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» Qu'en vain veut-on opposer à ces autorités les dispositions des lettres patentes de 1769, rendues, y est-il dit, pour déterminer l'esprit des anciennes ordonnances;

>> Qu'il suffit de lire ces lettres patentes, pour demeurer convaincu qu'elles sont uniquement applicables aux donations par contrat de mariage, de manière que c'est seulement l'esprit des ordonnances relatives à cet objet, que le législateur a voulu faire connaître ;

>> Que plus vainement encore voudrait-on se prévaloir de plusieurs des motifs y énoncés, et en conclure notamment que, dans l'esprit de ces lettres patentes, il n'y a de véritables donations entre-vifs, et comme telles assujetties à l'insinuation, que celles contenant transmission de la propriété de biens présens;

>> Que tout ce qu'on peut conclure de ces motifs, c'est que, parmi les donations faites entre mari et femme par contrat de mariage, il n'y a plus que celles des biens présens et déterminés, qui soient considérées comme de véritables donations entre-vifs; mais que, par rapport aux autres, c'est-à-dire, aux donations mutuelles de biens éventuels, elles ne sont autre chose que des gains de noces et de survie, toujours présumables en des contrats de mariage, et qui pouvant d'ailleurs, à raison de l'authenticité de l'acte, être facilement connues de tous les intéressés n'ont pas besoin pour prévenir les surprises, d'être assujetties à la formalité de l'insinuation;

» Que c'est là, en effet, la seule idée que peuvent présenter les motifs des lettres patentes, et ce qu'a jugé le tribunal de cassation, par son jugement du 25 ventose an 11;

» Mais que ces motifs ne s'appliquant nullement aux dons mutuels faits depuis le mariage, puisque, d'une part, on ne peut les considérer comme des gains de noces; de l'autre, que l'acte qui les contient, presque toujours médité et exécuté dans le secret, n'est rien moins qu'authentique, il n'y a point de raison de leur appliquer les dispositions de cette loi;

» Considérant, au surplus, que, quels que soient ces motifs, c'est à la disposition qu'il faut uniquement s'attacher, et comme elle est seulemeut relative aux dons mutuels faits par contrat de mariage, on ne peut, sans en forcer le sens, l'étendre à un autre ças.

>> Considérant enfin qu'une dernière raison de regarder les dons mutuels faits constant le mariage, comme sujets à l'insinuation prescrite

par les anciennes lois, se tire d'un décret du 24 germinal an 3, puisqu'il serait difficile de penser que la Convention nationale se fût déterminée. à prononcer une prorogation de délai pour les faire insinuer, si la formalité en ent été inutile;

» Déclare l'acte de donation mutuelle, da 9 thermidor an 8, mulle et de nul effet. >>

La réponse à tons ees motifs va se trouver dans l'arrêt de la cour de cassation, qui a été rendu au rapport de M. Ondart, et qui a été aussi motivé avec beaucoup de soin.

« Vu Part. 132 de l'ordonnance de 1539; va aussi la déclaration du mois de février 15g; vu enfin les lois qui seront citées et discutées ci-après;

» La cour,

considérant que la donation mutuelle faite par Jacques Beugon et son éponse, au survivant des deux épens, par acte du 9 thermidor an 8, quoiqu'elle soit qualifiée donation entre-vils, n'est qu'une donation à cause de mort; que la nature des conventions se doit déterminer, ron par les qualifications qui leur sont dénnées, mais suivant la loi 21g, D. de verborum obligationibus, par les dispositions qu'elles renferment; que l'art. 894 du Code Napoléon, définit en ees termes la donation entre-vils, conforménrent à la loi 1, D. de donationibus, ct à la loi 162, Đ. de reg. jur. : la donation entre-vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille, actuellement et irrévocablement, de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte; que, par Facte du 9 thermidor an 8, les époux ont donné au survivant les biens que le prédécédé laisserait après sa mort; que ces biens n'étant ni certains ni déterminés, ni présens, ne pouvaient pas faire la matière d'une donation entre-vifs; que toute donation prend essentiellement le caractère de donation à cause de mort, lorsqu'elle est faite entre mari et femme, suivant les lois romanes, et Part. 18 du tit. 1. de l'ordonnance de 1747, qui déclare passibles de substitution fidéi-commissaire, même après leur acceptation, les donations entre mari et femme on autres donations à canse de mort; qu'en supposant irrévocable la donation faite entre Jacques Bengon et son éponse, elle serait encore une donation à cause de mort; que les dispositions d'an contrat de mariage, qui assurent aux futurs époux ou à leurs enfans à naître, tout ou partie des biens que telle personne laissera en mourant, sont irrévocables, et

