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ne stipulant rien, ils se sont exposés volontairement aux chances des changemens qui pouvaient survenir dans la législation.

D'ailleurs, depuis la publication de la loi du 3 mai 1803, ils ont eu la faculté de se faire des avantages, peut-être plus étendus que ceux qui leur étaient attribués par les anciens statuts. S'ils l'ont négligé, ou s'ils ne l'ont pas voulu, comment seraient-ils fondés à se plaindre d'une loi qui, en ne leur enlevant que des droits de simple expectative et purement éventuels, leur permettait de se conférer des droits encore plus considérables, mais dans la forme qu'elle prescrivait ?

. Enfin, à l'égard des gains de survie qui, par les coutumes ou statuts, n'étaient déférés qu'à titre successif, il ne pourrait, an moins, y avoir de doute qu'ils ne soient abolis par la loi nouvelle, puisqu'il est de principe incontestable que tous les droits successifs doivent être réglés, par la loi qui est en vigueur au moment de l'ouverture de la succession. Moyens pour la conservation du douaire et autres gains de survie, coutumiers ou légaux.

De l'aveu de tous les jurisconsultes, et d'après la jurisprudence de tous les tribunaux, il est certain que les douaire, augment de dot, contre-augment et autres gains de survie, qui, avant la promulgation de la loi du 3 mai 1803, ont été stipulés entre époux, par des contrats de mariage, doivent avoir leur effet, lors du décès de l'un des époux, même postérieurement à la publication de la loi du 3 mai.

Or, les mêmes raisons qui exigent que de tels avantages soient exécutés, lorsqu'ils se trouvent consignés dans des contrats de mariage, veulent aussi l'exécution des avantages de même nature, qui se trouvaient conférés, de plein droit et sans stipulation, par le statut local auquel se sont soumis les époux, en se mariant.

Un contrat, en effet, n'est point, par lui-même, une convention; il n'est que la preuve authentique de la convention faite entre les parties. contractantes, et s'il a le pouvoir de faire exécuter cette convention, c'estqu'il la rend certaine et indubitable.

Par le même principe, toute convention qui, même d'une autre manière, se trouve certaine et légale, doit donc être également exécutée. Mais n'est-il pas incontestable que les époux qui se sont mariés, sans

faire de contrat, étaient convenus entr'eux de laisser régir les effets civils de leur union, par la loi, ou le statut, qui était en vigueur dans leur pays, -au moment de leur mariage?

N'est-il pas évident s'ils n'ont pas fait de contrat, que,

c'est qu'ils

savaient què la loi stipulait pour eux, c'est qu'ils ne voulaient pas faire autre chose que ce qui était déterminé par la loi, sur le fait du mariage? leur soumission à la loi équivalait donc à une stipulation formelle, à un contrat authentique en un mot, la loi était leur contrat de mariage, et c'est précisément la même chose que s'ils avaient fait écrire dans un contrat, les dispositions textuelles de la loi.

Ce que nous venons de diré, pour le cas où il n'y a pas eu de contrat de mariage, s'applique également, ainsi que nous l'avons précédemment établi, aux autres cas où les époux n'ont rien stipulé dans leur contrat, pour les gains de survie, parce qu'ils voulaient aussi les laisser régir par le

statut local.

Au reste, ce n'est pas une doctrine nouvelle que nous cherchons à introduire : elle est celle des anciens jurisconsultes les plus célèbres.

Dumoulin a établi qu'en fait de droits et d'obligations de mariage, tout ce qui est de statut devient conventionnel.

Le président Bouhier donne également pour règle, que « s'il se trouve un statut qui suppose une convention entre les parties, il doit avoir la méme force qu'une convention expresse.

