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de cette loi transitoire doivent être entendues de manière que chacune d'elles soit en harmonie avec le principe général posé dans l'article premicr....; qu'en renvoyant au Code civil, pour régler l'état et les droits des enfans naturels, le législateur ne peut pas être censé en avoir, au même instant, abrogé l'art. 337, qui est un de ses articles fondamentaux le plus éminemment conformes à la morale publique.... ; que tous ces actes émanés du sieur Philippe de Richon, ont eu lieu pendant son mariage avec la demoiselle Seignonret, mariage duquel est issu le sieur Joseph de Richon, et qu'en les annulant, sur le fondement dudit article 357 du Code civil, le jugement attaqué s'est conformé au texte formel de cet article, ce qui suffit pour écarter la demande en cassation...., rejette, etc. »

Cet arrêt, il est vrai, n'a été rendu qu'à l'égard d'enfans naturels dont le père était décédé avant la publication du Code; mais nous l'avons déjà dit, et nous le répétons pour la dernière fois, l'état de tous les enfans naturels dont les père et mère sont décédés depuis la publication de la loi du 12 brumaire, spit avant, soit après le Code Napoléon, doit être réglé, de la même manière, pour tous ces enfans, par les dispositions du Code: ainsi, ce qui a été jugé à l'égard des uns, doit être considéré comme parcillement jugé à l'égard des autres.

6o. On a encore agité la question de savoir si la disposition de l'art. 537 du Code, est applicable à la reconnaissance d'un enfant naturel, faite par le père d'un enfant légitime, non pendant le mariage, mais après sa dissolution.

La négative fut décidée par arrêt de la cour d'appel de Pau, du 5 prairial an 13.

« Considérant, porte l'arrêt, que l'art. 537 n'embrasse que la durée du mariage, non ses effets, ce qui résulte clairement de ses motifs peadant le mariage; qu'étendre ses dispositions à une reconnaissance faite après la mort de l'un des époux, quand il reste des enfans, serait ajouter à la loi, ce qui n'est permis à personne; qu'il est évident que le législa en rendant sans effet une reconnaissance faite pendant de mariage, ou du moins le suspendant, a eu en vue de ne pas troubler le repos du ménage; mais qu'il n'a pas compris dans les dispositions de cet article, celles qui seraient faites par les pères, après la mort de leurs épouses, quoiqu'il restât des enfans, de leur mariage »,

teur,

Sur le pourvoi en cassation contre cet arrêt, M. Pons, substitut du procureur général impérial, examinant la question de savoir si la reconnaissance avait pu nuire à l'enfant légitime, s'exprimait en ces termes :

« Nous conviendrons avec le demandeur, que l'art. 337 du Code Napoléon, paraît rédigé dans l'intérêt des enfans légitimes, plus que dans celui des époux qui n'a pas fait la reconnaissance.

» Mais peu importe. Il s'agit seulement ici de décider si la cour d'appel de Pau a faussement appliqué ou violé cet article, en donnant effet contre le fils légitime du sieur Picot, à une reconnaissance faite par celui-ci, après la dissolution du mariage duquel cet enfant légitime était né.

» Or, on ne peut élever de doute sur ce point.

» L'article 337 n'anéantit l'effet des reconnaissances, à l'égard des enfans légitimes, que lorsqu'elles ont été faites pendant le mariage. Expliquer cette disposition, en faisant abstraction de ces derniers mots, c'est la dénaturer, l'interpréter de manière à la contredire; c'est même la changer, ce qui n'est pas permis.

>> Est-elle une dérogation aux règles qui autorisent les reconnaissances et en fixent les effets? Pourquoi le législateur aurait-il été forcé de la prolonger au-delà du mariage? Elle est tout ensemble un hommage et un sacrifice offerts à la plus précieuse des institutions sociales. Mais ce sacrifice et cet hommage sont-ils dus aux simples souvenirs de l'union conjugale, comme à cette union même ? Ne serait-ce pas s'exagérer, outre mesure, la faveur dont nos lois ont comblé les enfans légitimes, que d'anéantir pour eux, tous les droits des enfans naturels?

