvaient se faire le don mutuel autorisé par la coutume, et cette jurisprudence était fondée sur ce que les lois qui défendaient aux mineurs d'aliéner leurs biens, avaient pour objet d'empêcher qu'ils ne se fissent préjudice, et qu'ainsi cette défense devait cesser dans le cas du don mutuel qui n'avait lieu que pour l'avantage réciproque des conjoints.

Il est encore nécessaire de faire remarquer qu'il y avait quelques coutumes qui ne permettaient aux époux de s'avantager que par actes de dernière volonté, mais non par donations entre-vifs.

Il faut savoir enfin que les dispositions des lois, ou coutumes, qui permettaient, ou prohibaient les avantages entre conjoints, formaient des statuts réels, et non pas des statuts personnels, en sorte qu'il fallait se régler, sur cette matière, non par la coutume du domicile des époux, mais par celles où étaient situés les biens.

(V. M. Merlin, dans ses questions de droit, t. 1, p. 526.)

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Les ordonnances de 1751 et de 1755, ne changèrent rien à la législation des coutumes sur les dons mutuels entre époux.

Il est dit dans l'art. 46 de la première : « N'entendons comprendre dans les dispositions de la présente ordonnance, ce qui concerne les dons mutuels et autres donations entre mari et femme, autrement que par le contrat de mariage..... A l'égard de toutes lesquelles donations il ne sera rien innové, jusqu'à ce qu'il y ait été autrement par nous pourvu. »

L'art. 77 de l'ordonnance de 1755, tout en proscrivant les testamens conjonctifs, permit cependant aux époux de continuer à se faire des donations mutuelles à cause de mort, dans les pays où ils étaient autorisés à se gratifier de cette manière; et cette exception, dit Pothier, dans son Traité des Donations testamentaires, chap. 1, art. I, peut se rapporter aux testamens mutuels qui se font entre mari et femme, dans les coutumes où le mari et la femme peuvent s'avantager dans cette forme.

La loi du 17 nivose an 2, permit aux époux de se faire tels avantages qu'ils jugeraient convenables, et leva, en conséquence, la prohibition

prononcée à cet égard par certaines coutumes; mais elle ne changea rien aux règles prescrites par les lois antérieures, ou par les coutumes, sur les formes essentielles des dons mutuels entre époux, ni sur la capacité des

personnes.

Telle fut, à l'égard des dons mutuels entre époux, la législation antérieure au Code Napoléon; mais elle a été entièrement changée par les art. 1094, 1096 et 1097 du Code.

Suivant l'art. 1094, l'époux peut, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage, pour le cas où il ne laisserait point d'enfans ni descendans, disposer en faveur de l'autre époux, en propriété, de tout ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, et, en outre, de l'usufruit de la totalité de la portion dont la loi prohibe la disposition au préjudice des héritiers; et pour le cas où l'époux donateur laisserait des enfans ou descendans, il peut donner à l'autre époux, ou un quart en propriété et un autre quart en usufruit, ou la moitié de tous ses biens en usufruit seulement.

Suivant l'art. 1096, toutes donations faites entre époux, pendant le mariage, quoique qualifiées entre-vifs, sont toujours révocables : la révocation peut être faite par la femme, sans y être autorisée par le mari, ni par justice ces donations ne sont pas révoquées par la survenance d'enfans.

Suivant l'art. 1097, les époux ne peuvent, pendant le mariage, se faire, ni par acte entre-vifs, ni par testament, aucune donation mutuelle et réciproque, par un seul et même acte.

Nous allons voir maintenant, en examinant diverses espèces, par quelle législation doivent être régis les dons mutuels entre époux, faits avant ou sous la loi du 17 nivose an 2, et qui s'ouvrent sous l'empire du Code Napoléon.

S. Ir.

Les dons mutuels entre conjoints, ont-ils pu, sous l'empire de la loi du 17 nivose an 2, avoir lieu dans les coutumes qui les prohibaient? Ont-ils pu avoir lieu, dans les coutumes qui les autorisaient, sans étre soumis aux conditions, limitations et exceptions prescrites par ces coutumes?

Ont-ils été affranchis par l'art. 61 de la loi du 17 nivose, des formes ou formalités extérieures, ainsi que des règles relatives à la capacité des personnes, auxquelles ils étaient assujettis par les lois antérieures ou par les coutumes ?

