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Il y avait aussi des droits réels qui, sans conventions expresses, étaient établis et acquis en vertu et par la scule autorité des lois alors

existantes.

Mais les uns étaient fondés sur des conventions tacites, tel que le douaire coutumier que les époux avaient évidemment eu la volonté d'établir, lorsqu'ils n'avaient pas dérogé à la loi qui le conférait de plein droit;

Les autres, purement statutaires, ne pouvaient faire présumer de conventions entre les parties intéressées, et même, dans certains cas, ne pouvaient avoir été convenus par elles, tels que les exclusions coutumières qui étaient prononcées par l'autorité de la loi, contre les filles qui se mariaient, sans qu'il fût besoin de leur consentement à ces exclusions, sans qu'elles eussent même le pouvoir de s'y opposer, et les douaires des enfans, qui consistaient dans une portion des biens du mari, laquelle était conférée de plein droit, dès l'instant du mariage, aux enfans qui devaient en naître.

Les premiers ont la même force que s'ils avaient été acquis en vertu de conventions expresses, et en conséquence ils restent également soumis, pour tous leurs effets, aux dispositions de la loi qui était en vigueur, lorsqu'ils ont été acquis, sans pouvoir être aucunement atteints par les lois postérieures. (Voyez l'article Douaires coutumiers, §. II, Retour ou Réversion, §. IX, et Rentes constituées, §. I.)

Les seconds n'ayant d'existence que par l'autorité des lois qui les ont établis, ne peuvent conserver de force et de valeur qu'autant que ces lois conservent elles-mêmes de l'autorité, et la loi nouvelle qui abroge les abolit conséquemment les autres.

unes,

pas être

C'est ainsi que les simples droits successifs, c'est-à-dire, ceux qu'on ne peut réclamer qu'à titre d'héritiers ab intestat, ne doivent régis par les lois anciennes, mais par la loi nouvelle qui est en vigueur au moment de l'ouverture de la succession. Jusqu'à cette époque ils n'étaient pas acquis, quoiqu'ils fussent réglés par les lois existantes, à moins qu'ils n'eussent été conférés par des conventions expresses et valables. Voyez les articles Douaires des enfans, Droits de masculinité et de primogéniture, Exclusions coutumières.)

Tels sont les principes généraux sur la matière des droits acquis et sur l'effet rétroactif des lois.

Ils ne sont pas tous également reconnus; et si nous nous bornons, en ce moment, à les présenter en masse, sans nous occuper à les établir, c'est qu'il nous a senblé plus utile d'en réserver les preuves et les développemens pour la discussion des questions particulières, où nous pour

de suite, en faire l'application aux diverses espèces : c'est principalement cette application qui donne lieu aux difficultés et aux débats, et presque toutes les espèces présentent des difficultés particulières.

C'est cependant ici la place de rapporter ce qui a été dit sur cette matière, par deux auteurs très-recommandables.

Tobias-Jacob Reinharth, dans son ouvrage qui a pour titre, Selectæ observationes ad christineum, tom. 1, obs. 49, n°. 5, s'explique en ces termes : Quæcumque negotia jam ante legem novum latam, quoad essentiam suam, fuerunt perfecta, licet consummationem suam suosque effectus ab actu demùm post legem novam futuro eoque non extensivo, adhuc expectent, ea ad præterita omninò referenda sunt, adeòque ex anterioribus legibus, nequaquam verò ex nová lege latá, dijudicanda, modò non integrum sit negotium juxta novæ legis placita emendandi et perficiendi.

Gluch, dans son commentaire sur la Jurisprudenti forensis de Hellfeld, tome 1, §. 21, dit également : « Pour qu'un acte dont l'effet dépend d'un événement futur qui s'accomplit par un seul fait (ab actu post legem novam futuro eoque non extensivo), puisse être considéré comme un acte passé, et que par-là il nous soit défendu de lui appliquer la loi nouvelle, il faut qu'il ne soit plus possible d'apporter un changement à l'acte dont il s'agit, et de le modifier suivant la loi nouvelle, sans porter atteinte au droit légalement acquis par un tiers. Par exemple, un noble m'a légué une terre, après son décès; mais avant que l'héritier institué ait accepté la succession, une loi nouvelle vient d'être publiée, qui défend de faire passer les terres de cette espèce entre les mains des roturiers. On demande si la loi nouvelle est applicable au legs dont il s'agit. Je crois que non. Par le décès du testateur, qui a eu lieu avant la publication de la loi nouvelle, le testament du défunt avait obtenn perfection, et j'avais acquis un droit sur l'immeuble; l'acte doit

donc être considéré comme antérieur à la loi; car le droit que j'ai de réclamer la terre, n'est plus subordonné qu'à l'acceptation de la succession, et la loi nouvelle ne peut et ne doit me priver de ce droit acquis. Il en serait autrement, si la loi nouvelle avait été publiée avant le décès du testateur. >>

L'auteur ajoute qu'on ne doit pas appliquer la loi nouvelle aux actes antérieurs, quoique conditionnels.

DROITS DE MASCULINITÉ ET DE PRIMOGÉNITURE.

Les biens ou préciputs qui, suivant les dispositions des coutumes, ou suivant des actes antérieurs au Code Napoléon, étaient dévolus aux máles ou aux aînés des familles, peuvent-ils encore étre prélevés, à l'exclusion des filles ou des puínés, dans les successions ouvertes sous l'empire du Code?

C'est une maxime certaine en législation, que toute succession ab intestat doit être régie par la loi existante, au moment où elle s'est

ouverte.

