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Quelle serait enfin la loi par laquelle on voudrait régler et l'état et la reconnaissance de ces enfans, puisqu'il n'y en a pas eu avant le Code?

Mais qu'est-il besoin de recourir à des raisonnemens, lorsqu'il existe une loi précise qui décide expressément la question?

L'art. 10 de la loi du 12 brumaire au 2, ne porte-t-il pas textuellement qu'à l'égard des enfans nés hors du mariage, dont le père et la mère seront encore existans lors de la promulgation du Code civil, leur état et leurs droits seront réglés par les dispositions du Code?

Or, l'état et la reconnaissance sont deux choses inséparables, puisque l'une ne peut exister sans l'autre.

Il est donc incontestable que la reconnaissance doit être réglée, comme l'état, par les dispositions du Code Napoléon, à l'égard de tous les enfans naturels dont les père et mère ont survécu à la publication du Code.

Dira-t-on qu'il est ridicule de supposer que le Code ait voulu assujettir aux formes qu'il a établics, les reconnaissances faites antérieurement puisqu'au moment où ces reconnaissances ont été faites, on ne pouvait connaître les formes qu'établirait le Code?

Il est aisé de répondre que le Code, en accordant aux enfans naturels, dans les successions ouvertes depuis sa publication, des droits dont ils ne jouissaient pas dans l'ancien régime, a bien pu n'accorder ces droits qu'à ceux des enfans naturels qui se trouveraient reconnus d'une manière conforme à ce qu'il a jugé nécessaire pour la validité des actes de cette nature, savoir les reconnaissances eussent été faites par actes authentiques, de la part d'individus non mariés, et au profit d'enfans naturels simples, c'est-à-dire non adultérins ni incestueux.

ont pu,

que

D'ailleurs, les père et mère qui ont survécu à la publication du Code s'ils n'étaient pas mariés, consentir de nouvelles reconnaissance conformes aux dispositions du Code, lorsque celles qu'ils avaient anté rieurement consenties, ne s'y trouvaient pas conformes, et s'ils ont voul que leurs enfans naturels jouissent de la totalité des droits accordés pa le Code aux enfans naturels légalement reconnus.

Et enfin le Code Napoléon n'a pas anéanti les reconnaissances antérieures qui ne se trouveraient pas conformes à ses dispositions: seulcment il ne leur a pas accordé les mêmes effets qu'à celles qui seraient conformes; et, sans doute, le législateur a eu grande raison de ne pas traiter

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aussi favorablement des déclarations de paternité presque toujours équivoques, des reconnaissances forcées par la jurisprudence alors en vi

gueur.

C'est précisément pour distinguer celles qui ont été vraies ct volontaires, qu'il n'a admis que celles qui étaient revêtues de formes propres à en constater la vérité, la liberté, et il a pu faire cette juste distinction, puisqu'il à été le maître de distribuer à qui et de la manière qu'il a jugé convenable, l'augmentation de droits qu'il accordait aux enfans naturels re

connus.

Mais celles des reconnaissances qui ne jouissent pas de cet avantage, n'en confèrent pas moius, même sous l'empire du Code, les droits qui en résultaient, suivant la législation en vigueur au moment où elles ont été faites, ainsi que nous le prouverons au §. II de cet article.

On ne peut donc pas dire qu'à l'égard de ces reconnaissances le Code ait un effet rétroactif, puisqu'il les laisse valoir ce qu'elles valaient avant, et que simplement il ne leur attache pas de nouveaux droits, lorsqu'il ne les a pas trouvées dans la forme qui en peut garantir l'exactitude et la sin

cérité.

