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avantages entre époux, avec les droits purement successifs;

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que, d'après la coutume de Looz, l'avantage dont il s'agit étant acquis à l'époux survivant à cause du mariage, et sans qu'il fût au pouvoir du prémourant de l'en priver par testament, formait un avantage entre époux, irrévocable de sa nature; - que, si cet avantage avait été réduit à l'usufruit par les lois des 5 brumaire et 17 nivose an 2, c'était par l'effet rétroactif rapporté par celle du 9 fructidor an 3, par les art. 9 et 12 de celle du 5 vendémiaire an 4, et par l'art. 1. de celle du 18 pluviose an 5; - que, si cette dernière loi déclarait que les avantages et autres dispositions irrévocables de leur nature, stipulés entre époux, antérieurement à la publication de la loi du 5 brumaire an 2, auraient leur plein et entier effet, conformément aux anciennes lois, tant sur les successions ouvertes jusqu'à ce jour, que sur celles qui s'ouvriraient à l'avenir, il y avait et il y a même raison de décider ainsi pour les avantages de cette nature résultant des coutumes, que pour ceux provenant de dispositions expresses, puisqu'ils sont de même nature, également irrévocables et stipulés de même, les époux étant censés avoir adopté, en ce point, les dispositions de la coutume sous l'empire de laquelle le mariage s'est contracté ; — - qu'il suit de là que, par le prédécès de son épouse, Arnold Boes avait irrévocablement acquis la propiété des meubles par elle délaissés, et qu'en le déci→ dant ainsi, le jugement attaqué n'est contrevenu à aucune loi, rejette, etc. >>

Cette question a encore été jugée de la même manière, par la cour de cassation, le 8 prairial an 13.

Le sieur Goossens et la demoiselle Vanderschrick s'étaient mariés avant la loi du 5 brumaire an 2, sans faire de contrat de mariage; ils s'étaient mariés sous l'empire de la coutume de Louvain qui accordait au survivant des époux, l'usufruit des immeubles du prédécédé.

Le sieur Goossens décéda, après la publication de la loi du 17 nivose, laissant un enfant qui prétendit qu'en vertu de l'art. 13 de cette loi, l'usufruit accordé à sa mère par la coutume, se trouvait réduit au revenu de la moitié des biens.

La veuve Goossens soutint que la seconde partie de l'art. 13, n'était pas applicable aux mariages contractés antérieurement à la publication de la loi du 17 nivose.

Ainsi, question de savoir si le droit à l'usufruit avait été irrévocablement acquis dès le joúr du mariage, de manière à ne pouvoir être réduit par une loi postérieure.

Le 4 messidor an 12, la cour d'appel de Bruxelles, jugea pour l'affirmative « attendu, porte le jugement, que le mariage contient, outre l'union des personnes, une association d'intérêts civils dont la loi fixe les conditions, dans le silence des stipulations des parties; que les conditions du mariage, réglées par le statut, tenant lieu de dispositions écrites, ne doivent pas être d'une nature différente de celles qui sont l'effet d'une convention expresse; que l'art. 13 du chap. 12 de la coutume de Louvain, sur lequel se fonde la veuve pour retenir l'usufruit de la totalité des biens de son mari, attribue ce droit à celui des conjoints qui survivra, de sorte que ce droit est parfait par le mariage, et n'a plus d'incertitude que dans l'événement de la survie, etc. »

L'enfant s'étant pourvu en cassation, s'attacha principalement à prouver que les avantages entre époux, établis par les coutumes, n'étaient pas des droits acquis par le seul fait du mariage, et nous rapporterons encore ses moyens, pour qu'on n'ait pas à nous reprocher de n'avoir pas cité tout ce qui a été dit de contraire à notre opinion.

Qu'entend-on par droit acquis, disait le demandeur en cassation?

On entend un droit parfait, consommé, dont on est en possession, dont on jouit pleinement.

