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du décret du 15 mars, qui a converti en simples charges foncières, tous les droits et devoirs féodaux ou censuels, charges qui n'ont rien de contraire à l'essence des francs-alleux ; 3°. par l'art. 13 du même titre, qui déclare abolis tous les effets que les coutumes avaient fait résulter de la qualité féodale ou censuelle des biens. >>

Il faut remarquer, en outre, que cet article 2 de la loi du 19 septembre 1790, porte que sa disposition, purement interprétative, aura lieu, savoir pour les successions, à compter de la publication des lettres patentes du 28 mars précédent, intervenues sur le décret du 15 du même mois, et pour toute autre matière, à compter de la publication des lettres patentes du 5 novembre 1789, données sur les décrets du 4 août précédent.

Il résulte évidemment des décrets qui viennent d'être cités, 1°. que tous les douaires qui dépendaient de la qualité féodale ou censuelle des biens, c'est-à-dire, qui par les dispositions des coutumes, étaient établis particulièrement ou sur des fiefs, ou sur des censives, ont été abolis dans les successions ouvertes depuis la publication des lettres patentes du 28 mars 1790; 2°. que les dispositions des coutumes qui avaient établi un douaire sur les biens allodiaux, ou sur les héritages en général, indépendamment de toute qualité féodale ou censuelle des biens, sont deve nues applicables à tous les biens, sans distinction, et même aux fiefs et aux censives qui ont cessé d'être régis par les dispositions qui leur étaient spéciales.

Ainsi, lorsqu'une coutume fixait, par une première disposition, le douaire de la veuve, à la moitié, par exemple, du reveuu des biens allodiaux ou des autres héritages en général, et que, par une autre disposition particulière, elle le fixait au tiers du revenu des fiefs et des censives, la veuve a eu le droit de prendre, pour son douaire, la moitié du revenu de tous les biens, sans distinction, et même des fiefs et des censives, dans la succession de son mari, ouverte postérieurement à la publication des lettres patentes du 28 mars 1790.

Il en a été de même, lorsque la coutume ne lui attribuait un douaireque sur les biens allodiaux, et le lui refusait sur les fiefs et les censives, ou sur l'une ou l'autre seulement de cette nature de biens, attendu que toutes les règles spéciales aux fiefs et aux censives ont été abolies.

Par la même raison, la veuve a éprouvé réduction dans la quotité du douaire, lorsque celle qui était fixée par la coutume pour les biens allodiaux, ou pour les héritages en général, se trouvait moins considérable que celle qui était particulièrement établie sur les fiefs ou les censives. La veuve n'a pu avoir sur tous les biens, que la quotité fixée pour les allodiaux ou les héritages en général.

Mais il en résulte aussi qué, dans les coutumes qui n'avaient établi dé douaire que sur les fiefs et les censives, et qui n'en avaient pas établi par une disposition particulière, sur les biens allodiaux, ou sur les héritages en général, la veuve n'a pas eu de douaire à réclamer dans les successions ouvertes depuis la publication des lettres patentes du 28 mars 1790, puisqu'aux termes du décret du 15 mars, le douaire résultant de la qualité féodale ou censuelle des biens a été aboli, et qu'il ne se trouvait pas dans les coutumes dont il s'agit, une disposition particulière aux autres biens, par laquelle on pût faire régir, conformément au décret du 19 septembre, le douaire établi sur les fiefs et les censives. Les dispositions de ces deux décrets doivent être encore suivies et exécutées sous l'empire du Code Napoléon qui n'a, en aucune manière, abrogé ni modifié les lois relatives à la suppression de la féodalité, et qui ne dit rien à l'égard du douaire..