Nous conclurons de cette discussion, qui ne peut laisser aucuns doutes sur la matière, que l'état et les droits de tous les enfans naturels dont les père et mère ont survécu à la publication de la loi du 12 brumaire an 2, doivent être également réglés par les dispositions du Code Napoléon, à quelque époque que les enfans soient nés ou aient été reconnus, avant ou sous la loi de brumaire; à quelque époque que les père et mère soient morts, avant où après la promulgation des titres précités du Code;

Qu'en conséquence il faut appliquer aux enfans naturels dont les père et mère ne sont décédés qu'après cette promulgation, ou qui existent encore, les divers arrêts qui ont été rendus, depuis la loi transitoire du 14 floréal an 11, sur l'état et les droits des enfans naturels dont les père et mère étaient décédés avant la promulgation du Code.

On trouvera, par le moyen de cette application, la solution précise d'un grand nombre de questions qui pourraient se reproduire encore sous une autre forme.

Ainsi, déjà nous pouvons invoquer ici

Un arrêt de la cour de cassation, du 14 floréal an 13, qui, à l'égard d'un enfant naturel né et reconnu avant la loi du 12 brumaire, et à qui on

voulait faire appliquer les principes antérieurs à cette loi, quoique le père fût mort postérieurement, a décidé, en sections réunies, que l'état et les droits devaient être réglés conformément aux dispositions du Code;

Et un autre arrêt de la section civile de la cour de cassation, du 2 venlose an 12, qui, à l'égard d'un enfant naturel reconnu sous l'empire de la loi du 12 brumaire, et dont on voulait faire régler par cette loi l'état et les droits, a pareillement décidé que cet état et ces droits devaient être réglés conformément aux dispositions du Code.

Quelles sont les formes et les conditions de la reconnaissance légale, qui seule peut constituer l'état d'un enfant naturel dont les père et mère sont décédés postérieurement à la promulgation du titre du Code Napoléon, sur la paternité et la filiation?

Il suffirait peut-être de répondre, d'après ce qui a été dit précédemment, que ces formes et ces conditions sont celles qui sont prescrites par le Code lui-même.

Mais nous avons cru qu'il serait utile de donner quelques explications et de résoudre quelques difficultés, sur les formes et les conditions qui sont prescrites par divers articles du Code:

1o. Suivant l'article 334, la reconnaissance d'un enfant uaturel ne peut être valable et suffisante, qu'autant qu'elle a été faite dans son acte de naissance, ou par un acte authentique.

On a prétendu qu'un acte de baptême, rédigé par un curé, ne peut être considéré comme un acte de naissance, dans le sens de l'art. 334, parce qu'il n'est pas reçu, quant à ce qui concerne la reconnaissance de l'enfant naturel, par un officier ayant pouvoir et caractère ad hoc.

Quoique les ministres du culte catholique, a-t-on dit, fussent, avant la loi du 20 septembre 1792, les seuls officiers publics préposés par la loi pour recevoir les actes de naissance, il faut cependant distinguer, pour les effets de ces actes, entre la filiation légitime et la filiation naturelle.

A l'égard de la première, le prêtre catholique pouvait, sans doute, la constater; mais il en était autrement à l'égard des enfans naturels auxquels la loi n'accordait aucune espèce de parenté civile.

Si un ministre du culte recevait la déclaration de la naissance d'un enfant naturel, c'était pour constater son sexe et son âge: peu importait le resté ;

la loi avait dédaigné de s'en occuper, et toute déclaration qu'on urait pu ajouter à celle de son âge et de son sexe, n'était plus qu'un écrit privé et non authentique, dont l'enfant naturel ne pouvait pas se prévaloir.

Il a été répondu que les prêtres catholiques étaient, avant la loi du 20 septembre 1792, officiers publics, exerçant les mêmes fonctions et ayant les mêmes pouvoirs, que les officiers actuels de l'état civil;

Qu'en recevant la déclaration volontaire et signée d'un individu, qu'il était le père d'un enfant, ils n'établissaient pas la filiation, et n'exerçaient qu'une fonction passive;

Qu'ainsi qu'un notaire qui rédige un acte, ne constitue pas les obligations que cet acte contient, et atteste seulement que les parties se sont obligées, de même l'officier de l'état civil, prêtre ou laïc, atteste que tel individu s'est déclaré père de l'enfant ;

Que la filiation n'est donc pas son ouvrage, mais une conséquence de la déclaration du père et de sa reconnaissance.

