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2o. L'opinion de M. Merlin qui, en donnant, à l'audience de la cour de cassation, du 29 messidor an 12, des conclusions pour l'abolition du tiers coutumier en Normandie, et soutenant que ce droit ne devait pas être comparé à des dons statutaires qui avaient été maintenus par arrêts de la cour, des 29 nivose an 6 et 27 germinal an 12, s'exprimait ainsi : « Ces deux arrêts invoqués par les défendeurs, ont bien décidé que, pour les époux entr'eux, les dons statutaires avaient la même force que les dons conventionnels; mais ce principe n'est pas applicable aux enfans, parce qu'on ne peut pas dire qu'il y ait eu relativement à eux, lors du mariage du père et de la mère, convention tacite, puisqu'ils n'existaient pas.

3o. Enfin l'opinion de M. Grenier qui, dans son traité des donations et des testamens, t. 2, page 470, décide expressément que le douaire est dû, quoique le mari ne soit mort que sous l'empire du Code Napoléon, si les époux s'étaient mariés, avant la loi du 17 nivose an 2, sous l'empire d'une coutume qui assurait un douaire, sans qu'il y eût de contrat de mariage, ou que, dans le contrat il n'eût été fait aucune

mention du douaire.

de même qu'on

« On doit, dit-il, partir de ce principe constant que, ne peut, sans une injustice révoltante, diviser les conventions corrélatives portées par un titre, qu'on ne serait pas fondé à demander l'exécution des clauses qui sont contre une des parties, et à se refuser à l'exécution de celles qui sont pour elle; de même aussi on ne peut détacher du fait d'un mariage, le droit que la coutume, par son propre ministère attachait. On ne saurait voir de différence entre un droit irrévo– cablement acquis dans ce cas, en vertu de la loi, et celui qui serait acquis en vertu d'une convention, ou d'une disposition irrévocable de sa nature. Le mariage est, sans contredit, le plus important des contrats, et les époux se sont unis sous l'égide de la loi qui réglait elle-même le

y

contrat.

« On a dit, ajoute M. Grenier, que le douaire ne s'ouvrait en faveur de la femme, que par la mort du mari, et que par conséquent elle avait seulement auparavant un simple espoir, une expectative. Mais le droit au douaire a été acquis à la femme, dès l'instant même du mariage. Il n'a été acquis, à la vérité, que pour un cas, qui est celui de la survie au mari; mais l'événement auquel l'ouverture du douaire est subor

donné, arrivant, le droit remonte au jour du contrat qui l'a formé. C'est de ce jour qu'il est acquis, comme il le serait, s'il y avait une convention expresse, à laquelle la disposition de la loi est équivalente. Tous les droits subordonnés à une condition suspensive ou résolutoire, n'existent pas moins par par eux-mêmes, et cela est également vrai pour une donation entre-vifs proprement dite, quand elle serait grevée d'une condition casuelle de Pune ou de l'autre des qualités dont il vient d'être parlé, ainsi que pour une créance conditionnelle pour laquelle on peut s'inscrire, lorsqu'elle est hypothécaire. »

§. III.

Comment doivent être réglés sous l'empire du Code Napoléon, les douaires et autres gains de survie entre époux, qui étaient établis d'une manière différente, par les coutumes, usages ou statuts, soit à raison des diverses espèces de biens, soit à raison du privilége des personnes?

Les coutumes n'avaient pas réglé de la même manière, sur les diverses espèces de biens, les douaires et autres gains de survie.

Elles avaient aussi établi, à cet égard, des distinctions, quant aux

personnes.

pen

Les unes n'accordaient de gain de survie, que sur les acquêts fait dant le mariage: les autres l'accordaient également sur les propres du prédécédé.

Les unes ne le conféraient que sur les biens nobles, ou seulement sur les biens roturiers : les autres n'avaient pas admis cette distinction.

La quotité du gain de survie n'était pas, non plus, réglée, d'une manière égale, sur les diverses espèces de biens.

Enfin, suivant quelques coutumes, le gain de survie n'était pas réglé à l'égard des personnes roturières, comme à l'égard des nobles.

Toutes ces distinctions sur la nature et l'origine des biens, et sur les priviléges des personnes, ayant été abolies par diverses lois intervenues pendant la révolution, il s'agit de savoir sur quels biens, et dans quelle quotité, doit être accordé le gain de survie dans la succession du premier mourant, lorsque cette succession s'est ouverte sous l'empire du

Code Napoléon, et que le mariage avait eu lieu avant la publication des lois qui ont aboli la distinction des biens et des personnes.

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I. Il ne peut y avoir de difficulté quant aux propres et aux acquêts. Depuis la promulgation du Code Napoléon, le gain de survie doit être encore réglé, à l'égard de chacune de ces deux espèces de biens, comme il l'était avant le Code, et conformément aux dispositions de la coutume, ou du statut, qui l'avait établi.

Le Code, en effet, n'a aboli la distinction des propres et des acquêts, que pour les successions ab intestat qui s'ouvriraient sous son empire ; mais il ne l'a pas aboli, quant aux droits des époux entr'eux.

On peut aisément s'en convaincre, en lisant le titre du Code, sur le contrat de mariage.

Seulement, on y dénomme biens personnels des époux, les biens qui avaient autrefois la dénomination de propres.

Mais la distinction entre les acquêts faits pendant le mariage, et les biens propres, ou personnels, de chacun des époux, y est formellement conservée, pour déterminer l'actif de la communauté, pour en régler le partage, et pour établir les droits des époux entr'eux.