Le mêine auteur rendant hommage au principe de Dumoulin, sur la nature du statut matrimonial, ajoute : « Pourquoi refuserions-nous à nos statuts le même privilége qu'avaient les lois romaines, d'introduire des obligations tacites, ayant le même effet que si elles avaient procédé d'un contrat, quasi ex contractu? »>

Pothier établit aussi en maxime, que les conventions matrimoniales sont invariables, « non-seulement, dit-il, à l'égard des conventions expresses qui sont portées par un contrat de mariage, mais encore à l'égard des conventions virtuelles et implicites, qu'on suppose intervenues entre les personnes qui ont contracté mariage. »

Cela est conforme, d'ailleurs, aux deux règles si connues: eadem vis taciti ac expressi. -in contractibus tacitè veniunt, quæ sunt moris

et consuetudinis.

Comment peut-on dire maintenant que les gains de survie établis par le statut local, ne soient pas des droits acquis dès l'instant même du mariage?

Puisqu'ils deviennent conventionnels, suivant les expressions de Dumoulin, puisqu'ils ont la même force que des conventions expresses, suivant les expressions de M. Bouhier, et comme s'ils procédaient d'un contrat, quasi ex contractu, suivant les expressions des bois romaines ils sont donc, comme les gains de survie stipulés par le contrat, conférés et acquis dès l'instant du mariage.

De même, en effet, que les gains de survie, stipulés par le contrat de mariage, sont conférés et acquis par le seul fait de la stipulation, ainsi, les gains de survie, établis, de plein droit, par le statut local, sont conférés et acquis par le seul fait de la loi.

Il y a, dans l'un et l'autre cas, même convention, et les effets doivent en être les mêmes.

Suivant la législation ancienne, la femme avait hypothèque, à compter de son mariage, sur les biens de son époux, pour le douaire coutumier, comme pour le douaire conventionnel ou préfix; l'un et l'autre douaire lui étaient donc également acquis, à compter de son mariage.

Le douaire et autres gains de survie, coutumiers ou légaux, étaient irrévocables de leur nature, à compter du mariage, comme les gains de survie qui avaient été stipulés, puisqu'il n'était permis, après le mariage, à aucun des époux, de porter atteinte à ces dons statutaires, ou conventionnels : c'est un principe qui ne peut être contesté.

Or, des droits qui sont irrévocables, sont des droits acquis.

Toutes les objections qu'ont faites à cet égard les partisans de l'opinion contraire, ne portent que sur la confusion de l'époque à laquelle le droit est acquis, et de l'époque à laquelle il est ouvert.

Sans doute, le droit qui résulte du douaire ou autres gains de survie, n'est ouvert qu'au moment où l'un des époux décède.

Mais quoiqu'il ne s'ouvre qu'à cette époque, il ne s'ensuit pas qu'il ne fut pas acquis à compter du mariage; autrement il faudrait dire que le douaire préfix et autres gains de survie, expressément stipulés par les contrats, ne sont pas, non plus, acquis dès le moment du mariage, puisqu'ils ne s'ouvrent également qu'au décès de l'un des époux.

Et si le douaire et autres gains de survie, purement statutaires, devaient être régis par la loi existante au moment du décès, parce qu'ils ne s'ouvrent qu'à cette époque, la même règle devrait être appliquée, par la même raison, aux douaires et autres gains de survie, expressément stipulés.

On dit que les gains de survie, purement statutaires, n'ont jamais été que de simples expectatives et des avantages purement éventuels, qu'ils ont toujours été subordonnés, pour leur réalisation, ainsi que pour leur quotité, à l'événement du prédécès de l'un plutôt que de l'autre des époux, et à la fortune de l'époux qui décéderait le premier. Mais, si l'on voulait conclure de ce raisonnement, que le droit, le droit, parce qu'il est incertain à l'égard de la personne, parce qu'il est incertain quant à la quotité, n'est pas acquis à compter du mariage, l'objection s'appli– querait encore aux douaires et autres gains de survie, préfix et conventionnels, que tout le monde convient cependant être acquis dès l'instant que le mariage est contracté.

