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trine que l'auteur cité consacre par deux arrêts du sénat du Piémont, des 11 septembre 1770 et 13 juin 1777.

La cour d'appel de Turin a donc voulu dire, en parlant du préjudice que causerait au bailleur l'admission des filles de Sérénus Beltrami, au partage des biens emphyteotiques, que de cette admission il résulterait la possibilité que l'emphyteose l'emphyteose se prolongeât beaucoup au-delà de l'intention du bailleur, puisqu'elle ne prendrait fin qu'à l'extinction, non-seule- . ment des enfans de Jean et de Louis Beltrami, mais encore des enfans de chacune de leurs sœurs, lorsqu'elles formeront, comme les enfans de Jean et de Louis Beltrami eux-mêmes, la troisième génération de l'emphytéote primitif.

Il est cependant aisé de sentir que telle ne serait pas la conséquence de l'admission des sœurs Beltrami, au partage des biens emphyteotiques. Sans contredit, s'il est vrai, comme on doit le supposer, d'après la première série des motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Turin, l'in, que tention du bailleur a été que l'emphytéose prît fin à la mort du dernier rejeton de la troisième génération masculine du premier emphyteote, on ne peut pas faire durer sa concession jusqu'à la mort du dernier rejeton de la troisième génération féminine du même individu.

Mais que s'ensuit-il de là? rien autre chose, si ce n'est qu'à la mort du dernier rejeton de la troisième génération masculine, les descendantes du premier emphyteote, si elles vivent encore, seront dépouillées de la portion qu'elles auront prise dans les biens emphyteotiques, et que ces biens retourneront au bailleur, ni plus ni moins que si elles n'y avaient jamais pris part.

Il y a, en effet, une très-grande différence entre le droit du bailleur au retour des biens emphyteotiques, et le droit des descendans mâles du pre

neur de la succession de ces mêmes biens.

Le droit du bailleur au retour des biens emphyteotiques, est fondé sur un contrat dans lequel il a été partie, et ce contrat ne peut être violé ni altéré, à son préjudice.

Le droit des descendans mâles du preneur à la succession de ces mêmes biens, n'est, comme on l'a démontré, qu'une expectative, qu'une espérance, et la loi qui est survenue depuis le contrat auquel ils sont étraugers, a pu les astreindre à partager avec leurs sœurs l'effet de cette espérance, de cette expectative.

A

Le bailleur n'est nullement lésé par ce partage; ce partage lui est donc indifférent; on ne peut donc pas argumenter de son droit, pour empêcher que ce partage n'ait lieu.

C'est ainsi que, par arrêt du parlement de Paris, prononcé en robes rouges, à la Pentecôte 1588, et rapporté par Montholon, §. 52, il a été jugé qu'un père ayant pris des terres à bail emphytéotique, avec la clause, pour en jouir par moi et mes hoirs, et après mon décès par mon fils aíné ou fille, sans que les terres soient divisées ni partagées, le fils aîné devait, à la vérité, recueillir seul les biens emphyteotiques, vis-à-vis du bailleur, mais à la charge de communiquer le profit aux autres enfans ; et pourquoi? parce que dès lors on tenait pour maxime en France, que le père ne pouvait pas, relativement à ses enfans, déranger l'ordre légal de la succession, par une clause insérée dans un contrat passé avec un tiers, parce qu'il ne fallait donner à la clause qui appelait l'aîné; et interdisait tout partage, plus pas d'effet que n'en exigeait l'intérêt du bailleur, parce que l'intérêt du bailleur étant mis à couvert, l'ordre légal des successions devait reprendre son nonobstant cette clause. >>

cours,

Ces conclusions de M. Merlin ont été entièrement adoptées par la section civile de la cour de cassation, qui a rendu, le 23 novembre 1807, l'arrêt dont voici le texte :

« La cour, après un délibéré en la chambre du conseil :