Elle doit donc être encore suivie, pour régler entr'eux le droit de survie, antérieurement établi par la coutume, comme elle le serait pour un gain de survie, ou un préciput quelconque, qui aurait été établi depuis la promulgation du Code.

On a vu dans l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers, le 30 août 1806, et dans celui rendu par la cour d'appel de Trèves, le 5 janvier 1807, rapportés au précédent paragraphe, que ces deux arrêts ont maintenu, quant au gain de survie, la distinction entre les acquêts et les propres, puisque le premier arrêt accorde à la femme survivante, un donaire sur les propres du mari, et un usufruit particulier sur les conqnêts; et que le second accorde au mari survivant, la propriété des meubles de la communauté, et l'usufruit de tous les immeubles de la femme. (Voyez les articles Distinction des biens, et droits matrimoniaux.)

II. On doit également suivre l'ancienne distinction des biens en meubles et en immeubles, pour régler le douaire et autres gains de survie, sur chaque nature de biens, conformément à la loi qui était en vigueur au

moment du mariage, quoique le Code Napoléon ait aboli la distinction des meubles et des inmeubles, dans les successions ouvertes sous son empire. . Cette abolition n'a été prononcée qu'à l'égard des successions ab in festat qui seules peuvent être régies par la loi existante au moment de leur ouverture; elle ne peut avoir d'effet qu'à l'égard des héritiers entre eux; mais elle n'est pas applicable aux droits qui étaient acquis aux épous dès le moment de leur mariage, soit en vertu de conventions expresses, soit en vertu de la loi qui était alors en vigueur. Ces droits qui étaient tous également irrévocables, doivent toujours être exercés sur chaque espèce, sur chaque nature de biens, ainsi que l'avait réglé la loi existante au moment du mariage. C'est ainsi que l'a expressément décidé un arrêt de la cour d'appel de Rouen que nous rapporterons, à l'article Droits matrimoniaux.

III. La question se présente d'une autre manière, dans les coutumes qui réglaient le douaire à une quotité plus ou moins considérable sur les biens nobles et les fiefs, que sur les biens roturiers et les biens allodiaux, ou qui n'accordaient de douaire, que sur les uns, et le refusaient sur les autres.

Cette distinction des biens ayant été abolie par la suppression de la féodalité, la veuve peut-elle, sous l'empire du Code Napoléon, réclamer son donaire coutumier sur tous les biens indistinctement, et dans la même quotité sur les uns et les autres, que son mariage soit antérieur ou postérieur à la suppression de la féodalité?

Dans les coutumes d'Artois, de Calais et du bailliage d'Amiens, le douaire de la femme consistait dans la moitié du revenu des fiefs, et dans je tiers de celui des censives ou rotures.

En Hainaut, les fiefs et les franes-alleux étaient seuls soumis au douaire: les main-fermes, c'est-à-dire, les censives, en étaient affranchis.

Dans la coutume de la châtellenie de Lille, les rotures étaient également affranchies du douaire; elles étaient seulement sujettes à un droit appelé vivenotte.

Cette coutume donnait pour douaire, l'usufruit de la moitié des fiefs, à la femme qui acceptait la communauté conjugale, et le tiers seulement à celle qui renonçait.

Le droit de vivenotte était, au contraire, l'usufruit déféré seulement.

à la veuve commune, de la totalité des rotures qui avaient existé, comme propres, dans la main du mari.

Comment doit aujourd'hui s'exercer le douaire sur les biens situés dans les ressorts de ces diverses coutumes?

Pour décider cette question, il faut se reporter aux décrets rendus par l'assemblée constituante, sur les droits féodaux.

Le régime féodal fut détruit par le fameux décret du 4 août 1789, et conséquemment il n'exista plus dès lors de ceusives en France.

Mais ce décret ne fit qu'établir le principe de la suppression de la féodalité, et il fallait en déduire les conséquences, et en régler les effets. Tel fut l'objet des décrets des 15 mars et 19 septembre 1790.

L'article 13 du titre 1o. du décret du 15 mars, déclara abolis tous les effets que les coutumes, statuts et usages avaient fait résulter de la qualité féodale ou censuelle des biens, soit par rapport au douaire, soit pour la forme d'estimer les fonds, et généralement pour tout autre objet.

Or, la conséquence qui dérive nécessairement de cette disposition, c'est que, depuis la publication des lettres patentes rendues le 28 mars 1790 sur le décret du 15 du même mois, on ne dut plus reconnaître d'autres biens que des francs-alleux, c'est que tous les biens, sans distinction, durent être gouvernés dès lors, tant pour le douaire que pour tous autres objets, par les lois qui n'étaient ni spéciales aux fiefs, ni spéciales aux censives, mais qui frappaient, ou particulièrement sur les francs-alleux, ou sur les héritages en général, abstraction faite de toute qualité féodale ou censuelle.

Et cette conséquence est, d'ailleurs, littéralement écrite dans le décret du 19 septembre 1790, dont l'article 2 porte : « dans les pays et les lieux où les biens allodiaux sont régis, soit en succession, soit en disposition, soit en toute autre matière, par des lois ou statuts particuliers, ces lois ou statuts régissent pareillement les biens ci-devant féodaux ou censuels. >>

Il faut remarquer la raison sur laquelle s'est fondé le comité féodal de l'assemblée constituante, lorsqu'il a proposé le projet de cet article. «La raison en est, a-t-il dit, que les ci-devant censives sont devenues de véritables francs-alleux, 1°. par l'art. 1o. du décret du 4 août 1789, qui a détruit entièrement le régime féodal; 2°. par l'art. 1°. du tit. 1°.

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