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de nouvelles règles sur les avantages entre époux, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage.

faits

Sans doute, depuis la promulgation de cette loi, on a dû recourir encore aux dispositions des coutumes, mais uniquement pour les avantages en faveur de mariages qui étaient déjà contractés à cette époque.

On ne peut en douter, en lisant l'art. 13 qui veut que les avantages, singuliers ou réciproques, stipulés entre époux encore existans, ou établis dans certains lieux par les coutumes, aient leur plein et entier effet.

Evidemment, cette disposition ne peut s'appliquer qu'aux mariages antérieurs à la loi, et conséquemment on ne peut l'étendre aux mariages contractés postérieurement: inclusio unius est exclusio alterius.

Tel est le sens dans lequel on doit prendre les paroles de M. Berlier. Tel est aussi le sens dans lequel a constamment jugé la cour de cassation ses arrêts n'ont maintenu les avantages conférés par les anciens status, que lorsque les mariages étaient antérieurs à la loi du 17 nivose.

Mais s'il pouvait rester encore quelque doute sur l'abolition de ces statuts, quant aux mariages postérieurs, il suffirait de lire la réponse à la 24°. question insérée dans le décret du 9 fructidor an 2.

On demandait au législateur que les coutumes qui consacraient certains modes de partage, ou admettaient des droits de choix, et celles qui établissaient un douaire, même en faveur des enfans, fussent déclarées abolies.

Le législateur répondit que l'art. 61 de la loi du 17 nivose, ramenait tout à l'uniformité, par l'abolition des coutumes sur le fait des dispositions depuis le 14 juillet 1789, et qu'ainsi la question proposée se trouvait déjà affirmativement décidée par les termes généraux de la loi.

Comment donc, d'après une disposition aussi formelle qui déclare abolis, par l'art. 61 de la loi du 17 nivose, les anciens statuts qui établissaient un douaire, ose-t-on prétendre encore que ces mêmes statuts n'ont pas été également abolis, quant aux autres avantages matrimoniaux de même nature, qu'ils conféraient au survivant des époux ? Comment oset-on prétendre que l'art. 61 de la loi du 17 nivose, ne s'applique pas aux avantages matrimoniaux, et qu'il n'a pas entendu les comprendre sous le titre générique de donations?

Cette dernière opinion vient d'être consacrée par la cour de cassation, 'dans l'espèce suivante :

Le 18 frimaire an II, la demoiselle Box épousa le sieur Stasseyns.

y

Ils habitaient le pays qui formait autrefois le comté de Looz : leur union fut célébrée; ils ne firent point de contrat de mariage.

Le 13 vendémiaire an 13, le sieur Stasseyns décéda, sans enfans, et sans avoir disposé de ses biens.

Il laissait, pour héritier, Henri Stasseyns son frère, qui s'empara de la succession.

La veuve réclama les avantages accordés aux époux survivans, par les anciens usages de Looz, et qui consistaient, suivant l'attestation des plus fameux jurisconsultes de ce comté, 1o. dans la totalité du mobilier de l'époux prédécédé; 2°. dans l'usufruit des biens patrimoniaux, et de la moitié des acquêts par lui délaissés.

Henri Stasseyns prétendit que sa belle-sœur s'étant mariée depuis la publication de la loi du 17 nivose an 2, ne pouvait, dans l'absence de conventions matrimoniales, jouir des avantages conférés par des usages que cette loi avait abolis.

La veuve Stasseyns soutint, au contraire, que, sous l'empire même de la loi du 17 nivose, les coutumes faisaient, relativement aux avantages matrimoniaux, le droit commun des époux qui s'étaient mariés, sans faire de stipulations expresses.