» Après la dissolution d'un premier mariage, il est permis à l'époux survivant d'en contracter un second avec l'individu dont il aurait eu des enfans, avant de se marier. Cette nouvelle union qui a l'effet de légitimer des infortunés que le père avait cu tort d'abandonner, a été, de tous tems, commandée par la religion et favorisée par nos lois.

» Or, ne serait-il pas bizarre de refuser à un père la faculté de reconnaître pour enfant naturel, celui que la loi lui permet d'honorer du titre d'enfant légitime?

» L'axiome qui permet de faire ce que la loi ne défend pas, est surtout applicable aux actes que la nature et la morale commandent, et ialles nous paraissent être les reconnaissances d'enfans naturels.

:

<< Aucune loi n'ayant modifié l'effet de ces reconnaissances, dans le cas où elles sont faites après la dissolution d'un mariage qui a donné le jour à un enfant légitime, l'acte du 26 florcal an 2, nous paraît essentiellement attributif en faveur du défendeur, des droits accordés à un enfant naturel légalement reconnu, nonobstant la co-existence d'un enfant légitime. >>

La section civile de la cour de cassation, après un délibéré en la chambre du conseil, a rejeté le pourvoi, par arrêt du 6 janvier 1808′,

ainsi motivé,

Considérant que toute discussion sur l'esprit d'une loi est inutile lorsque son texte est clair; qu'il est évident que l'art. 357 du Code Napoléon, ne parle que des reconnaissances d'enfans naturels, faites pendant le mariage; que c'est uniquement ces reconnaissances faites pendant le mariage, qui, dans les cas prévus par l'article 337, ne peuvent opérer d'effet en faveur des enfans naturels ; que la reconnaissance dont il s'agit, n'a pas été faite pendant le mariage de Léon-François Picot, mais bien après la mort de son épouse, et par conséquent après la dissolution du mariage; d'où il suit que l'article 337 n'est pas textuellement applicable à l'espèce, rejette, etc. >>

Quels sont les droits qui appartiennent aux enfans naturels, quelle que soit l'époque à laquelle ces enfans sont nés ou ont été légalement reconnus, lorsque leurs père ou mère ne sont décédés que sous l'empire du Code Napoléon?

Tout ce qui a été dit sur l'état des enfans naturels dont les père et mère ont survécu à la publication du Code, s'applique également aux droits, et il en résulte que les droits, comme l'état de ces enfans, doivent être également réglés par les dispositions du Code.

L'article 10 de la loi du 12 brumaire an 2, l'a prononcé à l'égard des droits, comme à l'égard de l'état.

La loi du 14 floréal an 11, en a fait l'application aux droits, comme à l'état.

Mais on a prétendu que ces deux lois n'étaient applicables qu'aux enfans naturels qui avaient été légalement reconnus, après la publication de la loi du 12 brumaire, et qu'en conséquence les enfans qui

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avaient été reconnus antérieurement, ne pouvaient réclamer les droits fixés par les articles 756, 757 et 758 du Code Napoléon.

Pour établir ce système, voici comment on a raisonné :

Avant la loi du 12 brumaire, la reconnaissance d'un enfant naturel n'autorisait cet enfant qu'à réclamer des alimens: il n'était pas même alors permis au père ou à la mère qui l'avait reconnu, de l'instituer son héritier.

Le Code Napoléon accorde, au contraire, à l'enfant naturel légalement reconnu, des droits qui, sans être les mêmes que ceux de l'enfant légitime, consistent dans une portion de la succession.

