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conformément aux règles établies pour le partage des successions, puis que la coutume de Normandie avait même pris la précaution de déclarer expressément que les filles ne pourraient avoir, dans le tiers coutumier, que le mariage avenant, ce qui assurément caractérisait bien une héré

dité normande.

par

Or, il est de principe que tous les droits successifs doivent être réglés la loi existante au moment de l'ouverture de la succession.

M. Grenier, après avoir établi, dans son traité des donations, que le douaire coutumier est conservé à la femme, ajoute, tom. 2, page 475, que ces principes sont étrangers aux enfans, quoique, dans toutes les coutumes où le douaire avait lieu, il fût déclaré propre à ces derniers. « Leur droit à cet égard, dit-il, était assimilé à un droit successif qui doit être réglé par la loi qui régit à l'époque du décès; en sorte que, quand le mariage aurait été fait avant la publication de la loi du 17 nivose an 2, leur père étant décédé sous l'empire du Code civil, il ne pourrait être question du douaire par rapport à eux, mais seulement en ce qui concerne la veuve. Ainsi les enfans ne pourraient point réclamer contre des tiers la distraction du douaire. »

Vainement on dirait que la loi du 19 avril 1803, n'a pu détruire des droits qui se trouvaient irrévocablement assurés par la loi qui était en vigueur au moment où ces droits ont été établis.

On en disait autant à l'égard de la loi du 17 nivose; mais la cour de cassation a solennellement décidé que ces droits n'étaient pas irrévocablement acquis aux enfans, et les motifs sur lesquels elle a fondé sa décision, s'appliquent à la loi du 19 avril 1863, comme à celle du 17 nivosé.

« Considérant, est-il dit dans l'arrêt du 29 messidor an 12, que la propriété du douaire, conférée aux enfans par l'art. 599 de la coutume de Normandie, n'était point une propriété pleine, parfaite, absolue, irrévocable; qu'elle n'était qu'une expectative conditionnelle, qui donnait plutôt un droit d'hypothèque sur l'immeuble à ce destiné, le cas arrivant, qu'une véritable propriété; qu'ainsi cette expectative a pu être enlevée aux enfans par une loi subséquente au mariage, et antérieure à la mort du père, sans faire produire à cette loi aucun effet rétroactif. »

....

« Considérant, est-il dit, en d'autres termes, dans l'arrêt du 4 thermidor an 12, que le statut qui assurait aux enfans nés en Normandie, le tiers des immeubles paternels, du jour du mariage, en renonçant à la

succession et en rapportant les donations et avantages qu'ils auraient reçus de leur père, est de la nature des dispositions statutaires que la loi du 17 nivose an 2, a abolies, pour ramener à l'uniformité les transmissious de biens ; que cette application de l'abolition des statuts locaux, à la disposition de l'art. 399 de la coutume de Normandie sur le tiers coutumier, est d'autant plus nécessaire, que cet article 399 et l'art. 401 du texte de la coutume et les art. 89 et go du règlement des placités, reportant l'ouverture et les effets du tiers coutumier à l'époque de la mort du père, montrent clairement que ce droit de tiers coutumier n'était qu'une créance privilégiée sur la succession, qu'une expectative conditionnellement subordonnée à la renonciation de l'hérédité, qu'un bienfait éventuel qui a été révoqué par la loi du 17 nivose, promulguée avant l'événement de la mort du père, et par conséquent avant que le fils eût atteint la pleine propriété du tiers coutumier. >>

L'arrêt du 29 messidor an 12, fut rendu conformément aux conclusions de M. Merlin. Ce magistrat établit dans son plaidoyer, 1°. que le tiers coutumier en Normandie était un droit successif; 2°. que la propriété n'en était pas acquise aux enfans, à compter du mariage de leurs père et mère, mais seulement à compter du décès du père.