Le tribunal civil de Hasselt n'adopta pas ce système, et déclara la veuve Stasseyns non fondée dans sa demande, attendu que la loi du 17 nivose avait aboli, par son art. 61, les lois, coutumes, usages et statuts relatifs à la transmission des biens par succession ou donation; qu'elle n'avait conservé, par l'art. 13, les avantages matrimoniaux conférés par les coutumes aux époux survivans, qu'en faveur des époux existans à l'époque de sa publication; qu'ainsi la veuve Stasseyns s'étant mariée depuis la publication de cette loi, sans faire de contrat de mariage, n'avait pas droit aux avantages qu'elle réclamait.

Ce jugement ayant été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Liége, du 21 prairial an 13, la veuve Stasseyns s'est pourvue en cassation, et a fait usage des moyens précédemment énoncés.

M. le procureur général Merlin a porté la parole dans cette affaire, et a parlé en faveur de la demande en cassation.

Il a tiré de la combinaison des articles 13, 14 et 61 de la loi du 17 nivose, la conséquence que le législateur n'avait porté, pour l'avenir, aucune atteinte aux avantages statutaires entre époux.

Cette conséquence lui a paru sortir des termes mêmes de l'art. 14 de

cette loi.

Cet article veut que les avantages entre époux, qui pourront avoir lieu à l'avenir, soit qu'ils résultent des dispositions matrimoniales, soit qu'ils proviennent d'institutions, dons entre-vifs, ou legs, faits par un mari à sa femme, ou par une femme à son mari, obticment leur effet.

M. le procureur général a pensé que par ces mots, dispositions matrimoniales, il fallait entendre, non pas seulement des conventions écrites on stipulations expresses, mais encore des conventions tacites; qu'en effet le mot disposition, dans le langage du législateur, s'entendait également et de la disposition de l'homme et de celle de la loi, et que dès lors les époux qui s'étaient mariés, sans faire de pactes formels, étaient censés avoir tacitement stipulé ce que la loi stipulait pour eux.

Il concluait de là que l'art. 14 de la loi du 17 nivose avait, pour l'avenir, comme l'a fait l'art. 13 pour le passé, assimilé les avantages statutaires aux avantages conventionnels.

Et c'est ce qui lui a paru confirmé par la réponse à la 10°, question insérée dans le décret du 22 ventose an 2.

-

QUESTION. — « A ce que les avantages conférés par les statuts aux époux, soient maintenus, comme ceux qui étaient l'effet de la stipula

tion. >>

RÉPONSE. -«Cette identité sort évidemment des termes de l'art. 13 de la loi du 17 nivose, qui maintient les dispositions, même statutaires, sur la foi desquelles les époux s'étaient engagés, tandis que l'art. 14 leur permet, de plus, toute autre stipulation à l'avenir : latitude politique qui fait assez apercevoir que le système restrictif n'est pas pour les dispositions entre époux, sauf la réductibilité à l'usufruit de moitié, en cas qu'il y ait des enfans. >>

M. le procureur général a pensé que, n'ayant pu s'élever de doute sur l'identité reconnue, que relativement aux mariages qui avaient été ou seraient contractés sous l'empire de la loi du 17 nivose, la dixième question se rapportait moins au passé qu'à l'avenir, et que dès lors il fallait conclure de la solution qu'elle avait reçue, que le législateur avait entendu maintenir les droits des époux qui, en se mariant depuis la publication de la loi du 17 nivose, sans faire de pactes formels, étaient censés avoir pris pour règles de leurs dispositions matrimoniales, les coutumes locales.

Cela lui a paru résulter encore de l'art. 1390 du Code Napoléon, portant que les époux ne peuvent plus stipuler, d'une manière générale, que leur association sera réglée par une des coutumes, lois ou statuts locaux, qui régissaient ci-devant les diverses parties du territoire français, et qui sont abrogés par le présent Code, cette disposition supposant, a dit M. le procureur général, que jusqu'à la publication du Code Napoléon, les époux pouvaient faire de pareilles stipulations, soit tacitement, soit formellement.