» Vu les art. 752 et 745 du Code Napoléon,

>> Et attendu que, dans l'espèce soumise à la cour d'appel de Turin, il n'était point question de décider si, d'après les lois nouvelles, le droit de retour des fonds emphytéotiques, après l'extinction des personnes appelées en vertu du titre constitutif, pouvait encore avoir lieu au profit du bailleur; mais qu'il s'agissait uniquement de savoir si le cas de retour prévu park titre, n'étant pas encore arrivé, les filles du propriétaire utile des fonds, devaient participer avec leurs frères à la succession dans lesdits biens, ouverte après que le Code Napoléon a force de loi dans le ci-devant Piémont;

>>Qu'aux termes des articles 732 et 745 de ce Code, les enfans succèdent à leur père, sans distinction de sexe, quelles que soient la nature et l'origine des biens;

« Qu'ainsi la cour d'appel de Turin n'a pu, sur le fondement d'une ancienne jurisprudence, admettre une exception à la règle générale établie

par la loi nouvelle, et exclure les filles, lorsqu'il s'agit d'emphytéosc ecclésiastique, sans commettre un excès de pouvoir, et sans violer les textes de la loi précitée: casse, etc. »

Cet arrêt et le réquisitoire de M. Merlin, consacrent formellement la distinction que nous avons établie, au commencement de cet article, entre les avantages que les mâles et les aînés voudraient encore aujourd'hui réclamer en vertu des dispositions des coutumes, et ceux qu'ils peuvent réclamer en vertu des conventions expresses et irrévocables faites avec eux. Il ne s'agit donc que de bien appliquer cette distinction, pour décider toutes les difficultés qui peuvent exister sur la matière.

Tous les droits successifs qui ne résultaient que des simples dispositions des coutumes, ont été abolis avec elles, et ne peuvent plus conséquemment être réclamés dans les successions ouvertes, sous l'empire du Code Napoléon.

Mais le Code n'a porté aucune atteinte aux conventions irrévocables qui avaient été faites avant sa promulgation, conformément aux lois alors

existantes.

Et c'est ainsi qu'en faisant cesser les lois anciennes, il ne produit cependant aucun effet rétroactif, puisqu'il respecte constamment tous. les contrats antérieurs et tout ce qui avait été l'objet d'une convention légitime, définitive et irrévocable.

DROITS MATRIMONIAU X.

Les droits matrimoniaux doivent-ils être toujours réglés par l'autorité de la loi qui était en vigueur au tems de la célébration du mariage, et non par la loi qui existe au tems de la dissolution de la communauté, ou à l'époque du décès de l'un des époux?

On entend par droits matrimoniaux, ceux qui étaient établis en faveur des époux ou de l'un d'eux, soit sur les biens de la communauté légale ou conventionnelle, soit sur les biens du premier mourant, lors même qu'il n'y avait pas de convention expresse, et par la seule autorité de la loi sous l'empire de laquelle le mariage était contracté.

Déjà nous avons établi, à l'article Communauté conjugale, §. I, et à Particle Douaire et autres gains de survie, §. II et III, que les droits

matrimoniaux ne doivent être réglés que par la loi qui était en vigueur au moment du mariage, lors même qu'ils étaient déférés à titre de succes

sion.

Il serait inutile de répéter ici les motifs sur lesquels est fondée cette décision, et nous nous bornerons à rapporter un arrêt qui a jugé la question in terminis.

Le sieur Dubos, décédé le 7 ventose an 12, laissa dans sa succession des rentes constituées en perpétuel, qu'il avait acquises sous l'empire de l'ancienne coutume de Normandie, et pendant son mariage.

Sa veuve prétendit que ces rentes avaient été mobilisées par l'art. 529 du Code Napoléon, et qu'elle devait en avoir le tiers, aux termes de l'art. 392 de la coutume de Normandie.