Les enfans qui prétendaient que le tiers coutumier était maintenu, s'appuyaient sur deux arrêts de la cour de cassation, des 29 nivose an 6 et 27 germinal an 11, qui avaient jugé que la femme avait le droit de réclamer après la loi du 17 nivose an 2, le douaire conféré par la coutume existante au moment de son mariage; et il est important de remarquer la réponse que fit à cet égard M. Merlin:

que

<< Les deux autres arrêts invoqués par les défendeurs, ont bien décidé que, pour les époux entr'eux, les dons statutaires avaient la même force les dons conventionnels; mais ce principe n'est pas applicable aux enfans , parce qu'on ne peut dire qu'il y ait en, relativement à eux, lors du mariage du père et de la mère, convention tacite, puisqu'ils n'existaient pas. >>

Tout ce qui vient d'être dit à l'égard du tiers coutumier en Normandie, s'applique évidemment à tous les douaires que les autres coutumes accordaient aux enfans, à compter du mariage de leurs père et mère.

Dumoulin, dans son apostille sur l'art. 177 de la coutume de Senlis disait expressément que la propriété des biens sujets au douaire, demeurait

sur la tête du père, et que les enfans n'en étaient saisis que par sa mort.

Tous les auteurs qui ont écrit sur la coutume de Paris, dont les art. 248, 249 et 250, assurent un douaire aux enfans, à compter du mariage, s'accordent à dire que ces dispositions ne conféraient pas aux enfans, dn vivant de leur père, une propriété véritable.

Sans doute, une loi nouvelle rétroagirait, si elle portait atteinte à des conventions irrévocables, expresses ou tacites; mais elle n'a rétroactif, lorsqu'elle empêche, dans des successions ouvertes sous son pas d'effet empire, l'exercice de droits quelconques qui n'étaient établis, à l'avance sur l'hérédité, que par la loi qu'elle abroge, qui, sous aucun rapport, ne peuvent être considérés comme conventionnels, qui, d'ailleurs, étaient purement éventuels, non encore ouverts, et dépendant de conditions non encore arrivées.

C'est ainsi que les lois des 17 nivose an 2, et 19 avril 1803 supprimer les droits d'aînesse, dans les successions ouvertes sous leur ont pu empire, lors même que ces droits se trouvaient établis, de plein droit, par les coutumes qui ne permettaient pas même aux pères et mères d'y déroger.

C'est ainsi que, dans les coutumes de Hainaut, de Brabant, de Liége, de Limbourg et dans une partie de la ci-devant Alsace, les enfans d'un premier lit, dont le père survivant s'était remarié en secondes noces, et qui, , par droit de dévolution, avaient le privilége de prendre, hors part, dans sa succession, tous les biens dont il s'était trouvé saisi au moment de la mort de leur mère, ont été obligés, par la loi du 8 avril 1791, d'admettre leurs frères consanguins au partage, par tête au partage, par tête, de ces mêmes biens, quoique leur père se fût trouvé, par l'effet de la dévolution, dans l'impuissance de les aliéner ou obliger, à leur préjudice.

Oserait-on dire que, dans les successions ouvertes postérieurement à la publication de la loi du 19 avril 1803, les droits d'aînesse et de dévolution, peuvent être encore réclamés, parce qu'ils étaient établis et assurés par les coutumes qui étaient en vigueur, lorsque les père et mère se sont

mariés ?

Cette loi, comme celle du 17 nivose an 2, a tout ramené à l'uniformité, à l'égalité, dans les successions ouvertes sous son empire, et ces successions ne peuvent être régies par d'autres règles que celles qu'elle a établies.

DROITS ACQUIS.

Les droits acquis doivent-ils être toujours régis, et dans tous leurs effets, par la loi qui était en vigueur au moment où ils ont été acquis définitivement, et non par la loi nouvelle qui existe au moment où ils sont ouverts, au moment où ils se réalisent et produisent leurs effets?

Cette question embrasse presque toutes les questions particulières qui sont traitées dans cet ouvrage; ainsi les principes qui doivent servir à la décider, se trouveront établis, développés et appliqués aux diverses espèces, dans la discussion des questions particulières. Nous nous bornerons, en ce moment, à présenter quelques observations générales.