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Ont-ils été soumis aux formalités particulières qui étaient prescrites par certaines coutumes, dans l'intention de rendre plus difficile l'exercice des dons mutuels qu'elles n'avaient autorisés que par exception à la prohibition générale qu'elles avaient faite, de tous avantages entre conjoints?

M. Merlin a parfaitement discuté ces diverses questions, dans un plaidoyer qu'il a prononcé, le 25 fructidor an 11, à l'audience de la section civile de la cour de cassation, et nous ne pouvons mieux faire, que de rapporter littéralement ce qu'a dit ce magistrat.

Les principes qu'il a développés, ont été consacrés par la cour de cassation, dans divers arrêts que nous rapporterons également.

Voici l'espèce sur laquelle est intervenu le premier arrêt, et sur laquelle a parlé M. Merlin.

Pierre Baisle épousa, en 1793, la dame Bandet. Par leur contrat de mariage qui est du 5 juillet de la même année, et qui fut passé dans le ressort de la ci-devant coutume d'Auvergne où les parties étaient domiciliées, le futur fit donation à sa future, dans le cas où elle lui survivrait, de la jouissance de tous ses biens, et la future fit don au futur, pour le cas où elle décéderait la première, d'une somme de douze mille livres tournois une fois payée, et de l'usufruit de ses autres biens.

Le 14 prairial an 4, autre acte par lequel les deux époux, voulant profiter des dispositions de la loi du 17 nivose au 2, pour se donner de nouvelles preuves de leur attachement, se font réciproquement donation entre - vifs, en la meilleure forme que la donation puisse valoir, de la propriété, possession et jouissance de tous leurs biens, meubles et immeubles, présens et à venir, de quelque nature qu'ils puissent être, sans en rien excepter ni réserver, pour, par le survivant, jouir et disposer des biens du prémourant, lui et les siens, à perpétuité, comme de sa propre chose et à lui appartenante, laquelle jouissance serait, au désir de la loi, restreinte à la moitié de la jouissance desdits biens, en cas qu'il survint des enfans du mariage.

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Le 12 ventose an 5, Pierre Baisle meurt, sans enfans, et sa venve demande l'exécution de la donation mutuelle.

Les héritiers du mari soutiennent que cette donation est nulle, 1°. parce qu'elle n'a pas été accompagnée, quant aux meubles et effets mobiliers, de l'état, ou inventaire, prescrit par l'article 15 de l'ordonnance de 1731; 2o, parce que, contre le vœu formel du même article, elle porte à la fois sur des biens présens et à venir.

Le 15 prairial an 7, jugement du tribunal civil du département du Puy-de-Dôme, qui ordonne que la donation sera exécutée, en se fondant sur les articles 14 et 61 de la loi du 17 nivose an 2. Il disait notamment, dans ses motifs, que l'art. 14 de cette loi, en autorisant tous les dons en termes génériques, avait fait disparaître, quant aux époux, toute distinction de biens présens et à venir qui, auparavant, ne pouvaient pas être compris dans une donation hors contrat de mariage..

Mais la cour d'appel de Riom annula la donation, par jugement du 5 ventose an 10, dont voici les motifs.

<«< Attendu qu'il est constant que Pierre Baisle et sa femme ont été mariés sous l'empire de la coutume d'Auvergne;

que,

« Attendu qu'en cette coutume, les dons mutuels n'avaient pas lieu, et s'il est permis aux époux de se donner en cette forme, ce ne peut être que dans les pays où elle était admise, et sous les modifications qui y étaient réglées;

« Attendu que toutes les formes anciennes de disposer, même entre époux, ont été conservées par la loi du 17 nivose an 2, qui ne parle jamais que des dispositions légalement faites, et qui, innovant à la faculté de disposer, ne change rien à la nature ni à la forme des actes par lesquels on doit le faire, selon les lieux où l'on contracte, et la situation des biens dont on dispose;

« Attendu même qu'il y aurait plutôt lieu de conclure des termes de l'art. 14 de la loi, qu'elle ne maintient, entre époux, que les dispositions contractuelles, les donations entre-vifs, celles à cause de mort, ou par testament, et point du tout les dons mutuels, puisque ceux-ci ne sont pas rappelés dans l'énumération, faite sans doute à dessein, de tous ces modes de disposer;

<< Attendu que l'art. 61 de la même loi, qui abroge toutes lois et statuts relatifs à la transmission des biens, n'a évidemment pour objet que la

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