On peut nous opposer que les conséquences que nous avons déduites de ces dispositions, sont tout à la fois exagérées et injustes, qu'elles violent la loi du contrat qui avait été fait entre les époux, et qu'elles sont même contraires aux principes que nous avons établis au paragraphe précédent : on dira que la femme qui s'est mariée sous l'empire des coutumes qui établissaient un douaire particulier sur les fiefs et les censives, a compté et dû compter sur ce douaire, puisqu'elle ne pouvait prévoir la suppression de la féodalité ; que, d'ailleurs, les lois relatives à cette suppression, en effaçant la nature particulière qui avait été donnée aux biens nobles et roturiers, n'ont pas soustrait ces biens aux charges dont ils étaient grevés; et que, si on leur faisait produire l'effet d'anéantir les douaires qui étaient établis sur les fiefs et censives, avant qu'elles eussent été publiées, ce serait leur donner un effet rétroactif, comme on le donnerait au Code Napoléon, s'il abrogeait les douaires établis, avant sa promulgation, sous. l'empire des anciennes coutumes.

A cette objection qui se présente dans des termes très - favorables, pous répondons qu'il ne s'agit par d'examiner ce que devait faire le légisJateur, en supprimant la féodalité; mais qu'il faut se borner à ce qu'il fait réellement.

Sans doute, il eût été plus conforme aux principes, que le législateur, en supprimant la féodalité pour l'avenir, maintînt pour le passé toutes les conventions faites d'une manière irrévocable sur les fiefs ou les censives, et que, notamment à l'égard des douaires, il les conservât aux femmes précédemment mariées, puisqu'ils étaient des conventions de mariage.

Mais on ne peut se dissimuler que le législateur est allé plus loin, et que voulant accélérer la suppression de la féodalité, il en a détruit tous les effets qui n'étaient pas définitivement exécutés.

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Les dispositions de l'art. 13 du titre 1°. du décret du 15 mars 1790, et de l'art. 2 du décret du 19 septembre 1790, ne laissent aucun doute à cet égard.

Dans le premier de ces articles, le douaire coutumier est expressément dénommé, comme étant compris dans la suppression, lorsqu'il n'était attaché qu'à des fiefs ou à des censives.

<< Sont pareillement abolis, porte cet article, tous les effets que les 'coutumes, statuts et usages avaient fait résulter de la qualité féodale ou censuelle des biens, soit par rapport au douaire, soit pour la forme d'estimer les fonds, soit pour tout autre objet. »

Cependant le législateur voulut conserver les effets que les coutumes avaient fait résulter de la qualité féodale ou censuelle des biens, lorsqu'on pourrait les rattacher aux dispositions particulières aux autres biens, afin que tous les biens, sans distinction, fussent soumis à des règles communes: tel fut l'objet de l'art. 2 de son décret du 19 septembre 1790 : « dans les pays et les lieux où les biens allodiaux sont régis, soit en succession, soit en disposition, soit en toute autre matière, par des lois ou statuts particuliers, ces lois ou statuts régissent pareillement les biens ci-devant féodaux on censuels. >>

Mais il résulte aussi de cet article combiné avec l'article précédemment cité du décret du 15 mars, que, dans tonte matière où il n'y avait pas de loi ou statut particulier sur les biens allodiaux, l'art. 2 du décret du 19 septembre, ne pouvant plus recevoir d'application, la disposition spéciale aux biens féodaux et censuels, restait abolic, aux termes de l'art.

15 du titre 1er. du décret du 15 mars; et la raison en est évidente, c'est que le législateur ne voulait pas que les biens féodaux et censuels continuassent à être régis par des lois particulières, dans les successions ouvertes depuis la publication des lettres patentes du 28 mars 1790.

Il est donc certain que, dans les coutumes qui n'avaient attaché le douaire qu'aux biens féodaux ou consuels, et qui n'en avaient pas établi sur les biens allodiaux, ce douaire à qui l'on ne peut appliquer le décret' du 19 septembre, s'est trouvé entièrement aboli par le décret du 15 mars,

et n'a pu être réclamé depuis la publication des lettres patentes inter

venues sur ce dernier décret.