La question s'est présentée dans une contestation qui s'était élevée entre la fille légitime et la fille naturelle du sieur Cousin de Méricourt.

La fille naturelle avait été baptisée, le 27 novembre 1787, et c'était dans son acte de baptême, que le sieur Cousin de Méricourt l'avait reconnue pour sa fille.

Elle réclamait la sixième portion des biens dépendant de la succession du père commun, décédé après la publication de la loi du 12 brumaire et l'état lui était contesté, sous prétexte qu'elle n'avait pas été reconnue par acte authentique.

Mais ce moyen a été rejeté par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens, du 27 messidor an 12, et le pourvoi en cassation contre ce jugement, a été pareillement rejeté, par arrêt de la cour de cassation, du 14 floréal an 13, rendu, conformément aux conclusions de M. Merlin, après une discussion solennelle et un délibéré en la chambre du conseil, sections réunies.

2°. La reconnaissance d'un enfant naturel a-t-elle pu être valablement faite par acte authentique, mais avant sa naissance? (Voyez le §. III du présent article.)

3o. Aux termes de l'art. 555 du Code, la reconnaissance ne peut avoin lieu au profit des enfans nés d'un commerce adultérin ou incestueux..

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4. Suivant l'art. 556, la reconnaissance du père, sans l'indication et l'aveu de la mère, n'a d'effet qu'à l'égard du père.

5°. Il faut également appliquer à tous les enfans naturels dont les père et mère ont survécu à la publication de la loi du 12 brumaire an 2, ou qui sont encore existans, la disposition de l'art. 337 du Code, qui porte que la reconnaissance faite pendant le mariage, par l'un des époux, au profit d'un enfant naturel qu'il aurait eu, avant son mariage, d'un autre que de son époux, ne pourra nuire ni à celui-ci, ni aux enfans nés de ce mariage, et que néanmoins elle produira son effet après la dissolution de ce mariage, s'il n'en reste pas d'enfans.

Vainement l'enfant naturel qui aurait été reconnu, avant le Code, par un homme marié, dirait qu'on ne peut, sans effet rétroactif, opposer à cette reconnaissance la disposition postérieure du Code.

On lui répondrait que la forme dans laquelle il devait être reconnu, et tout ce qui concerne son état, n'ayant été réglés par aucune loi antérieure au Code Napoléon, ne peuvent l'être que suivant les formes, conditions et exceptions prescrites par le Code; que l'art. 10 de la loi du 12 brumaire an 12, l'a expressément déclaré à l'égard des enfans naturels dont les père et mère existeraient à l'époque de la promulgation du Code, et la loi transitoire du 14 floréal an 11, contient une disposition semque blable à l'égard des enfans naturels dont les père et mère sont décédés dans l'intervalle de la publication de la loi du 12 brumaire à la publication du Code; qu'ainsi, dans tous les points, ce sont les dispositions du Code qui doivent régir l'état des uns et des autres. Et c'est ainsi que l'a décidé la cour de cassation, sur la question particulière que nous examinons, par arrêt du 18 floréal an 13, entre les enfans naturels et l'enfant légitime de Pierre Richon, ancien conseiller au parlement de Bordeaux.

· Dans l'espèce qui sera rapportée par la suite, et où il suffit de faire remarquer, en ce moment, que tous les actes de reconnaissance émanés du père naturel, avaient été faits, pendant qu'il était marié légitimement avec une autre personne que la mère des enfans naturels, il s'agissait prin ́cipalement de savoir si l'art. 337 du Code, pouvait être opposé à ces enfans, et la cour d'appel de Bordeaux avait jugé l'affirmative.

<< Vu, porte l'arrêt de la cour de cassation, l'art. 337 du Code civil et la loi transitoire du 14 floréal an 11, considérant que toutes les dispositions

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