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prudence qui autorisait seulenrent l'enfant naturel reconnu à réclamer des alimens, et que le père ne l'aurait peut-être pas faite, s'il eût pensé qu'elle đût donner à l'enfant des droits bien plus considérables sur sa succession. Mais le père qui reconnaissait un enfant naturel, sayait bien que la reconnaissance lui imposait envers cet enfant une obligation qui dérive de la nature même, celle de le nourrir, de l'entretenir, de l'élever, de l'établir, et de lui fournir en outre, dans tous les cas de nécessité, des alimens. Or, cette obligation n'était pas déterminée, et le droit de la fixer étaitil donc hors du domaine de la loi?

réglerait, un jour

Le père ne pouvait-il pas prévoir que la loi en réglerait, l'étendue et la quotité?

,

Le droit de l'enfant naturel n'appartient-il pas à l'ordre des droits qui ne s'ouvrent que par la mort de celui sur les biens duquel ils sont affectés? La loi du 17 nivose an 2 a limité, pour les successions qui s'ouvriraient à l'avenir, le droit de disposer à cause de mort, changé l'ordre de succéder, aboli le droit d'aînesse, ainsi que la préférence des mâles sur les filles, et ordonné le partage égal, sans distinction de biens, d'àge ni de sexe, quoique des lois existantes, lors de la naissance des héritiers présomptifs, eussent réglé différemment leurs droits.

.De même, la loi du 12 brumaire an 2, a pu appeler les enfans naturels aux successions de leurs père et mère qui s'ouvriraient postérieurement à sa promulgation.

C'est le même principe qui a régi la nature et les effets des deux lois.

Et ce que les lois des 12 brumaire et 17 nivose ont pu faire, le Code Napoléon et la loi transitoire du 14 floréal an II ont pu le faire également, sans rétroactivité ; le Code Napoléon, par sa propre force, comme exerçant son empire sur les droits non-ouverts; et la loi du 14 floréal et le Code, comme préparés par la loi du 11 brumaire dont ils n'ont été réellement, sur ce point, que le moyen d'exécution.

Cette dernière opinion a prévalu dans la contestation élevée entre la fille légitime et la fille naturelle du sieur Cousin de Méricourt, que déjà nous avait fait connaître.

On soutenait que la fille naturelle ayant été reconnue, en novembre 1787, ses droits devaient être fixés suivant la législation alors existante, et non pas suivant les dispositions du Code, quoique le père fût mort après la publication de la loi du 12 brumaire.

Mais il en a été autrement décidé par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, du 27 messidor an 12, qui a accordé à la fille naturelle la sixième portion des biens du père, conformément à l'art. 757 du Code, et par l'arrêt de la cour de cassation, du 14 floréal an 13, qui à rejeté le pourvoi en cas

sation.

« Attendu, porte ce dernier arrêt, que l'art. rer. de la loi du 14 floréal an II, ayant rendu applicable aux enfans nés hors mariage, dont les père et mère seraient décédés postérieurement à la promulgation de la loi du 12 brumaire an 2, les dispositions du Code civil relatives au titre de la paternité et de la filiation, il s'ensuit que c'est par l'art. 334 de ce Code, que doit être déterminé leur état, d'oùil suit que cet article n'ayant établi aucune distinction entre les actes de naissance dont la date serait antérieure on postérieure à l'époque de la promulgation de ladite loi du 12 brumaire an 2, l'arrêt attaqué n'a point faussement appliqué l'art. rer. de celle du 14 floréal an 11, en déclarant suffisante la reconnaissance produite par la défendresse, rejette, etc. »

La même question relative aux droits, avait été déjà jugée de la même manière, par l'arrêt de la section civile de la cour de cassation, du 2 nivose an 12, précédemment cité.

