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la population. On a rendu plus faciles les conditions pour la capacité de contracter mariage.

Le pubère pouvait jouir de ses biens à quinze ans : l'abus qu'il a fait de cette jouissance, a prouvé qu'il fallait en reculer le terme, pour son intérêt.

propre

La femme qui contractait, ou qui défendait ses droits en justice, sans l'autorisation et même sans le consentement de son mari, était souvent trompée en la soumettant à l'autorisation maritale, on lui donne un guide et un conseil; on cimente l'union conjugale qui était souvent troublée par les actes d'indépendance qu'exerçait la femme, et on retourne à la sagesse des anciennes lois romaines sur la puissance du mari.

Peut-on contester au législateur le droit d'opérer ces changemens sur l'état des personnes, et tous ceux qu'il croit nécessaires pour l'intérêt général et l'ordre public?

Il y aurait assurément trop de danger qu'il pût se lier les mains et enchaîner sa volonté pour l'avenir, en déclarant que la disposition actuelle est irrévocable et qu'elle ne pourra être modifiée ou anéantie par aucune disposition ultérieure.

Il serait bien plus dangereux encore que les individus eussent le droit de prétendre que le législateur n'a pas le pouvoir de leur ôter pour l'avenir, la capacité qu'une loi antérieure leur avait accordée, et dont ils avaient joui jusqu'alors.

Le législateur souverain est donc le maître de changer, à chaque instant, la capacité des personnes et les qualités civiles qui en dépendent, et dès lors il est évident que l'état de l'homme, sous ce rapport, est toujours conditionnel et incertain pour l'avenir. Libre aujourd'hui, ou bien sui juris et majeur émancipé, il peut demain retomber en puissance, redevenir mineur, sans qu'il ait droit de se plaindre du changement, sans qu'il puisse exciper de sa capacité antérieure, pour ·la conserver à l'avenir.

En vain accuserait-il d'injustice la nouvelle loi, pour lui avoir enlevé une qualité dont il était revêtu?

L'injustice serait de son côté, puisqu'il voudrait jouir, à perpétuité, d'un droit qui ne lui avait été accordé qu'à titre précaire, et sous la condition toujours sous entendue, qu'il lui serait retiré, quand l'intérêt

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public l'exigerait. Il serait aussi mal fondé à se plaindre, qu'un dépositaire qui refuserait de se dessaisir de la chose qui lui aurait été confiée pour un terme illimité l'un et l'autre seraient également coupables, pour vouloir dénaturer leur droit, au préjudice de celui du maître.

On ne peut donc se refuser à l'évidence de cette vérité, que la loi saisit l'homme dans l'état où elle le trouve, qu'elle modifie à son gré les qualités civiles qui sont entièrement dans son domaine, et que, sous ce rapport, le statut personnel le statut personnel qui abroge ou modifie les qualités. établies par une loi antérieure, ou qui leur impose de nouvelles conditions, mais qui ne statue que pour l'avenir, et respecte le passé, n'a jamais d'effet rétroactif.

« Il est de principe, dit M. Grenier, dans son traité des donations, t. 1, pag. 296, que la capacité civile se modifie, selon que la législation varie, en respectant toujours ce qui a été déjà fait en vertu d'une capacité existante d'après la législation précédente.... Lorsqu'il s'agit de contracter, il faut d'abord considérer la capacité personnelle. Or, comment cette capacité peut-elle être réglée, si ce n'est par la loi qui régit à l'instant où l'on veut l'exercer? Voudrait-on invoquer la loi précédente ? mais cette loi a perdu son empire. Elle le conserve pour tout ce qui a été fait, lorsqu'elle était en vigueur, et c'est en cherchant à le détruire, qu'il y aurait évidemment un effet rétroactif. Mais cet effet rétroactif n'existe plus, lorsque rien n'est acquis à un tiers, et qu'il faut chercher le principe de la capacité nécessaire pour les nouvelle transactions? >>

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par

Ainsi, pour que la femme qui est soumise à l'autorisation maritale la loi nouvelle, pût soutenir qu'il y a effet rétroactif à son égard, il faudrait que la loi nouvelle, revenant sur le passé, annulât les actes antérieurement consentis par la femme sans l'autorisation de son mari; mais la loi nouvelle ne touche point à ces actes: elle ne porte ses regards et ne produit ses effets que sur l'avenir : elle veut que désor– mais les femmes ne puissent plus contracter et ester en jugement, qu'avec l'approbation de leurs maris, ou de la justice; mais, en arrêtant l'exercice de la capacité qu'avait la femme sans cette autorisation, elle respecte tout ce qui a été fait antérieurement.

On ne manquera pas d'opposer encore qu'au moins la loi nouvelle · ne doit pas être appliquée aux femmes qui avaient fait expressément

stipuler, dans leurs contrats de mariage, qu'elles auraient le droit de contracter et d'ester en jugement, sans l'autorisation de leurs maris, cette stipulation devant être irrévocable comme toutes les autres conventions de mariage dont une loi nouvelle ne peut jamais empêcher

les effets.

Il n'est pas vrai, d'abord, que toutes les conventions insérées dans un contrat de mariage, soient hors l'empire d'une loi nouvelle, et ne puissent être atteintes par ses dispositions.