Une simple expectative, une espérance incertaine, qui peut se réaliser ou ne pas se réaliser, n'est assurément pas un droit acquis, puisque nonseulement on n'en jouit pas actuellement, mais qu'il peut se faire qu'on n'en jouisse jamais.

Or la coutume de Louvain ne donne à chacun des époux qu'une simple expectative.

Elle porte au dernier vivant des deux conjoints compète l'usufruit de tous les biens, etc.

Ici, c'est la loi seule qui donne; elle peut donc aussi anéantir ou restreindre son bienfait car le législateur peut, dans tous les tems, la modifier. Eclairé par l'expérience, il peut remplacer des vues bonnes, par des vues meilleures. L'intérêt particulier doit céder à l'intérêt général qui commande une réforme utile.

Au dernier vivant compète..... La loi parle au présent ; c'est donc au tems présent qu'il faut l'appliquer.

La loi du 17 nivose n'avait, sans doute, rien à régler, relativement aux avantages échus ou recueillis avant sa publication; mais quant aux avantages accordés par la coutume, non encore ouverts, non encore recueillis, la loi nouvelle a pu venir les modifier, ou les changer, parce que rien n'est acquis et qu'il n'y a que des espérances.

Ici, le cas est bien plus favorable. Le droit qu'accorde la loi, est indéterminé, incertain. Sur la tête des deux époux, il est subordonné à l'événement de la mort, à la condition très-éventuelle du prédécès: il flotte pendant la vie, il ne se fixe qu'à la mort, et ce n'est qu'alors qu'il devient certain, qu'il est acquis: il peut même arriver qu'aucun des deux époux n'en jouisse, et qu'ils meurent tous deux, en même tems.

Telle était la position de la veuve Goossens, à l'époque de la publication de la loi du 17 nivose: son mari existait encore: elle ne pouvait pas dire alors qu'elle avait un droit acquis à l'usufruit de ses biens.

La loi a trouvé les choses dans un état d'incertitude qui lui permettait d'exercer son pouvoir, sans effet rétroactif; elle l'a fait, elle a restreint cette espérancé incertaine d'usufruit, en faveur des enfans. Elle n'a parlà rien enlevé, rien ôté, puisque rien n'était encore acquis. Elle n'a point rétroagi; elle a disposé pour l'avenir; elle a réglé les résultats d'un fait qui n'était pas encore arrivé, qui par cela même laissait les choses entières, le fait de la mort de l'un des époux avant l'autre..

Ce droit d'usufruit accordé par la coutume de Louvain, à l'époux survivant, est ce qu'on appelle un gain de survie. Le gain de survie, et sa nature même l'indique, naît moins du mariage, que de l'événement de la survie.

L'instant de la survie est l'instant de la naissance de ce droit, de son ouverture. Peu importe que le mariage ait été contracté : si la condition de la survie ne s'accomplit pas, il n'y a pas gain de survie.

C'est donc à l'époque du prédécès de l'un des époux, qu'il faut se reporter, pour savoir si la loi est rétroactive, et non à l'époque du mariage.

A cet égard, le demandeur en cassation invoquait aussi les arrêts rapportés par Louet, et ajoutait que Chopin et Lebrun avaient dit,

comme Louet, qu'il fallait suivre la coutume nouvelle, pour des droits qui n'étaient pas encore échus, comme pour des gains de survie.

Tous ces moyens ont, encore une fois, été rejetés par la cour de cassation : elle a rendu, le 8 prairial an 13, et conformément à l'avis de M. le procureur général Merlin, l'arrêt suivant:

<< Attendu que les expressions littérales et les dispositions combinées de la coutume de Louvain, ne peuvent laisser aucun doute sur l'irrévocabilité des avantages ou gains de survie, que cette coutume accorde au survivant des époux, quant à l'usufruit des immeubles et à la propriété des meubles et choses réputées de même nature; que, dans l'espèce, les droits et avantages ainsi irrévocablement acquis à la veuve Goossens dès le jour de son mariage contracté sous l'empire et sur la foi de la coutume de Louvain, n'auraient pu recevoir d'atteinte, qu'autant que la loi du 17 nivose an 2, aurait rétroagi sur les unions formées avant sa publication; mais que l'effet rétroactif qu'elle devait avoir, ayant été révoqué par les lois de fructidor an 3 et vendemiaire an 4, les droits et avantages sont restés dans leur état primitif d'irrévocabilité; qu'il importe peu que les conditions du mariage de la veuve Goossens n'aient pas été stipulées par écrit, la coutume de Louvain que les époux ont tacitement prise pour règle des effets de leur union, ayant nécessairement la même force qu'aurait eu un contrat civil, les lois de nivose an 2 et pluviose an 5, ne faisant aucune distinction à cet égard, et celle de ventose an 2, plaçant sur la même ligne le cas où il n'existe pas de contrat civil, et celui où il en a été fait; que d'ailleurs, suivant l'esprit des coutumes de la ci-devant Belgique, qui assurent au survivant des époux la propriété du mobilier et l'usufruit des immeubles du prédécédé, ces avantages ne sont pas des droits successifs, mais de véritables gains de survie, assurés aux époux dès le moment de leur mariage, rejette, etc. »

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Il est donc solennellement décidé par la cour de cassation, que les gains de survie, établis en faveur des époux, par les coutumes, usages ou statuts, étaient acquis dès le moment du mariage, qu'ils étaient irrévocables de leur nature, qu'ils avaient la même force et devaient produire les mêmes effets que s'ils avaient été expressement stipulés dans des contrats de mariage, et que, par conséquent, on peut dire que le coutumes ne les déféraient pas seulement comme lois, mais comme conventions.

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Or, il est reconnu par tous les jurisconsultes que des droits cons ventionnels qui étaient acquis sous l'empire d'une loi, et qui étaient irrévocables, ne peuvent être altérés, modifiés, ni aucunement atteints par une loi nouvelle.

Il en résulte donc la conséquence nécessaire, que la loi du 3 mai 1803, n'a pas aboli, même pour les successions qui s'ouvriraient après sa publication, les gains de survie établis par les coutumes, usages ou statuts, en faveur des époux mariés sous leur empire.

Dira-t-on que les deux arrêts de la cour de cassation, que nous venons de rapporter, sont relatifs à des douaires coutumiers onveris sous l'empire de la loi du 17 nivose an 2, et que, s'ils ont maintenu ces douaires, ça été uniquement parce que l'art. 13 de la loi du 17 nivose, avait entièrement assimilé les droits de survie purement statutaires, aux droits de survie contractuels ; mais que le Code Napoléon ne contenant pas une semblable disposition, et ayant, au contraire, expressément abrogé les coutumes générales ou locales, et les anciens statuts et règlemens, les arrêts cités ne sont pas applicables aux douaires coutumiers ouverts sous l'empire du Code?

Nous ferons à cette objection deux réponses également péremptoires. 1o. On a vu dans le précédent paragraphe, que M. Merlin soutenait, en effet, que l'art. 13 de la loi du 17 nivose avait maintenu, même pour l'avenir, les dons de survie purement statutaires, et qu'en conséquence ils pouvaient être toujours réclamés, même par les époux qui ne s'étaient mariés que depuis la publication de la loi du 17 nivose; mais on a vu aussi que son opinion n'a pas été adoptée par la cour de cassation, et que l'arrêt du 20 octobre 1807, a décidé, au contraire, in terminis, que la loi du 17 nivose, ayant introduit de nouvelles règles sur les avantages à stipuler entre époux, avait aboli, pour l'avenir, les lois, coutumes usages et statuts relatifs à la transmission des biens, soit par succession, soit par donation, et que, par conséquent, les époux qui avaient contracté mariage depuis cette loi, ne pouvaient réclamer les avantages qui résultaient d'anciens statuts locaux.

Il n'y a, sur ce point, aucune différence entre la loi du 17 nivose et le Code Napoléon: la loi et le Code ont également aboli, pour l'avenir, les statuts qui conféraient des douaires coutumiers ou autres gains de survie, sans stipulation.

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