Sans doute, il est incertain jusqu'au décès de l'un des époux, lequel des deux profitera du gain de survie, et la quotité du don peut être plus ou moins considérable, suivant que le prédécédé laisse plus ou moins de fortune; mais toutes ces circonstances sont absolument étrangères à l'acquisition du droit, et ne sont relatives qu'à son exercice.

En matière d'institution contractuelle, le droit de l'institué ne s'ouvre également qu'au moment du décès de l'instituant: jusqu'à cette époque, la portion de biens que doit avoir l'institué, est également incertaine, puisqu'elle dépend également de la fortune que laissera l'instituant; et cependant il est généralement reconnu que le droit de l'institué est acquis dès le moment même de l'institution.

Il y a même de plus en faveur des gains de survie statutaires, qu'ils étaient légalement hypothéqués sur les biens sur lesquels ils devaient s'exercer, en sorte que ces biens ne pouvaient être aliénés qu'à la charge de l'acquit de ces gains statutaires, lorsqu'ils seraient ouverts; au lieu que l'instituant a toujours été le maître d'aliéner, à titre onéreux, ses biens, sans que l'institué eût rien à y prétendre.

On oppose qu'il a été décidé par arrêt de la section civile de la cour de cassation, du 20 frimaire an 14, qu'un gain de survie, purement statutaire, n'était acquis qu'au moment du décès de l'un des époux ; mais, en lisant cet arrêt avec attention, on y verra qu'il a jugé sculement que

le survivant des époux n'était saisi des biens, qu'au moment du décès de l'autre époux, et qu'en conséquence c'était à cette époque qu'il devait à la régie de l'enregistrement, le droit pour mutation de propriété.

Dans l'espèce, Marguerite Schmitz avait épousé, en 1776, le sieur Olinger, et les époux avaient déclaré, par leur contrat de mariage, qu'ils se soumettaient à la coutume du Luxembourg.

L'article 8 du titre 8 de cette coutume, portait qu'au survivant des époux appartiennent les meubles et l'usufruit des immeubles du prédécédé.

Marguerite Schmitz ayant profité de cette disposition, après la mort de son mari, la régie de l'enregistrement décerna contre elle une contrainte pour le paiement du droit proportionnel qui résultait de la transmission de propriété des meubles et de l'usufruit des immeubles.

Elle prétendit que les biens en question lui étant acquis à compter de son mariage, c'était à cette époque que s'était opérée la mutation de propriété à son profit; qu'au décès de son mari, elle n'avait rien acquis, mais avait seulement conservé une jouissance qui lui appartenait antérieurement, et qu'en conséquence il n'était dû auenn droit d'enregistrement.

Il est évident que Marguerite Schmitz confondait le droit en lui-même, avec l'exercice du droit : elle avait bien, à compter de son mariage, le droit de prendre, au décès de son mari, la propriété de ses meubles et l'usufruit de ses immeubles, mais ce n'était qu'au décès de son mari, qu'elle pouvait exercer ce droit; ce n'était donc qu'à cette époque que s'opérait, de fait, la mutation de propriété et d'usufruit, et conséquemment c'était à cette époque qu'elle devait acquitter le droit proportionnel dû pour mutation.

Cependant un jugement du tribunal civil de Luxembourg, accueillit la défense de Marguerite Schmitz; mais la cour de cassation a cassé ce jugement, par le motif que Marguerite Schmitz n'ayant les biens de son mari, qu'à titre de gain de survie, n'en avait été réellement saisie que lorsque son mari était mort ; que c'était donc à cette époque seulement que la mutation de propriété avait eu lieu à son profit, et par conséquent que le droit proportionnel d'enregistrement avait dû être exigé, conformément à l'art. 69 de la loi du 22 frimaire an 7.

Il est évident que, par le même motif, la même décision aurait dû intervenir à l'égard d'un douaire, ou autre gain de survie, quoiqu'ex

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