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Pour ne citer qu'un seul exemple, si des époux avaient stipulé, en se mariant, que leurs successions scraient partagées entre leurs enfans, conformément aux dispositions des coutumes alors existantes, oseraiton soutenir que cette convention de mariage devrait être exécutée dans les successions qui ne s'ouvriraient qu'aujourd'hui, et que le partage devrait être fait, non pas suivant les dispositions du Code Napoléon, mais conformément aux coutumes qui régissaient les époux, en sorte que l'aîné des enfans aurait presque tout, et que les filles seraient excluses? D'ailleurs, il a été reconnu, de tout tems, comme un principe inviolable, qu'on ne pouvait, par des conventions particulières, déroger aux lois qui intéressent l'ordre public, et il est bien évident que ce principe s'applique aux lois futures, comme aux lois actuelles.

Or, les lois qui règlent l'état et la capacité des personnes, tiennent essentiellement à l'ordre public.

Cet état, cette capacité, et les qualités civiles qui en résultent, sont des institutions sociales qui ne sont pas à la disposition des individus, mais à la disposition de la société, et qu'en conséquence le lé-, gislateur seul a le droit d'établir, de modifier et d'abroger, suivant qu'il le juge convenable pour le bien de la société et pour l'ordre public.

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La capacité établie par un statut, ou en vertu d'un statut, dure donc tout autant que le statut lui-même; mais elle cesse avec lui, et elle ne peut se maintenir, quelle que soit la volonté des individus, malgré le statut nouveau qui l'abroge.

Ainsi la femme était capable d'agir de sa propre autorité, avant le Code Napoléon il lui était permis, par le statut local, de réserver à cet égard, dans son contrat de mariage, son entière indépendance;

elle a joui de cette réserve, tant que le statut a existé, et il ne peut être porté la moindre atteinte à l'exercice qu'elle en a fait alors.

Mais elle ne peut la prolonger an- delà de l'empire du statut qui lui avait permis de la stipuler dans son contrat de mariage.'

Elle ne le peut, en vertu du statut lui-même, puisqu'il n'existe plus et qu'il est abrogé.

Elle ne le peut, en vertu de la stipulation consignée dans son contrat de mariage, parce qu'elle n'a pu, par des conventions particulières, déroger, pour l'avenir, aux lois qui intéressent l'ordre public; parce que toute stipulation sur les qualités civiles, est toujours nécessairement soumise à la volonté du législateur, qu'elle ne peut plus subsister, lorsque la volonté du législateur a changé, et qu'ainsi bien qu'elle ait été valable, dans son principe, se trouvant autorisée par le statut alors en vigueur, elle ne doit plus produire d'effets sous l'empire d'un nouveau statut qui abroge le précédent.

Déjà plusieurs cours d'appel ont adopté les principes que nous venons de professer ils ont même été consacrés, d'une manière formelle, par un arrêt de la cour de cassation, et il est certain qu'ils forment aujourd'hui la jurisprudence générale.

Le tribunal d'appel de Montpellier a décidé, aussitôt après la promulgation du Code, que la femme était soumise à l'autorisation maritale pour contester sur ses biens paraphernaux.

La cour d'appel d'Agen a rendu même décision, le 7 prairial an 13. « Les lois qui intéressent l'ordre public, est-il dit dans son arrêt, doivent être exécutées dès le moment de leur promulgation, quoiqu'elles changent l'état de certains individus..... Ainsi, la femme qui pouvait disposer de ses biens paraphernaux et ester en jugement, sans l'autorité de son mari, a eu besoin d'y avoir recours, d'abord après la publication du Code civil. >>

La cour d'appel de Turih a décidé, le 20 messidór an 15, que la dame Simondi, qui avait, en 1792, formé contre son mari une demande tendante à ce qu'il lui fût fourni des alimens hors de la maison maritale, devait se faire autoriser pour suivre cette deniande, après le Code.

« Attendu, est-il dit dans l'arrêt, que la loi nouvelle est applicable aux mariages contractés sous l'empire des lois romeines; car l'autorité du mari

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sur la personne de la femme, dépendant uniquement de la loi, lorsque, dans la législation, il intervient un changement relativement à cette autorité, il a son effet, non-seulement pour les mariages à venir, mais aussi pour ceux déjà existans. >>

C'est aussi ce qu'a décidé la section des requêtes de la cour de cassation, par arrêt du 21 germinal an 12, rendu au rapport de M. Oudot.

Dans l'espèce sur laquelle est intervenu cet arrêt, Anne Cézan, femme séparée de biens, de François Castaing de Bordeaux, avait fait, en thermidór an 10, avec Antoine Genestre, un traité sous seing privé, relatif à une vente de bœufs.

Les vendeurs assignèrent la dame Castaing et Antoine Genestre, pour les faire condamner solidairement à acquitter le prix.

La dame Castaing se présenta, et se défendit, sans être autorisée par son mari, ni par justice, quoique la loi du 17 mars 1805, sur le mariage, fût alors publiée.

Ayant été condamnée par divers jugemens du tribunal de Marmande, elle se pourvut en cassation contre ces jugemens, et fonda son pourvoi sur la violation de la loi du 17 mars.

Inutilement objecterait-on, disait-elle, qu'avant le Code, et lors du traité fait en thermidor an 10, la femme, marchande et séparée de biens, pouvait, dans le ressort du ci-devant parlement de Bordeaux, s'engager, soit judiciairement, soit par acte privé, sans l'autorisation de son mari; le Code civil a abrogé cette faculté, et quand il s'agit de juger de la capacité d'une femme, il faut consulter les lois en vigueur au moment où elle yeut exercer cette capacité.

La cour de cassation adopta tellement cette opinion, qu'avant même de statuer sur le pourvoi, elle ordonna, sur les conclusions de M. Giraud, que la dame Castaing, qui n'était pas autorisée pour sa demande en pourvoi, rapporterait l'autorisation de son mari, ou, à son refus, celle du tribunal d'arrondissement de son domicile.

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