« Attendu, est-il dit dans cet arrêt, que la loi du 12 brumaire, prise dans son véritable sens, n'a entendu rien statuer sur le sort des enfans naturels dont les pères étaient encore existans à l'époque de sa promulgation, qu'elle les a renvoyés au Code civil pour fixer leurs droits, et que cette manière d'entendre la loi a été fixée par la loi transitoire du mois de floréal an II. >>

S. I I.

La reconnaissance qui ne présente pas le caractère d'une intention et d'une volonté libres et spontanées, à quelque époque qu'elle ait été faite, suffit-elle pour établir l'état de l'enfant naturel, et lui conférer les droits déterminés par le Code Napoléon ?

La reconnaissance libre et volontaire, peut-elle être remplacée soit par des enquêtes qui ont prouvé la paternité, soit par des jugemens qui l'ont prononcée ?

Diverses espèces où l'on examine si la reconnaissance a été libre et

volontaire.

On sait que, suivant la jurisprudence antérieure à la loi du 12 brumaire

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an 2 il suffisait, pour être déclaré père d'un enfant naturel, d'avoir été désigné comme tel par la mère de cet enfant, si, d'ailleurs, il y avait quelque preuve de cohabitation, de commerce, ou de familiarités, entre la mère et celui qu'elle désignait comme l'auteur de la grossesse.

Presque toujours, pour éviter le scandale de semblables affaires qui pouvaient être poursuivies par voie criminelle, l'individu à qui la mère voulait déférer la paternité, s'empressait de transiger sur les alimens et les dommages intérêts réclamés.

Celui qui n'avait pas craint de contester en craint de contester en justice, et qui avait été condamné à reconnaître l'enfant, faisait aussi des traités pour se décharger des condamnations, et dans tous les cas, les actes qui constataient sa libération, le désignaient comme père,

Ces condamnations, ces transactions ces traités, ces actes delibération peuvent-ils être invoqués aujourd'hui comme des reconnaisances libres, et qui soient suffisantes pour conférer les droits qu'accorde le Code Napoléon aux enfans naturels légalement reconnus.

Depuis la publication de la loi du 12 brumaire an 2, la preuve de la paternité cessa d'être arbitraire.

Suivant l'article 8, les enfans naturels dont les pères étaient décédés avant la publication de la loi, furent tenus de prouver leur possession d'état, et cette preuve ne pouvait résulter que de la représentation d'écrits publics ou privés du père, ou de la suite de soins donnés à titre de paternité et sans interruption, tant à leur entretien qu'à leur éducation.

La même disposition avait lieu pour la succession de la mère. Toute autre preuve, toute autre recherche de la paternité, fut abolie par la loi du 12 brumaire, ainsi que l'ont expressément décidé deux arrêts de la cour de cassation, des.3 ventose an 10 et 26 mars 1806,

La preuve de la possession d'état ne fut même autorisée, aux termes de l'art. 8, qu'en faveur des enfans naturels dont les père et mère étaient décédés avant la promulgation de la loi de brumaire.

La jurisprudence des tribunaux est également constante sur ce point. Il y en a un arrêt formel, rendu par la cour d'appel d'Aix, le 25 ventose an 15, dans l'affaire de l'enfant naturel d'Alexis Pous.

Quant aux enfans dont les père et mère n'étaient pas encore décédés dors de la promulgation de la loi de brumaire, on a déjà vu que leur état

et leurs droits doivent être réglés par le Code Napoléon: or, suivant les dispositions de ce Code, la recherche de la paternité est interdite, et l'état de l'enfant naturel ne peut résulter que d'une reconnaissance libre, faite par son père, dans un acte authentique.

Cependant la recherche de la maternité est admise par le Code; mais il faut que l'enfant qui réclame sa mère, prouve qu'il est identiquement le même, que l'enfant dont elle est accouchée, et la preuve n'est même admissible, que lorsqu'il y a déjà un commencement de preuve par écrit.