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néanmoins qualifiées expressément donations à cause de mort, par Part. 3 de l'ordonnance de 1751; que l'art. 13 parle également des dispositions contractuelles qui, quoiqu'irrévocables, sont autant de dispositions à cause de mort;

» Considérant que l'art. 152 de l'ordonnance de 1559, qui a établi en France la formalité de l'insinuation, assujettit toutes donations à l'insinuation és juridictions des choses données, autrement seront nulles et ne commenceront à avoir leur effet que du jour de ladite insinuation, et ce, quant aux donations faites en présence des donataires et par eux acceptées; que ces derniers termes, et ceux-ci, des choses données, supposent des biens présens et une donation entre-vifs; que tel est l'avis de Dumoulin, dans une consultation qui fait partie de son commentaire sur cette ordonnance, dans laquelle il conclut de cette disposition, que la donation mutuelle est affranchie de cette formalité, à moins qu'elle ne saisisse de suite les donataires ;

>> Que la déclaration du mois de février 1549, porte que, sons le nom de donations sujettes à l'insinuation, seront comprises les donations faites en traité de mariage et autres donations entre-vifs, et non les donations à cause de mort qui se peuvent révoquer jusqu'à la mort da donateur; que ces derniers termes sont démonstratifs et non limitatifs, parce que, le plus souvent, les donations à cause de mort sont révocables; que, d'ailleurs, quand il serait vrai que cette déclaration n'excepte que les donations à cause de mort révocables, il ne s'ensuivrait pas que les donations à cause de mort irrévocables dussent être insinuées à peine de nullité; que l'exception introduite par cette déclaration, ne peut pas donner à l'ordonnance de 1559, une étendue qu'elle n'a pas par ellemême, et produire implicitement un effet que la première loi ne produit pas expressément, et que la peine de nullité ne peut s'induire ainsi ni se suppléer;

>> Que l'ordonnance de Moulins de 1566, art. 58, soumet à l'insinuation, à peine de mullité, toutes donations faites entre vifs, mutuelles réciproques, onéreuses, en faveur de mariage et autres, en quelqué forme et manière qu'elles soient faites entre-vifs, comme il est dit ; d'où il suit que la donation dont il s'agit étant à cause de mort et non entre-vifs, n'est pas soumise par cette loi à l'insinuation;

» Que la déclaration du 50 septembre 1622, a été restreinte, par l'arrêt de son enregistreurent du 5 décembre suivant, au ressort de la cen

tume de Poi1ou, et que l'envoi n'en fut ordonné qu'aux siéges de la sénéchaussée de Poitou; qu'elle ne peut conséquemment s'appliquer à des personnes et à des biens hors de ce ressort;.

>> Que la déclaration purement bursale de 1645, registrée dans un lit de justice, resta sans exécution, ainsi que l'atteste l'auteur du dictionnaire des domaines ;

>> Que l'édit également bursal, du mois de décembre 1703, assujettit les donations à cause de mort, les dons mutuels entre mari et femme et les dispositions entre-vifs ou de dernière volonté, contenant des substitutions ou des exhérédations, à la formalité de l'insinuation, dans le tems et sous les peines portées par l'ordonnance de 1559 et l'ordonnance de Moulins; que cette loi suppose que les lois précédentes ont prescrit un tems et des peines relativement aux donations à cause de mort, aux dons mutucis entre mari et femme, et aux dispositions de dernière volonté, portant substitution ou exhérédation; que cette supposition est une erreur; que les suppositions et les erreurs ne peuvent avoir le même effet qu'une disposition irritante; et qu'il serait absurde, en effet, de prétendre qu'un testament portant substitution ou exhérédation, dût être insinué du vivant du donateur, avant qu'il fût un véritable titre;