En conséquence, M. le procureur général a conclu à ce que l'arrêt de la cour d'appel de Liége fut cassé, pour avoir fait une fausse application de l'art. 61 de la loi du 17 nivose an 2, et pour avoir violé l'art. 14 de cette loi, et l'art. 10 de celle du 22 ventose suivant.

Mais la section civile de la cour de cassation n'a pas partagé cette opinion, et après un long délibéré en la chambre du conseil, elle a rendu, le 20 septembre 1807, l'arrêt suivant :

<< Considérant que la loi du 17 niyose an 2, ayant introduit de nouvelles règles sur les avantages à stipuler entre époux, a aboli les lois, coutumes, usages et statuts relatifs à la transmission des biens, soit par succession ou donation, et que par conséquent les époux qui ont contracté mariage depuis cette loi, ne peuvent réclamer ceux qui résultaient d'anciens statuts locaux, rejette, etc. »

Outre ce motif général que la cour de cassation a regardé comme suffisant, il nous semble que les moyens employés par M. le procureur général, sont susceptibles de réponses encore plus directes, et l'autorité de ce magistrat est trop grave, pour qu'il ne soit pas nécessaire de ne rien omettre, en discutant son opinion.

1o. M. Merlin a dit que, par ces mots dispositions matrimoniales, qui se trouvent dans l'art. 14 de la loi du 17 nivose, le législateur avait ́entendu, non pas seulement des conventions écrites ou stipulations expresses, mais encore des conventions tacites.

Mais lorsque le législateur a voulu comprendre ces deux espèces de conventions, dans l'art. 13 de la même loi, il s'est expliqué d'une manière bien différente: « les avantages singuliers ou réciproques, porte l'art. 15, stipulés entre les époux encore existans, soit par leur contrat de mariage, soit par des actes postérieurs, ou qui se trouveraient établis dans certains

lieux par les coutumes, statuts ou usages, auront leur plein et entier effet »

Ici les deux espèces de conventions, savoir les expresses, stipulées par le contrat de mariage ou actes postérieurs, et les tacites, qui sont établies par les coutumes, statuts ou usages, sont bien clairement désignées: il ne peut y avoir d'équivoque.

Le législateur aurait donc employé, dans l'art. 14, les mêmes expressions ou au moins des expressions équivalentes, s'il avait voulu y comprendre également les deux espèces de conventions.

Il n'eût même fallu, en ce cas, qu'un seul article qui aurait statué pour l'avenir, de la même manière que pour le passé.

Mais au lieu de cela, le législateur n'a employé, dans l'art. 14, aucunes des expressions qu'il avait insérées dans l'art. 13, pour désigner les conventions tacites, résultant des dispositions des coutumes, et il s'est borné, au contraire, à des dénominations qui n'indiquent que des conventions

expresses.

De cette différence dans les termes, et en combinant, d'ailleurs, les motifs différens qui ont rendu nécessaires les deux articles, on est donc bien autorisé à conclure que le législateur n'a entendu maintenir que pour le passé, les avantages entre époux, qui se trouvaient établis par la seule disposition de l'ancien statut, mais qu'il a voulu que, pour l'avenir, tous avantages entre époux, fussent soumis aux règles nouvelles qu'il établissait sur cette matière.

Il n'est plus permis d'en douter, en lisant la disposition générale do l'art. 61.

2o. La 10°. question et la réponse insérées dans le décret du 22 ventose an 2, ne peuvent s'appliquer qu'aux avantages statutaires ou conventionnels, antérieurs à la loi du 17 nivose précédent.

Pour en être convaincu, il suffit d'examiner avec attention les termes mêmes de la question : « à ce que les avantages conférés par les statuts aux époux, soient maintenus, comme ceux qui étaient l'effet de la stipulation.

Il est évident que ces dernières expressions, comme ceux qui ETAIENT l'effet de la stipulation, ne peuvent se rapporter qu'aux avantages qui avaient été stipulés avant la loi du 17 nivose; autrement, et si on eût

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