Les héritiers d', mari soutinrent, au contraire, que les rentes conservaient leur nature d'immeubles, à l'égard de la veuve, et qu'en conséquence elle ne devait en avoir que le tiers en usufruit, d'après l'art. 529 de la contume.

Ainsi, le point de difficulté consistait à savoir s'il fallait liquider la succession du mari et les droits de la veuve, d'après l'ancienne loi et non d'après la nouvelle.

Le tribunal civil de Neufchâtel appliqua l'ancienne législation normande.

Sur l'appel, la veuve disait que, pour liquider une succession, il fallait toujours se régler d'après la loi en vigueur à l'instant du décès, puisqu'avant cette époque tout était incertain, indéterminé, et demeurait dans les termes d'une pure expectative;

Qu'on ne pouvait appliquer la coutume de Normandie, puisqu'elle avait été abrogée avant la mort du sieur Dubos;

Que vainement on opposait que les rentes constituées avaient été acquises avant cette abrogation; qu'un fait semblable ne pouvait exercer aucune influence sur la cause; que, si les rentes avaient été acquises alors qu'elles prenaient la nature d'immeubles, elles avaient été mobilisées par l'art. 529 du Code Napoléon, avant le décès du mari ;

Qu'enfin le jugement attaqué était d'autant plus erroné, d'autant plus icieux, qu'il tendait à faire revivre une distinction de biens, que toutes les lois nouvelles ont voulu proscrire; et que, si l'on admettait un tel système, si l'on n'appliquait le Code Napoléon qu'aux rentes constituées

à l'avenir, dans un siècle, dans mille ans, il y aurait encore des rentes auxquelles on voudrait donner la nature d'immeubles, et que la loi nouvelle fléchirait sans force et sans vigueur, devant les anciens statuts municipaux de France, ce qui n'avait pas été, sans doute, dans l'inten

tion des auteurs du Code.

La réponse à ces moyens se trouve dans l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rouen, le 12 décembre 1807, et dont voici le texte :

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<< Considérant que la veuve Dubos s'était mariée sous l'empire de la coutume de Normandie, et que les rentes auxquelles elle domande à prendre part, ont été acquises par le mari depuis le mariage, et sont dans sa succession, ce que cette coutume qualifie de conquét hors bourgage;

» Considérant qu'il ne s'agit point dès lors d'un droit héréditaire qui se défère d'après l'état des biens et en conformité des lois existantes, à l'époqué du décès, mais d'un droit matrimonial qui se règle par l'autorité de la loi régnant au tems de la célébration du mariage;

>> Considérant que, lors des acquisitions des rentes en question, comme lors du mariage, lesdites rentes étaient en Normandie réputées immeubles par l'art. 507 de la coutume, et que, d'après l'art. 319, le droit de la femme consiste dans le tiers des usufruits de cette espèce de biens;

» Considérant que le droit de la veuve n'ayant d'autre origine que le statut normand, la veuve dès lors doit l'exercer tel que la coutume de cette ci-devant province le lui attribue; que tel est le vœu sainement entendu de la loi du 18 pluviose an 5, et que c'est aussi dans le même esprit, que le mari a fait l'acquisition ;

>> Considérant que, si l'on admettait, au gré des époux, la cumulation des avantages de la législation nouvelle, avec ceux de la législation ancienne, il n'y aurait plus qu'incertitude et confusion dans les droits de chacun, et que le moindre inconvénient qui en résulterait, serait que, dans la succession d'une femme, qui ne serait composée que de meubles et de rentes non dotales, le mari auquel la coutume accorde tout le mobilier de son épouse prédécédéc, viendrait à son tour, au mépris de la prévoyance de la loi et contre la foi des contrats, réclamer la totalité de la succession, sous prétexte de la mobilisation postéricure desdites rentes ; » A mis l'appellation au néant, etc. >>

Les motifs de cet arrêt s'appliquent évidemment à tous les autres cas où la loi en vigueur au moment du mariage, distinguait entre les diverses

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