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Au reste, cette opinion a été formellement consacrée par un jugement du tribunal de cassation, du g ventose an IL. A

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Dans l'espèce sur laquelle est intervenu cet arrêt, la veuve Bourdon réclamait son douaire, conformément à la disposition de l'art. 173 de la coutume générale d'Artois, portant que le droit de douaire és fiefs est de la moitié des profits d'iceux, et en biens cotiers, le tiers.

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La cour d'appel de Douai avait décidé que le douaire établi article, avait été aboli par la loi du 15 mars 1790, mais que, d'après la dispar cet position formelle de l'art. 166 de la même coutume, la femme ayant faculté, après le trépas de son mari, de prendre son droit de douaire coutumier, ou de douaire préfix, ce droit ce droit de douaire coutumier étant établi par un article, autre que l'art. 173 qui en réglait la quotité, se trouvant ainsi indépendant de la nature des biens, et ne participant aucunement de la féodalité ni de la censualité, n'avait pu être aboli par le décret du 15 mars, ni par celui du 19 septembre, et en conséquence le tribunal d'appel de Douai avait fixé le douaire de la veuve Bourdon, au tiers des 2

biens.

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Cette veuve s'étant pourvue en cassation, M. Merlin développa dansses conclusions les principes que nous venons d'exposer; et il établit avec son talent ordinaire, 1o. que la veuve ne pouvait réclamer un douaire en vertu de l'art. 173 de la coutume d'Artois, qui contenait une disposition spéciale aux fiefs et aux censives, laquelle avait été abrogée par le décret du 15 mars 1790 ; 2°. que néanmoins il était dû un douaire, d'après la dis-position de l'art. 166 de la coutume d'Artois, qui accordait généralement le douaire coutumier, indépendamment de la quotité féodale et censuelle des biens; 3o que, conformément au décret du 19 septembre 1790, le

douaire établi par l'art. 173 de la coutume sur les fiefs et les biens cotiers, devait être réglé par la disposition de l'art 166 qui s'appliquait à tous les biens en général ; il conclut au rejet de la demande en cassation. Le tribunal rejeta la demande par les mêmes motifs

« Attendu, est-il dit dans le jugement, que les dispositions de l'art. 175 de la coutume générale d'Artois, concernant la quotité du douaire, ont été abolies par les décrets des 15 mars et 19 septembre 1790, comme résultant de la qualité féodale et censuelle des biens; que néanmoins le droit de douaire coutumier est établi par un autre article de la coutume, indépendant de celui qui en réglait la quotité, que par conséquent le tribunal de Douai a pu, non-seulement accorder un douaire coutumier à la veuve Bourdon, mais, en outre, il a pu en déterminer la quotité au tiers des biens. >>

Il résulte bien clairement de ces motifs, que si, dans la coutume d'Artois, il n'y avait pas eu, outre la disposition qui fixait la quotité dụ douaire sur les fiefs et les biens cotiers, une autre disposition qui établit un droit de douaire sur les biens en général, indépendamment de la qualité féodale ou censuelle, la veuve Bourdon n'aurait pas obtenu de douaire.

Mais lorsque la disposition de la coutume, qui établit un douaire sur les biens allodiaux, ou sur les biens en général, indépendamment de leur qualité, ne fixe pas la quotité du droit, ainsi qu'on l'a vu dans la coutume d'Artois, quelle est la quotité qui doit être fixée sur tous les biens, sans distinction?

Cette question a aussi été décidée par le jugement du tribunal de cassation, du 9 ventose an 11.

La veuve Bourdon disait, 1°. que le tribunal de Douai avait excédé son pouvoir, en fixant arbitrairement le douaire au tiers des biens; 2°. qu'il avait, en outre, mal jugé, en réduisant au tiers, puisqu'il aurait dû prendre pour guide le droit commun de la France, qui fixait le douaire à la

moitié.

Voici comment il fut répondu, par M. Merlin, à ces moyens de cas

sation.

« Si le tribunal d'appel n'avait pas pris sur lui de déterminer la quotité. du douaire, il se serait trouvé dans l'impossibilité d'adjuger à la veuve

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