» Que les mêmes observations s'appliquent à la déclaration de 1708; que, de plus, par l'art. 15 de cette loi, les notaires sont tenus de délivrer aux greffiers, tous les trois mois, des extraits des contrats sujets à l'insinuation, à l'exception toutefois des donations à cause de mort et testamens, qui ne seront délivrés qu'après le décès des donateurs our testateurs; d'où il suit que, suivant même cette déclaration et l'édit de 1703, dont elle est l'interprétation, les donations à cause de mort, ne doivent pas être insinuées du vivant des donateurs ;

>> Que l'ordonnance du mois de février 1731, art. 46, déclare ne rien innover, jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu, relativement aux dons mutuels entre mari et femme, autrement que par contrat de mariage;

>> Que, si les lettres patentes du 5 juillet 1769, n'exceptent de la formalité que les gains de noces et de survie stipulés par contrat de mariage, c'est qu'il n'y avait d'incertitude que sur ces points; qu'en effet le préambule s'exprime ainsi : pour donner aux donations une authenticité capable de prémunir ceux qui ont ou peuvent avoir par

la suite des droits sur les biens donnés contre toute espèce de surprise.... etc.;

» Que la précaution de l'insinuation à l'égard d'une donation à cause de mort, avant le décès du donateur, serait anticipée et frustratoire puisqu'elle ne produit aucune mutation actuelle de propriété ;

>> Considérant enfin que la loi du 24 germinal an 3, suppose seulement qu'il y a des dons mutuels entre époux, sujets à l'insinuation, ce qui est vrai notamment à l'égard des dons mutuels entre époux, régis par la coutume de Paris;

» D'où il suit que le tribunal d'appel de Dijon, en déclarant nul le don mutuel fait entre Jacques Beugon et son épouse; le 9 thermidor an 8, faute d'insinuation dans les quatre mois de sa date, a contrevenu aux lois ci-dessus citées, qu'il en a fait une fausse application; qu'il a créé une nullité et commis un excès de pouvoir;

>> Par ces motifs, la cour casse et annulle l'arrêt rendu par la cour d'appel séante à Dijon, le 30 messidor an 11, etc. »

On peut encore citer, en faveur de cette opinion en faveur de cette opinion, un arrêt rendu, le 21 germinal an 12, par la cour d'appel de Rouen, à l'égard d'un acte du 25 thermidor en 4, par lequel deux époux, domiciliés dans la coutume de Normandie,« se firent don mutuel et réciproque au survivant d'eux, et ce acceptant par chacun d'iceux, de tous et un chacun des biens. Incubles et immeubles, acquêts et propres, et généralement quelconques, à eux appartenans, sans en rien réserver, si ce n'est la jouissance par usufruit, leur vie durant de chacun d'eux, qu'ils se constitnèrent tenir à titre de constitut et de précaire, voulant qu'à l'instant du décès du prémourant, l'usufruit cessant fût réuni à la propriété dudit bien donné, pour, par le survivant, ses hoirs ou ayans cause, en jouir, faire et disposer en toute propriété, comme de chose à lui appartenante; à l'effet de quoi les époux se transportèrent, l'un l'autre, tous droits de propriété et possession, s'en dessaisissant respectivement, et voulant que chacun d'eux en fût saisi et mis en possession par qui et ainsi qu'il appartiendrait. ».

On prétendit que cette donation était nulle, parce qu'elle n'avait pas été revêtue des formalités prescrites par l'ordonnance dé 1731, pour les donations, entre-vifs, parce qu'elle n'avait pas été insinuée était prohibée par la coutume de Normandie.

, parce qu'elle

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