Il en résulte que les mâles et les aînés qui avaient, suivant les dispositions des coutumes, le droit de prendre des préciputs ou de recueillir certaines espèces de biens, dans les successions directes et même collatérales, ne peuvent plus réclamer ce privilége dans les successions ouvertes depuis la promulgation de la loi du 19 avril 1803, (29 germinal an 11), puisqu'il est dit dans l'art. 732 du Code Napoléon, que la loi ne considère ni la nature, ni l'origine des biens, pour en régler la succession, et dans l'art. 745, que les enfans, ou leurs descendans, succèdent à leurs père et mère, aïeuls, aïeules, ou autres ascendans, sans distinction de sexe ni de primogéniture.

Les mâles et les aînés avaient même déjà perdu tous priviléges sur les filles et sur les puînés, pour les fiefs, domaines et alleux nobles, ainsi qu'à raison de la noblesse des personnes, depuis la publication du décret du 15 mars 1790, qui déclara abolis, à l'égard de ces biens, les droits d'aînesse et de masculinité, ainsi que les partages inégaux à raison de la qualité des personnes; et en conséquence, ordonna que toutes les successions, tant directes que collatérales, tant mobilières qu'immobilières, seraient, sans égard à l'ancienne qualité noble des biens ou des personnes,

partagées entre les héritiers, suivant les lois, statuts et coutumes qui réglajent les partages entre tous les citoyens,

Cette disposition fut étendue à toute espèce de biens, par la loi dụ 8 avril 1791, qui abolit définitivement, soit en ligne directe soit en ligne collatérale, toute inégalité résultante entre héritiers ab intestat, des qualités d'aînés ou de puînés, de la distinction des sexes, ou des exclusions coutumières.

y

Cependant si, antérieurement à ces décrets, il avait eu des contrats qui eussent légalement conféré à des mâles ou à des aînés, le droit irrévocable et exclusif de prendre des préciputs, ou de recueillir certaines espèces de biens, dans des successions à échoir, ces contrats devraient produire tous leurs effets, lors même que les successions ne s'ouvri raient que sous l'empire du Code Napoléon, pourvu néanmoins que les mâles ou les aînés qui auraient été avantagés, eussent stipulé personnellement, ou par fondés de pouvoir, dans les actes, pour accepter les avantages à eux conférés.

Dans ce cas, en effet, ce ne serait pas en vertu de la disposition de la coutume, mais en vertu d'une convention expresse, en vertu d'une dona, tion réelle, que les mâles ou les aînés préleveraient les avantages; et le droit leur étant ainsi définitivement acquis dans un tems où la loi le leur permettait, le Code Napoléon ne pourrait l'anéantir, même dans les successions ouvertes sous son empire, sans rétroagir sur des conventions irrévocables. (Voyez l'article Rapport à succession, §. II et III).

Mais si le droit avait été conféré généralement à tous les mâles, ou à tous les aînés, nés ou à naître, pour être transmis héréditairement de mâles en mâles, ou d'aînés en aînés, ce qui serait une véritable substitution fidéi-commissaire qui a été annulée par les lois nouvelles ; ou si les mâles ou les aînés au profit desquels le droit aurait été constitué, n'avaient pas stipulé dans le contrat, pour en accepter valablement la donation; dans tous les cas enfin où il n'y aurait pas eu convention expresse et irrévocable avec les donataires eux-mêmes, comme le droit ne pourrait être réputé conventionnel, et ne serait exigible qu'en vertu de la disposition de la coutume, il est certain qu'il n'y aurait pas lieu à l'exercer dans une succession ouverte sous l'empire du Code.

Nous allons trouver le développement et l'application de ces principes,

dans une affaire où la cour de cassation, sur un pourvoi d'office de la part de M. le procureur général Merlin, a cassé un arrêt de la cour d'appel de Turin.

Le sieur Serenus Beltrami décède le 2°. jour complémentaire an 11, dans le ci-devant Piémont il laisse pour héritiers quatre enfans, dont deux filles et deux garçons.

Il leur transmet, dans sa succession, un domaine qu'il avait loué à emphyteose ecclésiastique, par acte du 3 janvier 1702.

Les deux filles prétendent que ce domaine doit être partagé, comme les autres biens héréditaires, et par portions égales, attendu que le Code Napoléon, art. 732, sous l'empire duquel leur père est décédé, ne considère nullement l'origine des biens, pour en régler la succession.

Les deux frères soutiennent, au contraire, que le domaine doit être distrait de la masse héréditaire et leur être déféré en totalité, parce qu'il n'avait été transmis à bail emphyteotique, qu'aux héritiers mâles de la famille. Suisque et hæredibus et successoribus usque ad tertiam generationem et non aliter.

La prétention des frères est accueillie par jugement du tribunal civil de Vougères, le 14 brumaire an 13.

Appel par les sœurs,

Le jugement est confirmé par arrêt du 11 thermidor an 13, dont voici les termes :

« La cour considérant qu'en thèse générale, lorsqu'il s'agit de biers provenant de l'acquisition qu'un ascendant commun des parties a faite en vertu d'un contrat qui a été, sous certaines conditions et modifications, légalement stipulé avec un tiers, ce sont les lois particulières de ce contrat, auxquelles il faut s'en tenir dans la décision de toutes les contestations qui y prennent leur source, et conséquemment dans le cas aussi où il s'élève entre les descendans du premier acquéreur, des questions sur la transmission des biens; que, dans l'espèce, les lois du contrat ont trait, entre autres choses, à la qualité des personnes appelées à la jouis sance des biens; que ce serait les violer ouvertement dans une chose trèsessentielle, telle que l'ordre de vocation, que de ne pas en exclure les femelles descendantes du premier investi, nonobstant que celui qui établi l'emphytéose, n'ait pas voulu les admettre à en recueillir les bicus;

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