On ne peut donc se prévaloir, à la fois, des deux législations, et argumenter d'une reconnaissance faite sous l'empire de l'ancienne, pour réclamer les droits établis par la nouvelle, surtout lorsque la reconnaissance n'a pas été faite dans la forme que la législation nouvelle a prescrite. Par l'effet de la loi transitoire du 14 floréal an 11, les dispositions du Code Napoléon, relatives aux enfans naturels, sont censées promulguées en même tems que la loi du 12 brumaire an 2; mais elles ne peuvent, sans effet rétroactif, remonter au-delà; il faut donc que les enfans qui en réclament le bénéfice, aient le titre qu'elles ont prescrit.

Mais l'acte qui existait auparavant, ne peut avoir d'autre effet que celui qui y était attaché par la loi existante au moment de sa confection, et la loi nouvelle rétroagirait évidemment, si elle s'appliquait à cet acte antérieur, si elle en changeait la nature et les effets.

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D'ailleurs, il est évident que le père qui a vécu sous la loi nouvelle dont les dispositions donnent à la reconnaissance d'un enfant naturel, des droits nouveaux et différens, et qui a négligé de faire une déclaration de paternité, conforme à ce que cette loi prescrit, n'a pas entendu lui soumettre les effets de la reconnaissance qu'il avait souscrite sous une autre législation; il a même clairement manifesté par son silence, une volonté contraire ; et comme ici tout doit être libre et volontaire de sa part, il n'est pas permis de donner contre son gré, contre sa volonté, à la reconnaissance qu'il n'a pas renouvelée, et qu'il a conséquemment laissée dans les termes de l'ancien droit, les effets que la loi nouvelle donne aux reconnaissances faites sous son empire.

Mais cette opinion a été fortement contredite, et voiei comment on y a répondu.

.

La loi du 14 floréal an 11, comprend bien évidemment tous les enfans naturels, à quelque époque qu'ils soient nés ou qu'ils aient été reconnus. Elle ne dit pas, les enfans naturels nés ou reconnus depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2; mais elle dit, les enfans naturels dont les père et mère sont décédés depuis la promulgation de cette loi.

Si le législateur eût entendu horner sa disposition aux enfans qui seraient nés ou auraient été reconnus depuis la promulgation de la loi de brumaire, il l'eût exprimé clairement, au lieu de rendre sa pensée par unc circonstance exclusive de cette intention.

On ne peut, en effet, concilier la restriction aux enfans nés depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire, avec cette désignation indéfinie des enfans dont les père et mère sont décédés depuis cette promulgation.

La loi du 14 floréal fixant le décès des père et mère à cette époque, suppose nécessairement que la naissance des enfans est antérieure.

L'art. 10 de la loi de brumaire, en renvoyant au Code civil le règlement des droits des enfans naturels dont les père et mère existeraient lors de la promulgation du Code, n'a pas excepté les enfans naturels qui étaient nés et qui seraient reconnus au moment où elle serait promulguée. Sa disposition est générale et embrasse conséquemment tous les enfans naturels dont les père et mère ont survécu à la publication du Code.

De même l'art. 756 du Code, qui accorde aux enfans naturels légalement reconnus, les droits qui sont fixés par les articles subséquens, n'exige pas que les reconnaissances aient été faites après la loi de brumaire : il ne désigne aucune époque, et conséquemment il s'applique à toutes les reconnaissances antérieures ou postérieures, quelles que soient leurs dates, puisqu'il n'en excepte aucune.

On ne peut pas dire cependant que la loi du 14 floréal, ni le Code Napoléon aient prononcé d'une manière rétroactive, en déterminant les effets des reconnaissances faites avant la loi de brumaire, puisque cette disposition se trouve écrite dans la loi de brumaire elle-même, qui ne statuant que sur les droits des enfans naturels dont les père et mère étaient alors décédés, a textuellement ordonné que les droits de tous les autres enfans naturels dont les père et mère étaient encore existans, seraient réglés par ⚫ le Code.

Vainement on oppose que la reconnaissance consignée dans un acte antérieur à la loi du 12 brumaire an 2, a été faite sur la foi d'une juris

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