On entend par droits acquis, ceux qui étaient irrévocablement conférés et définitivement acquis, avant le fait, l'acte ou la loi que l'on veut opposer, pour empêcher la pleine et entière jouissance de ces droits.

Il est bien évident qu'un droit qui peut être révoqué ad nutum, par l'individu qui l'a conféré, n'est pas un droit acquis, puisqu'il n'est encore qu'une simple espérance, une simple expectative.

La loi nouvelle qui le trouve dans cet état, peut donc s'en emparer, pour le régir à sa volonté : elle peut le révoquer ou le modifier, puisqu'il est révocable de sa nature, et que le pouvoir de la loi s'étend sur tout ce qui n'était pas irrévocablement terminé avant sa publication. Il n'y a d'effet rétroactif qu'en ce qui porte atteinte à des droits définitivement acquis.

Mais à l'instant où l'individu qui avait le pouvoir de révoquer, est décédé, sans avoir fait la révocation, le droit obtient toute sa perfection; dès lors il devient irrévocable, et conséquemment il est, dès cet instant, un droit acquis.

C'est ainsi que le legs qui, pendant la vie du testateur, n'est en faveur du légataire, qu'un droit purement révocable, acquiert, au moment même du décès du testateur, le caractère d'irrévocabilité, et devient un droit acquis qu'aucune loi postérieure ne peut anéantir. (Voyez l'article Testament.)

Il y a deux espèces de droits acquis, les personnels, et les réels.

Les personnels sont ceux qui sont attachés aux personnes, comme les droits de cité, la capacité civile, etc.

Les réels sont ceux qui sont attachés aux biens, c'est-à-dire, tous ceux qui ont pour objet les biens, meubles ou immeubles.

Les droits personnels, lors même qu'ils sont acquis, lors même qu'ils ont été stipulés irrévocables, ou déclarés tels par une loi expresse, peuvent être néanmoins abolis ou modifiés par une loi nouvelle, mais à compter seulement de sa promulgation, et seulement pour les actes et effets postérieurs, sans que la loi nouvelle puisse rétroagir sur ce qui a été fait en vertu de ces droits, ni sur aucuns des effets qu'ils ont produits, sous l'empire et en vertu des dispositions de la loi ancienne. (Voyez l'article Autorisation maritale, §. 1.)

Quant aux droits réels, s'ils résultent de conventions expresses, et s'ils ont été stipulés irrévocables, ou déclarés tels par la loi existante, ce sont des droits acquis qu'une loi nouvelle ne peut abolir, altérer, modifier, changer ni régir en aucune manière, pas même pour les effets postérieurs à sa publication.

Elle ne peut les régir en aucune manière, lors même qu'ils ne s'ouvrent, qu'ils ne se réalisent et ne produisent leurs effets, que postérieurement à sa publication;

Lors même qu'ils étaient soumis à des conditions qui ne s'accomplissent, ou à des événemens incertains qui n'arrivent, que sous l'empire de la loi nouvelle ;

Lors même qu'ils n'étaient pas accompagnés de la saisine des biens sur lesquels ils étaient établis, et qu'ils pouvaient être altérés dans leurs effets, et même entièrement anéantis dans leurs résultats, par des actes qu'autorisaient les lois anciennes et qu'autorise la loi nouvelle.

On en trouve un exemple dans les institutions contractuelles qui ne saisissent pas les institués, de la propriété des biens, qui ne s'ouvrent et n'ont d'effets qu'à la mort de l'instituant, qui n'empêchent pas que l'instituant ne puisse aliéner, à titre onéreux, même la totalité des biens compris dans l'institution, et qui cependant doivent être toujours régies par la loi existante au moment où elles ont été consenties, et non par la loi nouvelle qui se trouve en vigueur, au moment du décès de l'instituant.

(Voyez les articles Contrats, Donations, §. III, Rapport à succession, §. I, II et III, Réduction, §. II et III.)

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