Il résulte évidemment de ces dispositions, que toute reconnaissance d'enfant naturel doit être essentiellement libre et volontaire, au moins de la part du père, et qu'en conséquence, à l'égard des enfans dont les pères n'étaient pas décédés lors de la promulgation de la loi du 12 brumaire, les reconnaissances, en quelque tems qu'elles aient été faites, devant être régies par le Code, sont inadmissibles et insuffisantes pour conférer les droits qu'il accorde, si elles ne présentent pas le caractère d'une volonté libre et spontanée.

Et c'est ainsi que l'ont unanimement décidé les cours d'appel et la cour de cassation, comme on le verra dans les divers arrêts que nous allons bientôt rapporter.

, quant à la

Ces reconnaissances ne peuvent pas plus être admissibles succession de la mère, puisqu'il est évident que, si elles n'ont pas été libres et volontaires, elles n'ont ni la force ni le mérite du commencement de preuve par écrit et de la preuve testimoniale qui sont exigés par l'art. 341

du Code.

Les reconnaissances mêmes qui ont été faites postérieurement à la publication de la loi du 12 brumaire an 2, par les pères et mères, n'ont, peut-être, pas été toutes volontaires et libres, malgré que la recherche de la paternité n'ait plus été permise depuis la publication de cette loi, ainsi que l'a décidé expressément un arrêt de la cour de cassation, du 6 janvier 1808.

Il peut en exister qui, au milieu des orages révolutionnaires, aient été commandées par le despotisme, ou arrachées par la crainte.

D'autres peuvent avoir été données par erreur, ou surprises par dol, et l'on sait que la violence, l'erreur et le dol, vicient toute espèce de

contrats.

Mais, nous l'avons déjà dit, à quelque époque qu'aient été faites les reconnaissances, avant ou après la loi de brumaire, si elles n'ont pas été entièrement libres et volontaires, elles ne peuvent servir à constater l'état des enfans naturels, de manière à leur faire accorder les droits fixés par le Code Napoléon, 'et par la même raison tous autres actes, ou jugemens, qui ne contiennent pas des reconnaissances volontaires et libres, quelle qu'en soit aussi la date, sont également insuffisans pour conférer les droits accordés par le Code aux enfans naturels légalement reconnus.

On décidait même, sous l'empire de la loi du 12 brumaire, que les reconnaissances antérieures ne pouvaient donner le droit de successibilité, conformément à cette loi, si elles ne portaient pas le caractère d'une volonté libre et spontanée.

Ecoutons à cet égard le comité de législation de la Convention nationale, lorsque, consulté sur diverses questions relatives à cette loi, il venait en donner la solution, par l'organe de M. Oudot, l'un de ses membres. Si les explications qu'il a données, n'ont point l'autorité de lois, elles peuvent, au moins, lui servir de commentaire, comme le remarquait très-bien le ministre de la justice, dans un rapport envoyé par le Directoire au conseil des cinq cents, le 12 ventose an 5. Eh! qui peut mieux, en effet, nous montrer le véritable esprit de la loi, que ceux qui ont concouru à sa rédäction ?

Voici la 13°. question sur laquelle le comité donnait son avis.

« Une femme, avant la loi du 12 brumaire, a fait une déclaration de grossesse et a poursuivi celui qui en est désigné l'auteur, devant les tribunaux. Elle est parvenue, après avoir établi, par témoins, des faits de fréquentation, à le faire condamner comme père de son enfant, à se charger de son éducation, et à lui payer à elle-même un dédommagement. Cette femme demande si les nouvelles lois ont l'effet d'anéantir les preuves acquises de l'état de son fils, et de la priver elle-même de ses dommages et intérêts. »

Le comité résout ainsi la question:

« La Convention s'est déjà expliquée par le décret du 4 pluviose. Elle a décidé qu'elle n'avait point entendu donner d'effet rétroactif à la loi du 12 brumaire, à ce regard; mais il ne serait pas juste, non plus, d'accorder aux probabilités acquises sur la paternité par les anciennes formes, unc

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